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NOACs are not all the same: new factors to consider in 2016
  • Tom Vanassche, Peter Verhamme

Compte rendu du congrès de l'ESC, 2016, Rome

Introduction et aperçu

Ce symposium satellite, sponsorisé par Boehringer Ingelheim, a donné un aperçu de l'état des lieux en matière d'anticoagulation orale en 2016. Les résultats primaires des vastes études cliniques de phase III avec les nouveaux anticoagulants oraux, ne dépendant pas de la vitamine K (NOAC), sont entre-temps connus depuis quelques années. Toutefois, au cours de l'année écoulée, de nouvelles données importantes sont devenues disponibles, lesquelles augmentent encore la confiance suscitée par l'utilisation de ces médicaments. Lors de ce symposium, on a essentiellement prêté attention au nombre croissant de données au sujet de l'utilisation des NOAC en pratique réelle. Par ailleurs, on a largement commenté l'impact de l'idarucizumab, un anticorps neutralisant spécifique du dabigatran. Enfin, on a émis des pronostics au sujet d'études en cours qui, dans un proche avenir, fourniront davantage de données au sujet de l'utilisation des NOAC dans des situations spécifiques, comme chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire, chez qui on implante également un stent coronaire.

Rétrospective: les études randomisées, base du traitement

Perspective historique: les NOAC, nouveau traitement standard

Les études cliniques randomisées qualitatives constituent la base d'un traitement réfléchi. Le Prof. Dr Harry Büller (Amsterdam) a donné un aperçu des études cliniques dans lesquelles les quatre NOAC disponibles ont été comparés aux antagonistes de la vitamine K (AVK) chez des patients souffrant de fibrillation auriculaire (FA). En tout, ces quatre NOAC - le dabigatran, un inhibiteur de la thrombine, et les inhibiteurs du facteur Xa que sont le rivaroxaban, l'apixaban et l'edoxaban - ont été comparés à un traitement bien équilibré par warfarine chez plus de 70 000 patients. Le Prof. Dr Büller a souligné que, dans chacune de ces études, le traitement par un NOAC était au moins aussi sûr et aussi efficace que le traitement standard précédent. Bien qu'il existe des différences mutuelles entre ces études, comme nous le décrirons plus en détail ci-dessous, ce sont les ressemblances qui sautent le plus aux yeux: ainsi, par rapport aux AVK, chacun de ces NOAC était associé à un risque près de trois fois plus faible d'hémorragies intracrâniennes, la complication la plus redoutée du traitement anticoagulant.

Produits différents, doses différentes

Depuis ces études, les NOAC supplantent dès lors les AVK en tant que nouveau traitement standard pour la prévention des AVC chez les patients souffrant de FA. L'existence de quatre produits enregistrés, chacun ayant ses posologies propres, peut toutefois créer une confusion. Afin de prescrire la dose adéquate à chaque patient, il est important de bien comprendre les différences de conception des études, explique le Prof. Dr Büller.

L'étude RE-LY, avec le dabigatran, a comparé la warfarine avec deux doses différentes de dabigatran, en l'occurrence 150 mg deux fois par jour et 110 mg deux fois par jour. La dose plus élevée et la dose plus faible constituaient donc deux stratégies individuelles différentes, évaluées chez quelque 6 000 patients. Bien que les deux doses se soient avérées au moins aussi sûres et aussi efficaces que les AVK, la dose plus élevée s'est avérée considérablement plus efficace que la warfarine sur le plan de la prévention des AVC, et ce, sans augmentation du risque hémorragique comparativement aux AVK. En outre, le dabigatran administré à cette posologie élevée était le seul NOAC offrant une meilleure protection contre les AVC ischémiques, qui représentent 90 % de tous les AVC. La dose plus faible de dabigatran, 110 mg deux fois par jour, s'avérait toujours aussi efficace que la warfarine, mais était à nouveau associée à une diminution significative de la sévérité des hémorragies.

