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Long-term DAPT after MI
  • Jimmy Jacobs

Compte rendu du congrès de la SBC 2017

Ces dernières années, d'importantes questions ont été posées au sujet de la durée optimale de la double thérapie antiagrégante plaquettaire (DAPT) après un syndrome coronarien aigu (SCA). Dans ce contexte, cette session, organisée durant le 36ème Congrès de la Société Belge de Cardiologie, tente de donner un aperçu de la situation actuelle et de nouvelles études pertinentes, afin de trouver un consensus au sujet de la durée optimale de la DAPT après un SCA en l'an 2017. Lors de cette session, le Dr Beauloye (Bruxelles) et le Prof. Sinnaeve (Louvain) ont respectivement présenté les données au sujet de la DAPT au cours de la 1re année après un SCA, et les (nouvelles) données au sujet de la DAPT prolongée (> 1 an) après un SCA. Les données rétrospectives indiquent que les patients ayant présenté un SCA conservent un risque élevé de récidive, en dépit des progrès enregistrés ces dernières décennies. Ce risque de nouvelles complications athéro-thrombotiques ne se limite pas à la 1re année qui suit l'événement, mais il persiste par après. Ce risque est également indépendant de la présentation initiale (STEMI/NSTEMI/ AI).

La première année après un SCA

La recommandation actuelle qui consiste à administrer une DAPT pendant 12 mois après un SCA est surtout basée sur la littérature de la fin des années 1990 et du début des années 2000. Depuis l'étude CURE,1 qui a randomisé des patients ayant été victimes d'un SCA (AI ou NSTEMI) vers un traitement par AAS ou par AAS + clopidogrel, on a observé une réduction significative du risque de MACE à 1 an (HR: 0,80, IC à 95 %: 0,72-0,90), surtout grâce à une réduction significative de la survenue d'un nouvel infarctus myocardique (6,7 % dans le groupe AAS vs 5,2 % dans le groupe clopidogrel + AAS, HR: 0,77). Il est également clairement apparu que la DAPT pouvait non seulement réduire ce risque au cours du 1er mois suivant le SCA, mais qu'elle était également supérieure à l'AAS en monothérapie au cours de la période entre 1 mois et 1 an après le SCA. Tant chez les patients traités par médicaments (dans l'étude CURE, 63 %!) que dans le groupe PCI (23 %) et le groupe CABG (16,5 %), on a noté une réduction significative du risque chez les patients traités par clopidogrel. Le revers de la médaille était la survenue plus fréquente d'hémorragies majeures et mineures (3,7 % vs 2,7 %, RR: 1,38, IC à 95 %: 1,13-1,67, p < 0,001), toutefois sans augmentation significative du nombre d'hémorragies fatales.

Depuis l'avènement des stents DES de nouvelle génération, qui ont contribué à apaiser les craintes de survenue de thrombose du stent, on s'est demandé si un schéma de DAPT plus court se révélerait aussi efficace. Plusieurs études ont tenté de répondre à cette question, parmi lesquelles l'étude ISAR-SAFE 2014. À cet effet, 6 mois après l'implantation d'un stent, des patients ont été randomisés vers 6 mois de clopidogrel supplémentaires ou vers un placebo. Cette étude s'est avérée neutre, et un traitement par clopidogrel pendant 6 mois supplémentaires n'a pas été associé à un quelconque avantage, excepté chez les patients à faible risque. De même, dans l'étude PRODIGY, lors de laquelle 2 000 patients (essentiellement victimes d'un SCA) ont été randomisés vers 6 mois versus 24 mois de DAPT, on n'a noté aucun bénéfice clair en faveur de la DAPT prolongée, si ce n'est qu'on a observé significativement moins d'hémorragies dans la cohorte '6 mois'. Une méta-analyse, publiée dans The Lancet (Palmerini et al., 2015), a démontré qu'une DAPT prolongée (> 1 an) n'était pas significativement meilleure qu'un traitement d'un an, et surtout qu'on n'a pas pu prouver que la DAPT pouvait en toute sécurité être raccourcie à 6 mois chez les patients souffrant d'un SCA.2

