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Cardiomyopathie hypertrophique 2016: Nouvelles interventions et stratégies de prise en charge
  • Jens Czapla 

Ce symposium s'est tenu dans l'auditoire Jan Fabre, sur le campus de l'Université d'Anvers, à l'occasion de la nomination du Pr F. Wellens au titre de professeur émérite. Le sujet choisi était la cardiomyopathie hypertrophique (CMH), en raison de sa pathologie complexe. Tous les aspects de la CMH ont été abordés, de son étiologie à une approche sur le plan cellulaire.

CMH: étiologie et stratégies diagnostiques et thérapeutiques actuelles

Dr B.J. Maron, HCM Center, Minneapolis Heart Institute Foundation, Minneapolis, USA

La CMH est une maladie présente dans le monde entier, aux nombreux aspects hétérogènes et imprévisibles. La maladie peut se manifester d'une manière bénigne et être associée à une espérance de vie normale. Mais elle peut aussi connaître diverses évolutions négatives: mort subite, insuffisance cardiaque progressive menant à terme à un stade terminal, fibrillation auriculaire et accident vasculaire cérébral.

En raison du caractère imprévisible de son évolution, la prévention de la mort subite est un élément clé du traitement de la CMH. La décision de mettre en place un défibrillateur implantable (DCI) dépend du profil de risque du patient ainsi que de sa décision personnelle après avoir reçu des informations complètes à ce sujet.

Chez les patients présentant des symptômes importants d'obstruction à l'éjection, il est préférable de réaliser une chirurgie correctrice par myectomie septale. Selon le Dr Maron, l'ablation septale à l'alcool n'est indiquée que chez les patients présentant des contre-indications chirurgicales absolues.

La transplantation cardiaque en cas d'insuffisance cardiaque terminale, l'approche moderne de la fibrillation auriculaire, la mise en place d'un DCI et la myectomie chirurgicale sont les quatre stratégies thérapeutiques qui ont permis de faire de la CMH une maladie traitable, dont la mortalité annuelle s'est réduite à 0,5%par an (mortalité au sein de la population générale: 0,8 % par an).1

CMH: aspects cliniques et pronostic

Pr A. Hagège, Hôpital Européen G. Pompidou, Paris, France

Chez les patients atteints de CMH, les symptômes et l'examen clinique sont peu spécifiques. Il est important de détecter les éventuelles pathologies systémiques associées telles que le syndrome de Noonan, le syndrome de Fabry ou l'amyloïdose chez les patients de sexe masculin âgés de plus de 65 ans.

En cas de suspicion de CMH, il est absolument nécessaire de réaliser les examens suivants: ECG au repos, Holter sur 48 heures, échocardiographie transthoracique et IRM. Les examens biologiques spécifiques permettent surtout la détection de pathologies associées telles que la maladie de Fabry, l'amyloïdose et autres pathologies mitochondriales.

Dans certaines formes de CMH, l'épreuve d'effort cardiorespiratoire et la scintigraphie osseuse peuvent s'avérer utiles.

à l'heure actuelle, les tests génétiques et le dépistage familial sont devenus des examens de base.

à ce jour, le pronostic à long terme s'est fortement amélioré par rapport aux valeurs historiques, grâce aux interventions thérapeutiques actives (DCI, transplantation et traitement de la FA). L'établissement du diagnostic de CMH avant l'âge de 50 ans est un facteur de pronostic négatif sur la survie à long terme.

La FA est 4 à 6 fois plus fréquente chez les patients atteints de CMH qu'au sein de la population normale, et associée à un doublement de l'incidence des décès d'origine cardiovasculaire et des accidents vasculaires cérébraux. Chez les patients atteints de FA, la mortalité et la fréquence des incidents emboliques sont respectivement 4 et 8 fois plus élevée par rapport aux patients présentant une CMH et un rythme sinusal.

CMH: imagerie médicale

Dr Anavekar, Dept. of Cardiovascular Diseases and Radiology Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, USA

Le Dr N. Anavekar a présenté un aperçu particulièrement systématique des possibilités en matière d'imagerie, surtout au niveau anatomique et fonctionnel chez les patients atteints de CMH. L'imagerie est également d'une très grande utilité pour le diagnostic de l'ischémie associée et pour le suivi du traitement instauré.