Le rivaroxaban et l'apixaban ont été étudiés à une seule dose chez tous les patients, la dose réduite n'étant utilisée que chez les patients présentant une diminution de la fonction rénale (rivaroxaban) ou une combinaison d'un âge avancé, d'un faible poids corporel et/ou d'une diminution de la fonction rénale (apixaban). Dès lors, dans ces études, les patients les plus fragiles n'ont reçu qu'une dose faible, et les patients en bonne santé ont tous reçu une dose élevée. Comparativement aux AVK, le traitement par apixaban entraînait moins d'AVC et moins d'hémorragies sévères.

Une utilisation correcte de la dose adéquate pour chaque patient semble en effet contribuer à optimiser tant l'efficacité que la sécurité. Le Prof. Dr Georg Nickenig (Bonn) a commenté les résultats de la publication du Dr Lip, datant de 2014, qui indique que l'utilisation de la dose plus faible de dabigatran chez les patients plus fragiles - telle que recommandé - est associée à une efficacité et à une sécurité accrues par rapport à l'utilisation d'AVK, ainsi qu'à une diminution significative de la mortalité.

Enfin, l'étude avec l'edoxaban a combiné les deux stratégies: cette étude a comparé une dose de 60 mg, portée à 30 mg chez les patients fragiles, avec une dose de 30 mg, réduite à 15 mg chez les patients vulnérables. Entre-temps, seule la première de ces deux stratégies thérapeutiques (60 mg, à diminuer de moitié chez les patients fragiles) a été choisie pour l'enregistrement.

Nouvelles informations: l'expérience croissante confirme les résultats d'études

Ces dernières années, la facilité d'utilisation, l'efficacité et le bon profil de sécurité dans les études cliniques ont conduit à une énorme augmentation de l'utilisation de NOAC. Ceci soulève naturellement de nouvelles questions: dans quelle mesure ces traitements conservent-ils leur efficacité et leur profil de sécurité favorable lorsqu'ils sont prescrits à grande échelle? L'utilisation d'une posologie fixe, sans monitoring, est-elle en effet sûre dans une population moins sélectionnée de patients? Pour répondre à ces questions pertinentes, plusieurs études à très grande échelle, en pratique réelle, ont été mises sur pied ces dernières années. Il s'agit tant d'études issues de centres académiques que d'études demandées par les autorités ou conduites par les firmes pharmaceutiques, mais ces études ont toutes en commun d'avoir évalué l'utilisation de NOAC dans des groupes non sélectionnés de patients.

Le Prof. Nickenig a donné un aperçu de ces données récentes. Avant tout, il est clair qu'il s'agit ici d'énormes nombres de patients: de plus de 35 000 patients dans les banques de données des firmes pharmaceutiques à une étude académique danoise chez 60 000 patients, sans oublier une étude des autorités américaines, impliquant plus de 130 000 patients traités par dabigatran ou warfarine. Bien que ces populations soient beaucoup plus hétérogènes et qu'elles englobent des patients plus fragiles que lors des études cliniques, les résultats sont très rassurants. La réduction drastique des hémorragies intracrâniennes est également confirmée chez ces très nombreux patients. Il est également apparu que le traitement par dabigatran réduit le nombre d'AVC ischémiques en pratique réelle et, à grande échelle, l'utilisation de NOAC réduit également significativement la mortalité par rapport aux AVK. Le Prof. Dr Nickenig a en outre souligné qu'il n'y avait pratiquement pas de différences au niveau de l'incidence d'infarctus myocardiques lors de l'utilisation de dabigatran ou d'AVK. Tant l'apixaban que le dabigatran se sont en outre avérés plus sûrs que les AVK sur le plan des complications hémorragiques sévères.

En résumé, ces résultats permettent d'affirmer, en toute confiance, que l'utilisation correcte des NOAC est sûre et efficace, y compris en dehors des études cliniques.

Neutralisation des anticoagulants: une nouvelle ère?

Il est possible que le progrès le plus important en matière d'anticoagulation soit la possibilité de neutraliser instantanément l'anticoagulation, par ailleurs souhaitée, a signalé le Prof. Dr Büller: 'Grâce à cela, nous arrivons enfin à obtenir un contrôle total sur le système de la coagulation'. Il a commenté les résultats précliniques et cliniques avec l'idarucizumab, une molécule neutralisante spécifique du dabigatran.

Qu'est-ce que l'idarucizumab?