Toutes les études ci-dessus ont été conduites avec du clopidogrel. Plus récemment, il est apparu que le prasugrel et le ticagrelor offrent un avantage additionnel, comparativement au clopidogrel, en ce qui concerne la réduction du risque de nouvel événement thrombo-embolique. En dépit du fait que leur conception n'était pas tout à fait identique, l'étude TRITON (prasugrel) et l'étude PLATO (ticagrelor) ont pu démontrer que ces deux produits offrent un avantage par rapport au clopidogrel sur le plan de la prévention de nouveaux événements et d'événements récidivants, au cours de la 1re année suivant l'événement initial. Cet avantage a pu être noté dans un large éventail de sous-groupes, entre autres des patients souffrant de diabète, d'un STEMI et d'un NSTE-ACS. Par rapport au clopidogrel, le ticagrelor améliore les résultats, en ce compris une réduction significative de la mortalité (toutes causes), y compris chez les patients souffrant d'un SCA, traités de manière conservatrice et par CABG. À nouveau, cet avantage se manifeste non seulement au cours du 1er mois suivant le SCA, mais aussi au cours de la période allant du 2ème au 12ème mois après le SCA. Le prasugrel a également pu démontrer un bénéfice sur le plan de la réduction du nombre de nouveaux événements ischémiques (mais pas sur le plan de la mortalité) chez les patients ayant présenté un SCA, dans le sous-groupe PCI. Il ne s'est toutefois pas avéré meilleur que le clopidogrel dans le groupe bénéficiant d'un traitement conservateur. En résumé, on a pu affirmer que l'administration d'une DAPT pendant 1 an constitue la stratégie standard (indication de classe IA, recommandations de l'ESC 2015, tableau 1). Une DAPT plus courte doit être l'exception, en cas de risque hémorragique très élevé, et doit être mise en balance avec le risque thrombotique résiduel. L'utilité et l'applicabilité des scores hémorragiques sont limitées. En outre, la durée de la DAPT est indépendante du type d'intervention chez les patients ayant présenté un SCA.

DAPT pendant plus d'un an après un SCA: qui, quand et pourquoi?

Au cours de la période entre 1 an après l'événement coronarien aigu (donc après l'arrêt de la DAPT selon les recommandations actuelles) et 4 ans après le SCA, jusqu'à 20 % des patients (indemnes d'événement au cours de la 1re année suivant le SCA!) présentent un nouvel événement (registre suédois, EHJ 2015). Ce risque est encore plus élevé chez les sujets âgés et les patients à haut risque (IMA répétitif, CABG, vasculopathie périphérique, insuffisance rénale). Il est donc possible que ces patients puissent tirer des bénéfices d'une DAPT prolongée.

Quelques études ont tenté d'évaluer l'effet d'une DAPT prolongée. L'étude CHARISMA était une étude neutre (aucun avantage d'un schéma plus long à base d'AAS + clopidogrel), à l'exception d'une analyse secondaire chez des patients ayant déjà présenté un événement, chez qui une DAPT prolongée offrait bel et bien un avantage.

L'étude DAPT a montré que l'allongement de la durée de la DAPT de 12 mois à 30 mois avec du clopidogrel ou du prasugrel après un DES pouvait réduire le risque de MACE chez les patients indemnes d'événement au cours de la 1re année suivant une PTCA. Cet avantage en termes de réduction des MACE est également resté constant chez les patients en post-SCA (étude DAPT: 42 %). Il était frappant de constater un petit 'catch-up' d'événements ischémiques, au cours de la période suivant de peu l'arrêt de la DAPT, indépendamment du moment où ceci intervenait (après 12 mois ou 30 mois).