L'échocardiographie et la RMN sont les principaux outils diagnostiques, l'imagerie nucléaire et la tomodensitométrie étant d'une utilité plus limitée.

Les critères de CMH à l'échocardiographie ont été expliqués de manière détaillée. En cas de CMH, plus de 50 % des patients présentent également des anomalies des feuillets de la valve mitrale et plus de 25 % des patients ont des anomalies au niveau des cordes et des muscles papillaires. Le soulèvement antérieur de la valve mitrale en systole (SAM) est un facteur déterminant important d'obstacle à l'éjection du ventricule gauche, avec des variations de 10 à plus de 30 % d'obstruction par contact valve/septum induit par le SAM pendant la systole. La RMN fournit également des renseignements identiques sur la valve mitrale et constitue le meilleur examen pour identifier la fibrose myocardique, qui apparaît progressivement chez plus de 2/3 des patients atteints de CMH.

L'ischémiemyocardique est très fréquente au cours de la CMH, même en l'absence d'une pathologie coronaire épicardique.

Elle mène à la symptomatologie et à la fibrose progressive de la CMH (dysfonction microvasculaire). La RMN joue ici un rôle clé grâce à l'imagerie métabolique.

L'échocardiographie est bien sûr incontournable pour le suivi thérapeutique de tous les traitements médicochirurgicaux et de l'ablation septale à l'alcool (ASA).

CMH: 50 ans pour devenir une maladie génétique qu'il est aujourd'hui possible de traiter. Résultats après 50 ans de recherche clinique et de traitement

Dr B.J. Maron, HCM Center, Minneapolis Heart Institute Foundation, Minneapolis, USA

Au cours de son second exposé, le Dr Maron a une nouvelle fois souligné l'importance de la stratification du risque. La mise en place d'un DCI est absolument nécessaire pour un sous-groupe de patients atteints de CMH dans le cadre d'une prévention primaire et secondaire. Il existe une corrélation directe entre le risque de mort subite d'origine cardiaque et l'épaisseur de la paroi du ventricule gauche. D'autres sous-groupes de patients présentent également un risque plus élevé de mort subite d'origine cardiaque, p. ex. les patients présentant un anévrisme au niveau de la pointe du ventricule gauche, une CMHO significative, une maladie coronarienne associée et un rehaussement tardif au gadolinium (LGE) impliquant plus de 15% de la masse du VG.

Grâce aux traitements cliniquesmodernes, la mortalité annuelle des patients atteints de CMH s'est réduite à 0,5 % par an, c.-à-d. une mortalité plus faible qu'au sein de la population générale.

à l'heure actuelle, la réalisation de tests génétiques/moléculaires n'a démontré aucun bénéfice thérapeutique cliniquement significatif.

CMH: arythmies et mort subite

Pr P. Brugada, Heart Rhythm Center, UZ Brussel, Belgique

Les mécanismes responsables d'une mort subite au cours de la CMH constituaient le sujet principal de la présentation du Pr Brugada: l'apport sanguin est-il suffisant? Y a-t-il une obstruction ou un déficit au niveau de la circulation sanguine? Quel est le trouble du rythme responsable de la mort subite d'origine cardiaque?

Il indique que le nitrate d'amyle est utilisé comme test diagnostique de la CMH. L'importance de l'ischémie myocardique (dynamique) n'a jamais été sérieusement étudiée en tant que facteur potentiellement responsable de mort subite d'origine cardiaque au cours de la CMH (phénomène de pont musculaire).

Selon le Pr Brugada, l'ablation septale à l'alcool est un traitement impliquant une mortalité tardive trop élevée (2,4 % par an), par comparaison à la mortalité observée au sein de la population générale (0,8 % par an). Elle est donc peu adéquate pour le traitement de la CMH. Il est toujours impossible de prendre une décision sur la mise en place d'un DCI en cas de CMH sur base d'une stratification de risque adéquate. Par exemple, un choc sur FA rapide au cours d'une CMHest-il un choc inapproprié? De très nombreuses questions restent encore sans réponse!

