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The hidden danger: how not to miss, diagnose and assess the gap
  • Laurent Demulier 

à l'occasion du congrès de la Société Belge de Cardiologie, le Pr Schwerzmann a fait un exposé traitant de l'épidémiologie, de la classification et du diagnostic des communications interauriculaires (CIA). Au cours de cet exposé, il a insisté sur la nécessité d'un suivi des patients à haut risque. Le Pr Schwerzmann est responsable de la clinique des cardiopathies congénitales de l'adulte à l'Inselspital de Berne (Suisse) depuis 2005. Il a réalisé sa formation en Médecine Interne et en Cardiologie en Suisse, après quoi il s'est spécialisé en Cardiologie congénitale de l'adulte à Toronto. Il dirige la clinique GUCH du Centre de Cardiologie congénitale de l'Inselspital.

épidémiologie

Les communications interauriculaires (CIA) et interventriculaires (CIV) sont des lésions shuntantes « simples », et représentent ensemble la moité des cardiopathies congénitales rencontrées en clinique1. Suite à l'introduction de l'échocardiographie en routine clinique à la fin des années 80 et les progrès techniques dans ce domaine, leur détection a progressivement augmenté, augmentant progressivement le nombre de CIA diagnostiquées, et réduisant leur seuil diagnostique. Malgré ces progrès, le diagnostic reste souvent tardif, et on estime que 10 à 30 % des cas ne sont diagnostiqués qu'à l'âge adulte.

Classification

Sur la base du registre suisse des adultes porteurs de cardiopathies congénitales (SACHER)2, les CIA représentent 10 % des malformations cardiaques à l'âge adulte, avec un rapport femmes/hommes de 2:1. L'anomalie la plus fréquente est la CIA de type « ostium secundum », située dans la partie centrale du septum interatrial (au niveau de la fosse ovale), qui représente environ 2/3 des cas de CIA. Dans 1/4 des cas environ, il s'agit d'une CIA primum (actuellement dénommée « canal atrio-ventriculaire » ou « CAV » partiel), située à proximité immédiate de la valve tricuspide. Les CIA plus rares sont de type sinus venosus, situées à l'abouchement des veines caves, représentent environ 15 % des CIA.

Diagnostic

L'échocardiographie est un examen clé dans le diagnostic des CIA. étant donné les nombreux cas encore non diagnostiqués à l'âge adulte, il est toutefois important de rester vigilant en pratique quotidienne de cardiologie : outre les manifestations échocardiographiques, une attention doit être prêtée à d'éventuels signes cliniques, électrocardiographiques ou radiographiques suggestifs d'une CIA.

à l'examen clinique, une CIA hémodynamiquement significative se présentera avec un dédoublement fixe du B2, souvent accompagné d'un souffle éjectionnel dans les aires d'auscultation de la valve pulmonaire, résultant du débit majoré à ce niveau. Pour la même raison, la RX thorax révèlera dans certains cas une congestion de la circulation pulmonaire (en particulier on notera une majoration de la circulation supérieure) et une artère pulmonaire proéminente.

L'ECG de repos peut également être indicatif, avec une déviation axiale droite, un aspect RSR' en V1 et une échancrure (notching) de l'onde R dans les dérivations inférieures (dit signe du « crochetage »). L'aspect RSR' est un critère peu sensible (il n'est présent que dans environ 1/3 des cas), et constitue un signe aspécifique. Le signe du crochetage est présent chez environ 3/4 des patients souffrant d'une CIA, dans une des dérivations inférieures et dans environ 1/4 des cas, dans les 3 dérivations inférieures. Dans ce dernier cas, la spécificité atteint 92 %, et elle monte à 96 % si on trouve également l'aspect RSR'. La présence du signe du crochetage est également corrélée avec un shunt plus important, et ce signe disparaît parfois après la fermeture de la CIA. La persistance d'une variation de la fréquence cardiaque en fonction de la respiration (arythmie sinusale) sur l'ECG au repos plaide quant à elle en faveur d'un shunt assez petit. Dans certains cas, la présence d'ondes P négatives dans les dérivations inférieures peut orienter vers une CIA de type sinus venosus résultant d'une localisation anatomique plus basse du noeud sinusal dans l'oreillette droite. L'ECG de repos en cas de CIA primum (ou CAV partiel) se distingue par une déviation axiale gauche relativement typique, consécutive à un déplacement anatomique du noeud AV.

Embryologiquement, l'anomalie de type sinus venosus n'est pas une véritable anomalie septale, mais plutôt une interruption du développement du toit des oreillettes, souvent associée à un retour anormal de la veine pulmonaire supérieure droite vers la veine cave supérieure. Ces anomalies sont associées à un risque un peu plus élevé de développer, à terme, une hypertension pulmonaire. à l'âge adulte, une CIA de type sinus venosus est difficile à mettre directement en évidence au moyen d'une échocardiographie transthoracique, mais elle doit être évoquée en présence d'une dilatation inexpliquée du coeur droit. En cas de dilatation inexpliquée des cavités cardiaques droites, une échocardiographie transoesophagienne doit être réalisée, permettant de visualiser avec une excellente sensibilité ce type d'anomalie. L'IRM cardiaque est également complémentaire, permettant de préciser le volume et la fonction du ventricule droit, de quantifier le shunt, et de détecter d'éventuelles lésions associées. Sa sensibilité pour la détection des CIA de petite taille est toutefois plus faible que celle d'une échographie transoesophagienne.

