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Syncope et bloc auriculoventriculaire paroxystique sur angor spastique
  • Charlotte Hayden, Damien Badot, Antoine de Meester

L'angor vasospastique (AVS), appelé également angor de Prinzmetal, est une entité clinique rare, se présentant sous la forme d'épisode d'angine de poitrine au repos.1-4 Il est secondaire à un spasme occlusif d'une artère coronaire épicardique. De ce fait, l'évènement peut s'accompagner de complications sérieuses: infarctus du myocarde ou arythmies ventriculaires.

Nous allons exposer le cas d'une patiente présentant des malaises répétés avec syncope, sans douleurs précordiales. Un Holter a permis de découvrir fortuitement la survenue de bloc auriculoventriculaire (BAV) paroxystique lors d'épisodes de sus-décalage de segment ST concomitants. Les tests complémentaires ont confirmé le diagnostic d'angor spastique. Un traitement médical approprié a pu être prescrit avec succès. C'est l'occasion de revoir les standards internationaux pour les critères diagnostiques des désordres coronaires vasomoteurs, publiés récemment par le COVADIS (Coronary Vasomotion Disorders International Study Group).3

Cas clinique

Une patiente de 60 ans se présente à la consultation de cardiologie pour récidives de malaises avec sudations et nausées, accompagnés parfois de syncope. En 2010, elle avait effectué un bilan complet, dans un autre hôpital, pour ces mêmes plaintes, dont une syncope traumatique sévère au volant de sa voiture. Dans le décours de ce bilan, un tilt test avait été réalisé et semblait plaider pour le diagnostic de syncope vasovagale. Le traitement consistait en des mesures hygiéno-diététiques telles qu'une bonne hydratation, le port de bas varices et ne jamais lutter en cas de prodromes. Des bétabloquants ont été essayés, mais la patiente ne les tolérait pas.

La patiente n'a pas d'antécédents et a comme facteur de risque un tabagisme actif et une HTA traitée par périndopril/ indapamide (2,5/0,625). Lors de l'examen clinique, l'auscultation cardiaque est sans particularités: un B1-B2 normal régulier sans souffle et un rythme cardiaque à 68 battements par minute. La tension artérielle au repos est de 130/70 mmHg couché et debout. L'électrocardiogramme de repos et une échographie cardiaque transthoracique de repos sont strictement normaux. Lors de l'épreuve d'effort sur cyclo-ergomètre, la patiente atteint une charge de 80 watts pour une fréquence cardiaque maximale de 102/min, soit un effort sous-maximal arrêté prématurément pour cause de dyspnée; le test est négatif au niveau ECG et rythmique. La tension artérielle de repos est à 130/700 mmHg et au maximum à 160/80 mmHg. Vu ces symptômes difficiles à expliquer, le cardiologue propose le placement d'un Holter de 24 heures et organise la réalisation d'un scanner coronaire; ce dernier montre un score calcique élevé avec la présence de volumineuses plaques calciques rendant plusieurs segments non examinables.

L'analyse du Holter de 24 heures permet de voir un sus-décalage du segment ST accompagné d'un bloc AV du 2ème degré (figure 1). La patiente décrit qu'elle a fait un malaise à ce moment-là. À la suite de ces résultats interpellant concernant le monitoring Holter de 24h ainsi que le scanner coronaire, une coronarographie est réalisée; celle-ci ne montre pas de lésions significatives, excepté une lésion de 60 % sur la coronaire droite moyenne (figure 2). Un test à l'ergonovine (Methergin®) est alors réalisé par la suite, montrant un spasme complet de l'artère coronaire droite avec, également, à l'électrocardiogramme un sus-décalage du segment ST et le bloc AV du 2ème degré (figure 3). La patiente représente ses symptômes à cet instant précis. L'administration de dérivés nitrés lève directement le spasme coronaire ainsi que le bloc AV. Le diagnostic d'AVS ou de Prinzmetal est confirmé. Le traitement de sortie comprend des dérivés nitrés (molsidomine) et du diltiazem. Des recommandations concernant l'arrêt du tabac sont vivement rappelées. Le suivi est remarquable avec l'absence de récidives de symptômes sous ce traitement médicamenteux.

Discussion

L'AVS, appelé également angor de Prinzmetal, est une entité clinique rare se présentant sous la forme d'épisode d'angine de poitrine au repos.1-4 Il survient généralement la nuit et au lever, chez des patients de sexe féminin, surtout des fumeuses, vers l'âge de 50 ans. Cet angor est souvent levé lors de l'administration de dérivés nitrés.

La première description de la maladie a été relatée en 1959 par Myron Prinzmetal (1908-1987), qui parla d'abord de 'variant angina' puis de 'vasospastic angina' pour décrire le désordre clinique.1 Il semble coexister avec des désordres de la microcirculation coronaire et/ou des lésions coronaires structurelles, mais l'entité clinique est surtout due à une hyperréactivité des coronaires épicardiques sur des stimuli vasoconstricteurs. L'AVS est responsable de complications potentiellement dangereuses (décès, infarctus, syncope). Alors que le traitement par nitrés ou anticalciques est efficace; il faut éviter les médications avec un potentiel spastique (vasoconstricteurs). Le groupe COVADIS (Coronary Vasomotion Disorders International Study Group) a récemment publié les critères diagnostiques de l'affection (tableau 1): un AVS définitif est diagnostiqué lorsqu'il existe un angor aux dérivés nitrés lors d'épisodes spontanés et des modifications ECG transitoires lors d'épisodes spontanés ou de spasmes coronaires démontrés.3

