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Nouvelles informations pour l'utilisation des anticoagulants nonvitamine-K-dépendants dans la fibrillation auriculaire
  • Georges Mairesse

Dans le cadre du congrès annuel 2016 de la Société Européenne de Cardiologie, à l'initiative des laboratoires Daiichi Sankyo, un symposium a été consacré aux nouvelles informations disponibles pour l'usage des anticoagulants nonvitamine K- dépendants (NOACs) et à leurs implications cliniques.

Le Prof. Dr Hein Heidbüchel (Hasselt, B) a rappelé plusieurs points forts des nouvelles guidelines européennes de prise en charge de la FA:1

  • l'importance du dépistage dans les populations à risque, et surtout chez les personnes âgées, ou après un accident vasculaire cérébral;
  • la nécessité de confirmer par ECG le diagnostic de la FA;
  • la mise en perspective des facteurs de risque, comme l'hypertension, l'insuffisance cardiaque, les maladies valvulaires …;
  • la nécessaire participation active et l'éducation du patient quant à sa prise en charge, et à l'amélioration de ses habitudes et mode de vie;
  • la confirmation du score de CHA2DS2-VASc comme outil d'évaluation obligatoire du risque thrombotique dans la FA;
  • l'anticoagulation de tous les patients à l'exception de ceux réellement à risque réellement très bas;
  • l'importance des symptômes du patient pour l'aide au choix dans les traitements ultérieurs;
  • la hiérarchisation des traitements en fonction de leur objectif en termes de réduction de mortalité ou simplement de réduction des symptômes;
  • la prise en charge par un 'heart team' dédié à la FA.

Les nouvelles guidelines préconisent clairement une préférence aux NOACs sur les antivitamines K (AVK) chez la majorité des patients. Cependant, une grande attention doit toujours être portée à minimiser les risques de saignement. L'association d'une anticoagulation avec un antiagrégant plaquettaire est limitée à certains cas spécifiques. Ceux-ci ont été synthétisés dans ces nouvelles guidelines. Les patients rénaux (avec une clearance de créatinine < 50 ml/min) représentent jusque 20 % des patients en FA. La fonction rénale doit être suivie de près et évaluée au moins chaque année chez tous les patients. Il n'y a pas encore de données chez les patients en dialyse, en prédialyse, ou chez les greffés rénaux.

Les différents schémas proposés dans le cadre d'une cardioversion n'ont pas vraiment changé: s'il n'y a pas 3 semaines d'anticoagulation effective, il faut vérifier l'absence de thrombus par une échographie transoesophagienne (ETO) avant la cardioversion. Ce sont les études EMANATE avec l'apixaban et ENSURE-AF avec l'edoxaban qui ont validé des concepts avec les derniers NOACs.

Le Prof. Dr Greg Lip (Birmingham, UK) a rappelé le lien entre la réduction des saignements chez les patients traités par edoxaban par rapport aux AVK, et la réduction de mortalité observée dans l'étude ENGAGE AF-TIMI 48. Cette étude a été la plus grande (21 105 patients) et la plus longue (2,8 années de suivi médian) des études de phase III évaluant un NOAC en comparaison avec les AVK pour l'anticoagulation des patients en FA. Avec une réduction de 21 % des accidents thromboemboliques cérébraux et systémiques, l'edoxaban est bien significativement non inférieur à la warfarine (p < 0,0001). Cela s'accompagne également d'une très importante réduction de 46 % des AVC hémorragiques, d'une réduction de 20 % des saignements majeurs, de 45 % des saignements mortels, de 53 % des saignements intracrâniens, mais d'une augmentation de 23 % des saignements digestifs. En analysant ces résultats en terme de bénéfice clinique net, on observe une réduction de 12 % de l'objectif combiné d'AVC invalidant, saignement à risque vital et mortalité confondus (p = 0,008).

C'est bien la réduction des saignements qui semble corrélée avec la réduction de mortalité observée. En effet, dans les 45 % de morts subites, les 23 % de mort d'insuffisance cardiaque, ou les 8,8 % de mort par AVC fatal, la réduction due à l'edoxaban n'atteint pas une valeur significative. Par contre, dans les 7,5 % de patients décédés de complications hémorragiques, la réduction de moitié de la mortalité grâce à l'edoxaban est tout à fait significative (p = 0,003). Il en est de même pour les saignements mortels ou ayant contribué à la mort, réduits de 40 % sous edoxaban (p = 0,001).

Plusieurs sous-analyses de populations à risque de ENGAGE AF-TIMI 48 (patients âgés, patients en prévention secondaire après un premier AVC, femmes, patients à risque de chutes, patients avec traitement antiagrégants associés, insuffisance cardiaque, maladie valvulaire ou insuffisance rénale …) ont maintenant été publiées.