L'idarucizumab est un fragment d'un anticorps monoclonal humanisé. Il possède dès lors les propriétés typiques d'un anticorps: la spécificité très élevée et l'affinité pour la cible, dans ce cas le dabigatran. Après une administration intraveineuse, l'idarucizumab va se lier aux molécules de dabigatran avec une très forte affinité, d'où il suit que ces molécules seront instantanément neutralisées. D'autres molécules ne sont pas affectées, ce qui explique l'absence d'effet sur d'autres éléments du système de la coagulation, et un risque d'effets indésirables extrêmement réduit.

Quel est l'effet de l'idarucizumab?

Chez les volontaires en bonne santé, traités par dabigatran, une seule dose de 5 g d'idarucizumab entraînait une normalisation directe et complète des paramètres de la coagulation. Les premiers résultats intermédiaires de l'étude RE-VERSE AD ont déjà été présentés l'an dernier. Cette étude avait évalué l'effet de l'idarucizumab sur les paramètres de la coagulation chez des patients traités par dabigatran, connaissant une situation d'urgence: soit une hémorragie aiguë et potentiellement mortelle, soit une nécessité d'intervention chirurgicale ou de procédure urgente. Comme chez les volontaires en bonne santé, l'administration d'une seule dose intraveineuse d'idarucizumab a entraîné une normalisation instantanée et complète des paramètres de la coagulation chez la grande majorité des patients présentant une hémorragie potentiellement mortelle ou ayant besoin d'une intervention invasive, deux situations importantes dans lesquelles une coagulation adéquate peut s'avérer vitale. On saura clairement dans quelle mesure la normalisation rapide de la coagulation influence l'évolution clinique de patients en état critique lorsque les résultats finaux de cette étude seront publiés. Les critères d'évaluation clinique complets concernant en tout plus de 500 patients seront présentés plus tard cette année.

Quels sont les agents neutralisant les anticoagulants disponibles?

Sur la base de ces résultats prometteurs, l'idarucizumab a été approuvé pour une utilisation clinique, et est désormais disponible dans plus de 5 000 hôpitaux, y compris en Belgique (remboursement à partir du 1er septembre).

Une molécule expérimentale, basée sur le facteur X, est testée dans des études pour la neutralisation de l'apixaban, du rivaroxaban, de l'edoxaban et des héparines. Les premiers résultats intermédiaires ont également été présentés lors du congrès de l'ESC à Rome, mais l'utilisation clinique de cette molécule n'est pas encore approuvée.

Quel est l'impact d'un produit neutralisant les anticoagulants?

L'impact de ces nouveaux développements a été abordé et commenté en détail. Bien qu'il soit clair que la possibilité de neutraliser instantanément les anticoagulants - si nécessaire - représente une révolution, les experts s'accordent à dire que l'utilisation en pratique quotidienne sera heureusement limitée. Le Prof. Dr Nickenig compare un agent neutralisant à l'airbag d'une voiture: il ne sert pas tous les jours, mais donne un sentiment de sécurité afin d'offrir la meilleure protection dans des situations urgentes imprévues, et il limite le risque de dommages permanents.

Les patients complexes: données anciennes et récentes

Bien que l'expérience avec les NOAC ne cesse d'augmenter, il persiste des situations dans lesquelles la décision d'utiliser un NOAC - ou toute autre forme d'anticoagulation - reste difficile à prendre. Pour le cardiologue, le 'groupe de patients complexes' le plus fréquent est incontestablement celui des patients souffrant de FA, chez qui on implante un stent, que ce soit ou non dans le cadre d'un syndrome coronarien aigu. Le Prof. Dr Leonardo De Luca (Rome) a traité en détail de cette situation. Ces patients sont en effet confrontés à un double risque: d'une part le risque de thrombose du stent, pour lequel on donne classiquement une double thérapie antiagrégante plaquettaire, et d'autre part le risque d'AVC, dans le cadre duquel les anticoagulants oraux offrent davantage de protection que le traitement antiagrégant plaquettaire. Une protection maximale contre les problèmes thrombotiques suppose dès lors une triple thérapie, consistant en anticoagulants oraux, aspirine et un inhibiteur des récepteurs P2Y12, tout en sachant clairement que cette triple combinaison induit un risque hémorragique très élevé.

