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L'importance de l'OCT dans la prise en charge des angioplasties complexes: illustration à partir de deux cas cliniques
  • Claudiu Ungureanu , Jaques Auslender , Damien Prioux , Marc Blaimont , Antoine de Meester

Introduction

La tomographie par cohérence optique ('optical coherence tomography' ou OCT) est une technique d'imagerie qui permet de visualiser grâce à une fibre optique, la lumière et les parois des artères coronaires. Sa haute résolution de l'ordre de 10 μm permet d'évaluer la plaque d'athérome (composition, chape fibreuse, surface de la sténose) mais surtout les éventuelles complications des procédures immédiates ou à distance d'angioplasties comme une dissection coronaire, une malposition de stent, une resténose intrastent et une ré-endothélialisation des mailles. L'OCT offrirait aussi la possibilité de guider la durée du traitement antiplaquettaire.

Par rapport à l'échographie intravasculaire (IVUS), l'OCT offre une meilleure résolution. Elle permet une acquisition plus rapide de l'image (50 cm en 3 secondes), mais sa pénétration dans les tissus est plus faible (de 1 à 2 mm) et elle nécessite au moins 14 ml de produit de contraste.

L'OCT est pour l'instant réservée à certains complexes où l'information apportée par l'angiographie coronaire reste incomplète. Son utilité comme outil diagnostique (ou après une angioplastie) doit encore être prouvée par des études prospectives randomisées et contrôlées.

Observations cliniques

Cas n° 1

Une patiente de 78 ans, ayant comme facteurs de risque cardiovasculaire un tabagisme actif et une hypertension artérielle, se présente à la consultation de cardiologie pour une brève douleur thoracique apparue au repos. Le bilan initial par électrocardiogramme de repos et échocardiographie transthoracique est sans particularité. Un examen non invasif par scintigraphie myocardique est programmé en ambulatoire. Une semaine plus tard, la patiente se présente aux urgences pour récidive de douleur thoracique au repos, qui est cette fois-ci prolongée (> 20 min.). La prise de sang ne montre pas d'élévation de la troponine hs, mais son électrocardiogramme s'est modifié et l'on voit apparaître des ondes T négatives dans le territoire antéro-septal. Devant ce tableau clinique fort suspect d'une maladie coronaire, une coronarographie est réalisée rapidement.

Celle-ci ne met en évidence qu'une plaque focale non calcifiée de 40 % sur l'artère interventriculaire antérieure (IVA) (figure 1). Le test au méthergin n'est pas effectué pour exclure un spasme coronaire. Un bêtabloquant et une statine sont prescrits en plus de son traitement habituel qui consiste en un sartan, une cardioaspirine et de la molsidomine. Vingt-quatre heures après la coronarographie, la patiente ressent à nouveau une douleur thoracique constrictive très intense; cette fois, son électrocardiogramme montre un sus-décalage du segment ST dans le territoire antérieur et l'apparition de salves de tachycardie ventriculaire (figure 2).

Les douleurs sont rapidement soulagées par l'administration de nitrés en intraveineux, et une seconde coronarographie est réalisée en urgence.

La lésion décrite sur l'IVA semble plus importante de l'ordre de 70 %, sans être critique, et aucune autre lésion coronaire ou image thrombotique ne sont à nouveau décelées (figure 3).

Une OCT est réalisée pour écarter la possibilité d'une plaque vulnérable ou d'une rupture de plaque sur l'IVA proximale … ce qui constitueraient des informations très importantes et impossibles à vérifier par une simple angiographie coronaire. Celle-ci montre une plaque d'athéromateuse concentrique, avec une chape fibreuse de 100 μm, sans charge lipidique importante, sans aucun trait de dissection ni thrombus ou rupture (figure 4). La sévérité de la lésion est évaluée à 60 % selon le rapport de surface.

Le diagnostic retenu est celui d'un angor spastique sur une sténose intermédiaire de l'IVA proximale avec arythmie ventriculaire. Compte tenu de la localisation de cette sténose qui risque de compromettre un vaste territoire myocardique, un stent pharmacologique est implanté. L'évolution clinique à trois mois, a été favorable sans récidive d'angor.