La CIA « ostium primum » (CAV partiel) est plus fréquente dans le contexte d'aberrations chromosomique (tel que en présence d'une trisomie 21). Son diagnostic est parfois difficile et tardif. L'ECG de repos montrant une déviation axiale gauche est suggestif. La CIA primum se distingue par une association fréquente avec une anomalie du développement des valves AV. Une caractéristique à l'échocardiographie est la perte de séparation entre les valves mitrales et tricuspide, qui se projettent alors au même niveau en vue 4 cavités. Dans la forme la plus marquée, on ne distingue qu'une grande valve AV commune avec présence de bridging leaflets qui relient les deux moitiés du coeur. De ce fait, l'aorte est plus antérieure que d'habitude, ce qui entraîne une majoration de la longueur de la chambre de chasse du ventricule gauche, le fameux 'gooseneck sign' à l'imagerie. On distingue également des formes intermédiaires avec 2 valves AV individuelles, très souvent avec présence d'une ouverture anormale (fente) dans le feuillet valvulaire mitral antérieur, provoquant une régurgitation mitrale. Les dimensions anatomiques d'une CIA primum sont souvent sous-estimées à l'échocardiographie 2D de routine, étant donné sa forme ovale. L'écho en 3D permet toutefois de bien en visualiser la dimension (et en particulier de préciser l'axe antéro-postérieure).

Plusieurs types de CIA peuvent coexister, et des lésions multiples doivent donc toujours être rigoureusement recherchées. Dans les formes extrêmes, le septum interatrial peut être criblé de communications : c'est ce qu'on appelle un septum en « Gruyère » ou « swiss cheese ». En outre, il faut toujours rechercher d'éventuelles lésions associées, qu'on rapporte dans jusqu'à 30 % des cas. Par exemple, citons la sténose pulmonaire, un retour veineux pulmonaire anormal, une CIV, un canal artériel persistant et une coarctation aortique.

évolution naturelle et complications: 'a simple defect does not mean a simple disease'

La véritable évolution naturelle des CIA n'est actuellement pas bien décrite. L'espérance de vie de ces patients n'est pas tout à fait normale, principalement en raison de complications possibles telles qu'une insuffisance cardiaque (droite), des arythmies (auriculaires), des infections respiratoires, une hypertension pulmonaire et des embolies paradoxales avec AVC.

Les petites CIA de moins de 8 mm ont une probabilité élevée de se fermer spontanément lors des premières années de vie. Cette probabilité diminue si les anomalies associées sont plus importantes, et l'on estime qu'environ 1/3 des CIA doivent finalement être fermées. Durant l'enfance et à l'adolescence, les CIA sont le plus souvent asymptomatiques. Vers 30 à 40 ans, on peut voir apparaître une intolérance à l'effort débutante, qui passe cependant souvent inaperçue. Vers 50 à 60 ans, les plaintes cardiaques consécutives aux arythmies et à l'insuffisance cardiaque sont à l'avant-plan. à un âge plus avancé, par une élévation progressive des pressions gauches, on observe férquemment une majoration du shunt. Dans les formes avancées, la compliance ventriculaire gauche est réduite suite à l'importante dilatation cardiaque droite. Environ 20 % des sujets de 40 ans et 60 % des sujets de 60 ans présentent une fibrillation auriculaire. L'apparition tardive d'une hypertension pulmonaire, même après fermeture, doit être recherchée. Nécessité d'un suivi: 'closed is not cured'! à l'heure actuelle, bon nombre de patients ne sont plus suivis après la fermeture d'une CIA. Pourtant, les données de la littérature démontrent qu'un pourcentage considérable d'entre eux (environ 15 %) présenteront des symptômes (comme des palpitations) ou des complications (dilatation ou dysfonction résiduelle du ventricule droit, hypertension pulmonaire) liés à cette lésion et nécessitant un suivi3. Par conséquent, on ne peut considérer les patients porteurs d'une CIA comme définitivement 'guéris'. Les données de suivi à long terme, comme celles d'une étude danoise ayant suivi 1 241 patients souffrant d'anomalies simples4, confirment en outre que l'espérance de vie est réduite comparativement à un grand groupe témoin apparié pour l'âge et le sexe, avec une incidence plus élevée de mort subite, d'insuffisance cardiaque, d'hypertension pulmonaire, d'arythmies, de valvulopathies et d'endocardite.

Pour ces raisons, les recommandations de l'ESC suggèrent un suivi à vie des patients à haut risque présentant les caractéristiques suivantes:

    rythmies avant ou après la fermeture de la CIA
    hypertension pulmonaire (PAPm ≥ 25 mmHg)
    après fermeture percutanée au moyen d'un dispositif (cf. absence de données à long terme)
    CIA tardive au-delà de 40 ans
    patients présentant un shunt résiduel

Références

  1. Van der Linde D et al. Birth prevalence of congenital heart disease worldwide: a systematic review and meta-analysis. JACC, 2011, 58, 2241-2247.
  2. Tobler D et al. Swiss Adult Congenital HEart disease Registry (SACHER) - Circulation rationale, design and first results. Swiss medical weekly, 2017, 147, w14519.
  3. Gabriels C, et al. Recall of patients discharged from follow-up after repair of isolated congenital shunt lesions. Int J Cardiol, 2016, 221, 314-320.
  4. Videbaek J, et al. Long-Term Nationwide Follow-Up Study of Simple Congenital Heart Disease Diagnosed in Otherwise Healthy Children. Circulation, 2016, 133, 474-483.

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