L'âge est un facteur d'interaction significative. Au plus les sujets sont âgés (> 75 ans, versus 65-75 ans, versus < 65 ans), au plus ils bénéficieront d'une meilleure protection sous edoxaban que sous AVK contre les accidents thromboemboliques ou contre l'AVC ischémique, et au moins ils présenteront de risque de saignements majeurs ou intracrâniens sous edoxaban que sous AVK.

Chez les patients en prévention secondaire après un premier AVC, bien que tous les risques soient majorés (tant le risque de récidive d'AVC que le risque de saignement), le bénéfice de l'edoxaban sur les AVK reste constant.

Le Prof. Dr Lip pouvait donc conclure que l'edoxaban, en une prise par jour et un dosage de 60 mg (réduit à 30 mg chez les patients en insuffisance rénale (clearance de créatinine de 15-50 ml/min), les petits patients de < 60 kg ou ceux qui prennent un inhibiteur de la glycoprotéine P (ciclosporine, dronédarone, érythromycine ou kétoconazol) est au moins aussi efficace que les AVK, réduit les risques de saignement majeur ou intracrânien et la mortalité cardiovasculaire et donne de meilleures perspectives cliniques que les AVK. Le principal avantage de l'edoxaban, outre sa prise unique quotidienne, est donc son profil de sécurité, encore majoré chez les patients les plus fragiles, à efficacité préservée.

Enfin le Prof. Dr Andreas Götte (Paderborn, DE) a présenté la méthodologie de l'étude ENSURE-AF qui évaluait l'utilisation de l'edoxaban dans le décours de la cardioversion.2

Les 4 grandes études de phase III ont analysé rétrospectivement les données des patients bénéficiant d'une cardioversion électrique. À cause du très petit nombre d'évènements cliniques, aucune différence significative n'est apparue. Il en est de même pour l'étude X-VERT qui a évalué prospectivement le rivaroxaban. Même en combinant ces 5 études dans une méta-analyse, portant sur 3 041 patients sous NOACs et 1 824 patients sous AVK, seuls 21 évènements emboliques ont été observés, ne permettant de mettre en évidence aucune supériorité ni pour les NOAC ni pour les AVK.

L'étude ENSURE-AF a donc été mise en place pour évaluer de manière prospective, randomisée, et non aveugle, l'edoxaban par comparaison avec une stratégie associant enoxaparine et AVK chez des sujets programmés pour une cardioversion élective d'une FA non valvulaire. Les patients étaient en FA depuis > 48 h et < 12 mois. Ils pouvaient avoir déjà été traités par anticoagulants et/ou antiplaquettaires. Les objectifs d'efficacité et de sécurité primaires étaient l'évaluation composite d'AVC, embole systémique, infarctus du myocarde et mortalité cardiovasculaire pour l'efficacité et saignement majeur ou cliniquement significatif pour la sécurité. Après randomisation (1:1), le choix entre une approche avec ou sans ETO était laissé à l'investigateur, mais permettait une stratification des patients, de même que leur statut naïf ou expérimenté avec un anticoagulant, ou la dose effectivement administrée.

Les résultats de cette étude ont été présentés dans une session ultérieure. Un total de 2 199 patients ont été inclus, et suivis 1 mois après leur cardioversion. Seulement 11 évènements emboliques composites (1 %) ont été rapportés sous AVK contre 5 (0,5 %) sous edoxaban, ne constituant pas une différence significative, vu le faible nombre total d'évènements. Les évènements emboliques étaient aussi réduits de moitié (mais également de manière non significative) par l'utilisation d'une approche contrôlée par ETO. En outre, 35 saignements ont été rapportés sous AVK contre 32 sous edoxaban, également non significatif. En termes de bénéfice clinique net, la différence en faveur de l'edoxaban n'atteint pas non plus un seuil significatif. Les auteurs peuvent donc constater ce faible taux d'évènements dans les 2 groupes, que la stratégie inclue ou non un ETO. Le bénéfice de l'edoxaban n'atteint pas une valeur statistiquement significative. L'edoxaban peut cependant être une excellente alternative au traitement conventionnel par héparine de bas poids moléculaire et AVK, permettant une cardioversion précoce après début de l'anticoagulation (> 2 heures pour une approche avec ETO, ou > 3 semaines sans ETO).

Références

  1. Kirchhof, P., Benussi, S., Kotecha, D. et al. 2016 ESC guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with EACTS. Eur Heart J, 2016, doi:10.1093/eurheartj/ehw210.
  2. Goette, A., Merino, J.L., Ezekowitz, M.D. et al. Edoxaban versus enoxaparin-warfarin in patients undergoing cardioversion of atrial fibrillation (ENSURE-AF): a randomised, open-label, phase 3b trial. The Lancet, 2016, 388 (10055), 1995-2003.

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