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Vaccination contre les maladies cardiovasculaires, un rêve?
  • Olivier Gurné

Lors du dernier meeting de l'HFA (Heart Failure Association, branche de la Société Européenne de Cardiologie) à Paris, certaines sessions ont été consacrées à la transplantation cardiaque. C'est en effet il y a 50 ans que la première greffe cardiaque a été réalisée par Christian Barnard, en Afrique du Sud, suivi quelques mois plus tard par Norman Shumway, aux États-Unis. Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis lors, notamment dans le domaine de l'immunosuppression avec entre autres l'avènement de la cyclosporine dans les années 80, qui a permis vraiment le départ de cette technique.

À cette occasion, on a demandé au Professeur Braunwald, de Boston, légende vivante de la Cardiologie (né en 1929, auteur d'un ouvrage de référence mondialement connu qui en est à sa 10ème édition, investigateur dans de très nombreuses études et participant donc à Paris encore activement à un congrès médical, non seulement comme chairman mais aussi comme auditeur attentif de certaines sessions et même orateur dans d'autres sessions …) si on arriverait un jour à abolir la problématique de l'insuffisance cardiaque ou à la guérir. La guérison étant pour lui 'un problème secondaire', il s'est tourné à la surprise de beaucoup dans ce type de session résolument sur la prévention en rappelant que la maladie coronarienne, l'athérosclérose, est la cause de plus de 75 % des cas d'insuffisance cardiaque dans nos populations industrialisées. Le cholestérol est selon lui le facteur de risque le plus important et en particulier, le LDL cholestérol. Bien évidemment, le traitement par les statines a permis une avancée majeure, permettant de prolonger la survie des patients, d'augmenter leur qualité de vie mais n'a finalement pas tant que cela réduit la problématique de l'insuffisance cardiaque, qui reste toujours en croissance de nos jours.

Selon lui, il faut prendre le problème nettement plus à la base citant certaines populations primitives, certaines personnes atteintes d'une mutation génétique ou certains modèles animaux qui ont des taux extrêmement bas de LDL cholestérol et qui ne développent pas ou presque de lésions d'athérosclérose. Quand on commence un traitement, bien souvent en prévention secondaire mais aussi en prévention primaire, chez des personnes de plus de 45-50 ans, l'athérosclérose est sournoisement déjà bien présente. La compliance et l'adhérence au traitement par les statines sont loin d'être parfaites surtout en prévention primaire. Certaines campagnes de 'désinformation' ont même semé le doute sur la sécurité et l'utilité des statines, entrainant un arrêt parfois délétère de ce type de médication ayant pourtant largement fait ses preuves.

Récemment, une classe thérapeutique a donné en termes de réduction de LDL cholestérol des résultats tout à fait impressionnant, les inhibiteurs de la PCSK9 (protéine convertase subtilisine / kexine de type 9). Cette protéine PCSK9 est un enzyme qui favorise la dégradation des récepteurs des LDL, ce qui entraine une réduction de leur nombre à la surface des cellules et freine donc la métabolisation du LDL cholestérol. Cette nouvelle classe thérapeutique est donc constituée d'anticorps monoclonaux administrés par injection sous-cutanée (1 x toutes les 2-4 semaines) qui neutralise la PCSK9 et par ce biais favorisent donc de façon puissante l'élimination du LDL cholestérol et diminuent drastiquement leur taux sanguin. Ces molécules sont arrivées actuellement sur le marché et sont efficaces, mais elles sont coûteuses et difficiles à envisager en prévention primaire chez des jeunes adultes asymptomatiques. La question immunologique à long terme de l'utilisation d'anticorps peut également se poser.

Plus récemment encore, on s'est attaqué à inhiber de façon plus fondamentale cette PCSK9, en bloquant la production de cette protéine via des technologies génétiques, en utilisant des siRNA (small interfering RNA), qui sont de petits ARN pouvant se lier spécifiquement à une séquence d'ARN messager et ainsi bloquer l'expression de gènes. Sciencefiction? Peut-être pas si on en croit une étude de phase 1, tout à fait récente et publiée cette année ('A highly durable RNAi therapeutic inhibitor of PCSK9, K. Fitzgerald et al, NEJM, 2017, 376, 41') utilisant une molécule de ce type, l'inclisiran, qui dégrade la synthèse du PCSK9 : une injection sous-cutanée de 300 mg diminuait les taux de PCSK9 de 75 % et les taux de LDL cholestérol de 50 % des taux de base pour plus de 6 mois. Cette molécule a déjà été étudiée en clinique dans une étude multicentrique randomisée de phase 2 (Inclisiran in patients at high cardiovascular risk with elevated LDL cholesterol, K. Ray, NEJM, 2017, 376, 1430) portant sur 501 patients. Les patients recevaient une ou deux doses de placebo ou d'inclisiran (200, 300 ou 500 mg). Les meilleurs résultats avec la dose de 300 mg donnée au jour 1 et au jour 90 montraient des réductions de PCSK9 et de LDL cholestérol se maintenant à 8 mois à respectivement presque 60 et 40 % des valeurs de base, ce qui est tout à fait impressionnant. Presque la moitié des patients sous ce dernier régime avaient un LDL cholestérol inférieur à 50 mg/dl. Ces injections étaient bien supportées dans leur ensemble, ce qui ne gâte rien.

La route est encore longue et il est certain qu'il faudra établir la sécurité de ce type de médication à long terme, démontrer une efficacité en prévention secondaire chez une population à haut risque avant de s'attaquer à la prévention primaire. Le message du Professeur Braunwald se voulait pourtant très clair et optimiste. Sa vision à long terme consistait en une réelle vaccination contre l'athérosclérose, la première cause de mortalité dans nos régions occidentales. Une injection annuelle de ce type de médication débutée à l'âge de 30 ans, un peu comme une vaccination antivirale, pourrait dans le futur prévenir la maladie coronaire, l'athérosclérose et donc si sa vision se réalisait prévenir la plupart des cas d'insuffisance cardiaque. 'If you can dream it, you can do it': cela peut sembler venir de chez Walt Disney mais pourquoi pas …

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