L'étude PEGASUS-TIMI 54, parue en 2015,3 a randomisé des patients ayant présenté un IMA 1 à 3 ans auparavant, ayant 1 facteur de risque additionnel, vers un traitement par AAS + ticagrelor 90 mg BID, par AAS + ticagrelor 60 mg BID ou par AAS + placebo. Les deux groupes ticagrelor se sont avérés supérieurs à la monothérapie par AAS (respectivement HR: 0,85, p = 0,0008 et HR: 0,84, p = 0,004) en ce qui concerne les MACE (décès CV, IMA, AVC) (tableau 2). Toutefois, ceci allait à nouveau de pair avec une augmentation significative du risque hémorragique (hémorragies TIMI majeures et mineures), sans différence significative au niveau du nombre d'hémorragies fatales ou intracrâniennes. Il est également apparu que ce risque hémorragique était moins élevé dans le groupe recevant 60 mg BID, cette posologie s'avérant toutefois aussi efficace pour prévenir les MACE. Si on convertit ceci, le traitement par ticagrelor 60 mg BID a pu prévenir 42 événements majeurs (décès CV, IMA, AVC), au prix de 31 hémorragies TIMI majeures. En outre, la dose de 60 mg BID entraînait moins de dyspnée (un effet indésirable connu du ticagrelor) ou de bradyarythmies.

Récemment, le Groupe de travail belge de Cardiologie aiguë a publié un document de synthèse à propos du sujet évoqué ci-dessus,4 avec une attention spécifique vis-à-vis des patients qui doivent être inclus dans ces groupes à haut risque. Les recommandations pratiques au sujet de la poursuite de la DAPT y sont également évoquées.

Bien que l'étude PEGASUS TIMI ait pu répondre à certaines de nos questions au sujet de la DAPT prolongée, d'autres questions restent encore sans réponse:

  • Quelle est la durée idéale de traitement à 'long terme' (3 ans? - 5 ans? - à vie?) chez les patients à haut risque?
  • Le clopidogrel constitue-t-il une alternative valable pour une DAPT prolongée?
  • Le traitement par une dose faible de ticagrelor (60 mg BID) est-il également efficace au cours de la 1re année suivant un SCA (et induit-il dès lors un risque hémorragique moindre que la dose plus élevée)?
  • Y a-t-il une place pour les inhibiteurs P2Y12 en monothérapie après un SCA et, si oui, à quelle phase?
  • Le score hémorragique DAPT estil applicable, étant donné qu'il n'a pas été validé chez les patients ayant présenté un SCA, et qu'il n'a pas été étudié avec une dose faible de ticagrelor?

Conclusion

On dispose de preuves suffisantes pour traiter la majorité des patients ayant présenté un SCA pendant 1 an au moyen d'une DAPT. Compte tenu des études récentes, les patients à haut risque doivent (en l'absence de risque hémorragique accru) continuer leur DAPT (en l'occurrence une faible dose de ticagrelor), de préférence sans interruption, y compris au-delà d'un an après le SCA. Nous espérons que les sous-analyses de PEGASUS- TIMI 54/DAPT - notamment - et de nouvelles données répondront aux questions en suspens au sujet de la durée optimale de la DAPT après un SCA.

Références

  1. CURE-trial: Effects of Clopidogrel in Addition to Aspirin in Patients with Acute Coronary Syndromes without ST-Segment Elevation. N Engl J Med, 2001, 345, 494-502.
  2. Palmerini T., et al. Mortality in patients treated with extended duration dual antiplatelet therapy after drug-eluting stent implantation: a pairwise and Bayesian network meta-analysis of randomised trials. Lancet, 2015, 385, 2371-2382.
  3. Bonaca, M. et al. Long-Term Use of Ticagrelor in Patients with Prior Myocardial Infarction. N Engl J Med, 2015, 372, 1791-1800.
  4. Sinnaeve, P et al. One-year and longer dual antiplatelet therapy after an acute coronary syndrome: a Belgian position paper. Acta Cardiologica, 2017, Feb, 72.

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