Quelles données indirectes peuvent orienter les décisions?

Le Prof. Dr De Luca a fait référence aux résultats de l'étude WOEST. Cette étude impliquant des patients souffrant de FA et porteurs d'un stent coronaire, qui recevaient tous un AVK, a montré que le clopidogrel seul - comparativement au clopidogrel plus aspirine - en plus de l'AVK réduisait le risque d'hémorragies, sans augmenter significativement le nombre de thromboses du stent. Dans ce contexte, une double thérapie semblait donc aussi efficace, mais plus sûre que la triple thérapie. Depuis l'étude WOEST, plusieurs grandes banques de données de patients et méta-analyses ont également été publiées, lesquelles ont révélé des données similaires.

Qu'en est-il des NOAC? L'étude RE-LY, avec le dabigatran, fut la seule grande étude évaluant un NOAC, lors de laquelle l'utilisation d'une double thérapie antiagrégante plaquettaire était autorisée en plus de l'anticoagulation. Au total, 4,5 % des 18 113 patients ont reçu une triple thérapie. Une sous-analyse récente de ces patients confirme d'une part que la triple thérapie augmente le risque d'hémorragies, comparativement à la double thérapie, mais elle a également montré que le bénéfice relatif du dabigatran comparativement aux AVK se maintenait dans chacun de ces groupes. Ainsi, le risque d'hémorragies majeures lors d'une double thérapie antiagrégante plaquettaire administrée en plus d'un AVK, de dabigatran 150 mg ou de dabigatran 110 mg atteignait respectivement 6,3, 5,5 et 5,4 %/an. Cette étude suggère que, bien que le risque hémorragique soit élevé, le dabigatran est certainement un choix aussi valable que les AVK chez les patients qui ont également besoin d'antiagrégants plaquettaires.

Quelles sont les études qui peuvent répondre à cette question?

L'étude en cours, RE-DUAL PCI, a été spécifiquement mise sur pied pour examiner le traitement optimal chez des patients souffrant de FA, après l'implantation d'un stent. Dans cette étude, trois stratégies ont été comparées: deux doubles thérapies (dabigatran 150 mg + inhibiteur de P2Y12 et dabigatran 110 mg + inhibiteur de P2Y12) et une triple thérapie (AVK + inhibiteur de P2Y12 + 1-3 mois d'aspirine). Les résultats sont attendus d'ici quelques mois.

Jusqu'à ce que ces résultats et les résultats d'études similaires avec d'autres NOAC soient disponibles, les recommandations préconisent, en cas de triple thérapie, d'opter dans tous les cas pour la dose plus faible du NOAC (dabigatran 110 mg, utilisé dans l'étude RE-LY en combinaison avec une double thérapie antiagrégante plaquettaire, ou rivaroxaban 15 mg et apixaban 2,5 mg, bien qu'on ne dispose pour le moment pas encore de données issues des études de phase III).

Conclusion

Sur la base d'études cliniques à grande échelle, qui ont démontré que les NOAC sont au moins aussi sûrs et aussi efficaces que les AVK sur le plan de la prévention des AVC chez les patients souffrant de FA, les NOAC constituent désormais le nouveau traitement standard pour cette indication. Bien qu'il existe des différences au niveau des résultats des études avec les quatre NOAC disponibles, les parallèles sont également très importants, plus précisément la réduction constante des hémorragies intracrâniennes potentiellement fatales.

La disponibilité croissante d'énormes banques de données au sujet de l'utilisation de NOAC dans des groupes de patients non sélectionnés, et dans différents pays de par le monde, apporte des preuves solides qui démontrent également que l'utilisation correcte de NOAC entraîne moins d'AVC, moins d'hémorragies sévères et une diminution de la mortalité, comparativement aux AVK, y compris en pratique 'réelle', en dehors des études cliniques.

En outre, l'existence d'un anticorps neutralisant instantanément le dabigatran offre la possibilité de rétablir immédiatement la coagulation, si nécessaire, et ce, à tout moment. Bien que ce soit rarement nécessaire, cela peut contribuer à améliorer la prise en charge des situations urgentes.

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