Traitement chirurgical de la CMHO: approches transaortique et transapicale

Dr H. Schaff, Dept. Cardiac Surgery, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, USA

Le Dr Schaff a présenté un exposé sur la technique de myectomie septale élargie. La voie d'accès est une sternotomie, avec une mesure préopératoire des pressions intracardiaques. L'intervention s'effectue sous circulation extracorporelle en normothermie. La réalisation d'une aortotomie oblique basse permet d'avoir accès au septum hypertrophique et de pratiquer la myomectomie transaortique élargie. Une compression externe sur le ventricule droit facilite l'accès au septum. Une mesure de la pression est alors réalisée après la résection, et la pression ne peut certainement pas dépasser 10 mmHg.

à ce jour, l'expérience de laMayo Clinic repose sur les interventions réalisées chez 2843 patients, dont seulement 1,6 % ont subi une chirurgie associée de la valve mitrale. La plupart des patients de ce sous-groupe présentaient simultanément une atteinte structurelle de la valve mitrale. La mortalité opératoire est de 0,3 % et le gradient de pression moyen diminuait de 67 à 3 mmHg. Après l'intervention, la majorité des patients (94 %) appartenaient à la classe fonctionnelle NYHA I ou II.

Les résultats à long terme sont beaucoup plus favorables, par rapport aux résultats obtenus chez les patients atteints de cardiomyopathie non obstructive et chez les patients ayant une CMH obstructive n'ayant pas été opérés.2

L'incidence des chocs appropriés délivrés par le DCI après une myectomie chirurgicale est également extrêmement faible sur une période de suivi de 10 ans.3

à l'heure actuelle, les CMH de l'apex et de la partie moyenne du ventricule peuvent également faire l'objet d'un traitement chirurgical, des résultats très satisfaisants ayant été obtenus dans un groupe de 80 patients.

La technique agrandit le ventricule gauche et améliore la fonction diastolique, avec une augmentation du volume télédiastolique du ventricule gauche et du volume systolique ainsi qu'une réduction de la pression télédiastolique du ventricule gauche.

La technique n'est pas utilisée en cas de présence simultanée d'une obstruction sous-aortique et/ou d'un SAM. Un anévrisme apical est présent chez 25 % des patients présentant simultanément un thrombus et des arythmies ventriculaires.

Traitement chirurgical de la CMHO: approche transmitrale

Dr J. Nijs, Département de Chirurgie cardiaque, UZ Brussel, Belgique

Une exposition plus large du septum hypertrophique est possible grâce à une approche transaortique et transmitrale combinée, après la réalisation d'une sternotomie.

Depuis peu, on dispose du système chirurgical Port-Access qui permet d'accéder à la valve mitrale grâce à une incision transthoracique minimale. En pratiquant une incision du feuillet antérieur, on obtient une vue parfaite sur tout le septum. La myectomie élargie, au niveau tant septal qu'apical, peut être réalisée grâce à cette approche.

Il est préférable de reconstruire le feuillet de la valve mitrale à l'aide d'un patch. Les résultats à long terme sont excellents.4

Résultats cliniques et études récentes sur l'ablation septale à l'alcool

Pr J. Veselka, Dept. Of Cardiology CV Center, University HospitalMotol, Prague, République tchèque

Cette technique consiste à injecter une faible quantité d'alcool dans la première branche coronaire septale optimale. Le volume du septum hypertrophique se réduit ainsi par cicatrisation. Les signes d'obstruction disparaissent après quelques mois.

La réussite du traitement repose sur le choix du perforateur septal idéal et sur le volume correct d'alcool. L'opérateur doit pratiquer au moins 50 interventions avant d'obtenir un taux de réussite clinique optimal. Il est dès lors primordial d'être encadré par une personne plus expérimentée.

Un bloc complet transitoire de 3ème degré est présent chez 37 % des patients; à terme, 12 % des patients nécessiteront l'implantation d'un PM permanent.

Dans le groupe des 820 patients (étude européenne multicentrique), la mortalité prématurée était de 0,3 %.5

La mortalité à long terme présente une corrélation directe avec un gradient résiduel d'obstruction à l'éjection du ventricule gauche > 30 mmHg, mais aussi avec un âge plus élevé et une épaisseur plus élevée du septum avant la procédure d'ASA.

Le Pr Veselka a conclu que l'ASA est actuellement un traitement sûr et efficace pour les patients présentant une CMHO fortement symptomatique. La présence d'une obstruction résiduelle influence l'état fonctionnel à long terme et la survie. La répétition de la procédure d'ASA constitue un traitement efficace. Le recours à un centre/une équipe très expérimenté(e) dans la réalisation de la procédure d'ASA garantit l'obtention de résultats optimaux, comparables à ceux d'une myectomie chirurgicale.