L'AVS peut être associé aux phénomènes de Raynaud ou aux migraines, dans le cadre de maladies vasomotrices généralisées. Le tabac, les drogues (cocaïne, amphétamines), la boisson, certaines médications (sumatriptan) et le stress ou l'hyperventilation semblent être des facteurs favorisants mais par contre l'exercice physique, malgré l'augmentation de catécholamines, ne semble pas jouer un rôle. Aucune prévalence de la population n'a pu être établie à ce jour étant donné que l'AVS n'est pas encore été étudié de manière précise. Toutefois, selon la littérature, il serait plus prépondérant chez les asiatiques. Il faut exclure le syndrome de Kounis ou l'angor spastique allergique, associé à un processus anaphylactique via la libération de médiateurs de type histaminique.

Les tests de provocation sont utilisés depuis plus de 40 ans; les protocoles sont multiples avec utilisation d'acétylcholine (USA) ou d'ergonovine (Europe).2-4 L'ergonovine (Methergin®) est un médicament faisant partie de la famille des alcaloïdes de l'ergot; il est utilisé à des fins gynécologique-obstétriques ainsi que cardiologiques. Il peut être administré sous forme IM ou bien IV dans les urgences, comme par exemple un saignement utérin excessif en post-partum. Ce médicament possède des propriétés de vasoconstriction artérielle: d'une part, il va stimuler les récepteurs alpha-adrénergiques et ceux de la sérotonine et d'autre part, il va inhiber la libération du facteur de relaxation dérivé de l'endothélium.

Les indications de test de provocation pour l'AVS sont résumées au tableau 2.3 Il est indispensable de le faire lors d'une coronarographie, ou au lit du patient, après une coronarographie (ou un scanner coronaire) ne montrant pas de lésions significatives. Il existe des risques liés à ce test, notamment le décès. On considère environ 6,8 % d'arythmies cardiaques possibles, comme pour un spasme coronaire spontané.

Les complications de l'AVS, observées dans 25 % des cas, sont parfois très sérieuses: infarctus du myocarde, tachycardie ventriculaire polymorphe ou fibrillation ventriculaire avec arrêt cardiaque, troubles de conduction et bloc AV, syncope hypotensive … Le bloc AV s'observe en cas d'occlusion d'une artère coronaire droite, qui donne la branche de l'artère du noeud AV. On espère donc un traitement médicamenteux efficace, à base de dérivés nitrés et d'antagonistes calciques (vérapamil, diltiazem). Il faut absolument éviter l'utilisation de bétabloquants et si possible d'acide acétylsalicylique (action d'inhibiteur de production de prostacyclines). L'abstention définitive du tabac est capitale. Des cas de placement de défibrillateur implantable sont décrits dans la littérature afin d'éviter des récidives de mort subite par FV.4-5

Le pronostic de l'AVS est généralement bon avec une survie à 5 ans de 90-95 %. Les facteurs de mauvais pronostic incluent une maladie coronaire extensive, la présence de spasme sur plusieurs artères et le traitement efficace des anticalciques. Un registre japonais a confirmé 7 facteurs défavorables: tabac, angor au repos seulement, arrêt cardiaque hors de l'hôpital, sténose coronaire organique, spasmes multiples, STEMI pendant l'angor et l'usage de bétabloquants.6 Dans ce registre, on notait 1 % de décès ou d'infarctus non fatals pour un follow-up moyen de 32 mois.

En conclusion, le diagnostic et les tests de provocation d'AVS sont mieux définis à ce jour. L'affection doit être diagnostiquée et traitée vu les complications potentiellement dangereuses. Nous avons vu que le bilan de syncopes répétées, surtout si précédées de précordialgies, doit être approfondi comme le démontre notre cas clinique, car il est aisé de passer à côté d'une pathologie cardiaque sérieuse. Il faut dès lors y être attentif et rigoureux.

Références

  1. 1 Prinzmetal, M., Kennamer, R., Merliss, R., Wada, T. Bor, N. Angina pectoris: A variant form of angina pectoris; preliminary report. Am J Med, 1959, 27, 375- 388.
  2. JCS Joint Working Group. Guidelines for Diagnosis and Treatment of Patients With Vasospastic Angina (Coronary Spastic Angina) (JCS 2013). Circ J, 2014, 78, 2779-2801.
  3. Beltrame, J.F., Crea, F., Kashi, J.C., et al, on behalf the COVADIS. International standardisation of diagnostic criteria for vasospastic angina. Eur Heart J, 2017, 38, 2665-2668.
  4. Pinto, D.S., John, F., Beltrame, J.F., Crea, F. Vasospastic angina. Wolters Kluwer, UpToDate. Last updated: Feb 06, 2017.
  5. Matsue, Y., Suzuki, M., Nishizaki, M. et al. Clinical implications of an implantable cardioverter-defibrillator in patients with vasospastic angina and lethal ventricular arrhythmia. J Am Coll Cardiol, 2012, 60, 908-913.
  6. Takagi, Y., Takahashi, J., Yasuda, S. et al. Prognostic stratification of patients with vasospastic angina: a comprehensive clinical risk score developed by the Japanese Coronary Spasm Association. J Am Coll Cardiol, 2013, 62, 1144-1153.

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