Cas n° 2

Une patiente de 57 ans, ayant comme facteurs de risque cardiovasculaires une hypertension artérielle, un tabagisme actif et une dyslipidémie, est hospitalisée pour un syndrome coronarien aigu de type STEMI antérieur qui s'est compliqué d'un arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire, et qui a été traité initialement par thrombolyse. L'ECG s'est normalisé par la suite. La patiente stable et asymptomatique est transférée dans notre centre pour coronarographie; celle-ci, réalisée par abord radial, montre une IVA proximale athéromateuse sur 20 mm suivie d'une sténose intermédiaire de 60 % non calcifiée (figure 5). Il n'y a pas eu de mesure de la réserve coronaire (FFR) compte tenu de l'absence de validité de cette mesure dans un infarctus myocardique de moins de 5 jours.

Une OCT est réalisée et montre une rupture de plaque sans thrombus sur l'IVA proximale avec un diamètre résiduel satisfaisant qui correspond à la zone d'athéromatose visualisée à l'angiographie et qui représente la lésion coupable (figure 6). En aval, on observe une plaque fibrocalcique, avec une fine chape fibreuse de 60 μm, sténosante à 85 % sur une longueur de 15 mm.

Après les informations apportées par l'analyse de l'OCT, l'opérateur peut modifier sa stratégie, vu la sévérité de la plaque et son caractère vulnérable. La patiente bénéficie d'une angioplastie de l'IVA proximale avec mise en place d'un long stent pharmacologique. L'évolution clinique à 4 mois est favorable sans aucune récidive de douleur thoracique ou événements thrombotiques.

Discussion

L'utilité clinique de l'OCT a été montrée par ILUMIEN I qui est une étude non randomisée, montrant que la réalisation d'une OCT modifiait la stratégie thérapeutique dans 57 % de cas avant l'angioplastie et dans 27 % de cas après l'angioplastie en comparaison avec une stratégie classique basée seulement sur la coronarographie.1

Actuellement, il n'y pas d'étude randomisée contrôlée prouvant que l'usage de l'OCT aurait un impact bénéfique en terme de mortalité. Il est toutefois intéressant de souligner que l'étude CLI-OPCI a montré une corrélation entre le pronostique du patient en terme de MACE (major adverse cardiac events) et le sous-déploiement du stent.2

D'un point de vue théorique, l'OCT pourrait probablement devenir un outil indispensable pour guider et optimaliser la technique d'angioplastie - qui comme nous le savons - donne encore aujourd'hui des résultats imparfaits. En effet, les données des registres observationnels décrivent encore des taux importants de malposition (29 %), de sous-déploiement (11 %), de dissection distale ou proximale (14 %) et de thrombus (22 %).3, 4

Les recommandations européennes actuelles accordent une indication de classe IIb pour l'OCT en post-angioplastie pour l'optimalisation de l'implantation du stent.5

Dans notre premier cas clinique, la réalisation d'une OCT nous a permis de manière précise d'exclure une rupture de plaque et d'évaluer les caractéristiques et la sévérité de la lésion située sur l'IVA proximale. Dans le deuxième cas clinique, les images de l'OCT ont complètement modifié notre stratégie thérapeutique et nous ont permis de préciser la cause du syndrome coronarien aigu.

Conclusion

Ces deux cas cliniques illustrent bien l'intérêt que l'OCT pourrait avoir comme nouvel outil pertinent permettant de guider la stratégie thérapeutique dans les angiographies difficiles et d'optimaliser son résultat.

Son utilité en termes de bénéfice clinique pour le patient est encore incertaine et nécessite des études randomisées pour le confirmer, raison (entre autres) pour laquelle, cette technique complexe n'est toujours pas remboursée en Belgique.

Références

  1. Wijns,W., Shite, J., Jones,M.R. et al. Optical coherence tomography imaging during percutaneous coronary intervention impacts physician decision-making: ILUMIEN I study. Eur Heart J, 2015, 36, 3346-3355.
  2. Prati, F., et al. Clinical impact of OCT findings during PCI. The CLI-OPCI II Study. J Am Coll Cardiol Img, 2015, 8, 1297-305.
  3. Prati, F. et al. Angiography alone versus angiography plus optical coherence tomography to guide decisionmaking during percutaneous coronary intervention: the Centro per la Lottacontro l'Infarto-Optimisation of Percutaneous Coronary Intervention (CLI-OPCI) study. EuroIntervent, 2012, 8, 823-829.
  4. Soeda, T. et al. Incidence and Clinical Significance of Poststent Optical Coherence Tomography Findings. One-Year Follow-Up Study from a Multicenter Registry. Circulation, 2015, 132, 1020-1029.
  5. Windecker, S. et al. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization. Eur Heart J, 2014, doi:10.1093/eurheartj/ehu278.

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