Cardiomyopathie due à une maladie du sarcomère: existe-t-il de réelles modalités thérapeutiques?

Pr J. van der Velden, Dept. Of Physiolology VU University Medical Center, Amsterdam, Pays-Bas

Le déficit direct en sarcomère provoque un déficit énergétique, tandis que le déficit indirect induit des valeurs élevées d'ADP. Les deux types de déficit induisent l'évolution d'un patient atteint de CMH et présentant une dysfonction diastolique au stade précoce, vers un patient ayant une CMH manifeste.

Dans 70 % des cas, des mutations au niveau de 2 gènes sont responsables de la pathologie: les gènes codant pour la protéine C liant la myosine cardiaque et pour les chaines lourdes de la myosine.

Mais cette mutation du sarcomère estelle la cause de la contractilité inefficace du sarcomère? Sur la base de leurs travaux expérimentaux, les chercheurs peuvent conclure que la dysfonction diastolique est induite par une augmentation spécifique au gène et au dosage de la force de traction du sarcomère, et que l'élévation des concentrations d'ADP associée au calcium ionisé inhibe la compliance ventriculaire.

La détermination de marqueurs supplémentaires de la maladie est néanmoins nécessaire pour sélectionner les patients atteints de CMH en vue d'une thérapie métabolique.6

Conclusion du symposium (Dr B.J. Maron, HCM Center, Minneapolis Heart Institute Foundation, Minneapolis, USA)

Dr. B.J. Maron, HCM Center, Minneapolis Heart Institute Foundation, Minneapolis USA

LeDr B.J. Maron s'est dit très satisfait de constater que le symposium a permis de diffuser un message clair sur les aspects cliniques, diagnostiques et thérapeutiques de la CMH. Même si l'on dispose déjà d'un algorithme thérapeutique précis, il reste encore de nombreux aspects à développer.

Une stratification du risque plus spécifique pour la mise en place d'un DCI (réduction de la fréquence d'implantation), une amélioration du traitement médical personnalisé et du traitement de l'insuffisance cardiaque, ainsi qu'une classification plus détaillée des mutations pathogènes du sarcomère pourraient encore améliorer l'approche thérapeutique actuelle.

Références

  1. Maron, B.J., Rowin, E.J., Casey, S.A., Maron, M.S. How Hypertrophic Cardiomyopathy Became a Contemporary Treatable Genetic Disease With Low Mortality: Shaped by 50 Years of Clinical Research and Practice. JAMA Cardiology, 2016, DOI: 10.1001/jamacardio. 2015.0354.
  2. Ommen, S.R., Maron, B.J., Olivotto, I., Maron, M.S., Cecchi, F., Betocchi, S. et al. Long-TermEffects of Surgical Septal Myectomy on Survival in Patients With Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol, 2005, 46 (3), 470-476.
  3. McLeod, C.J., Ommen, S.R., Ackerman, M.J.,Weivoda, P.L., Shen, W.K., Dearani, J.A., et al. Surgical septal myectomy decreases the risk for appropriate implantable cardioverter defibrillator discharge in obstructive hypertrophic cardiomyopathy. Eur Heart J, 2007, 28 (21), 2583-2588.
  4. Vriesendorp, P.A., Schinkel, A.F.L., Soliman, O.I.I., Kofflard, M.J.M., de Jong, P.L., van Herwerden, L.A. et al. Long-Term Benefit of Myectomy and Anterior Mitral Leaflet Extension in Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy. Am J Cardiol, 2015, 115 (5), 670-675.
  5. Veselka, J., Jensen,M.K., Liebregts, M., Januska, J., Krejci, J., Bartel, T. et al. Long-termclinical outcome after alcohol septal ablation for obstructive hypertrophic cardiomyopathy: results from the Euro-ASA registry. Eur Heart J, 2016, pii:ehv 693.
  6. Tardiff, J.C., Carrier, L., Bers, D.M., Poggesi, C., Ferrantini, C., Coppini, R. et al. Targets for therapy in sarcomeric cardiomyopathies. Cardiovasc Res, 2015, 105, 457-470.

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