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Adaptation de la bithérapie antiplaquettaire après la mise en place d'un stent coronaire
  • Walter Desmet 

La dernière séance de la BWGIC Spring Meeting, intitulée 'Burning Issues', a été inaugurée par le Pr W. Desmet, s'est penchée sur la bithérapie antiplaquettaire (DAPT) après l'implantation d'un stent coronaire.

En premier lieu, il rappela le risque résiduel important d'événements ischémiques après un syndrome coronarien aigu, en particulier chez les patients présentant un facteur de risque supplémentaire, comme un âge supérieur à 65 ans, un diabète sucré, un antécédent d'infarctus du myocarde ou une néphropathie chronique. Or, dans la majorité des cas, ces récidives de troubles ischémiques s'avèrent résulter de lésions coronaires autres que la lésion qui était à l'origine du problème initial. En outre, un deuxième infarctus est associé à des complications plus graves qu'un premier infarctus: mortalité trente fois plus élevée, incidence doublée de fibrillation auriculaire, de bloc auriculo-ventriculaire, d'angor et d'insuffisance cardiaque post-infarctus, ainsi qu'un risque trois fois plus élevé de rupture ventriculaire. Dès lors, plusieurs études randomisées et registres ont tenté de déterminer si l'administration prolongée d'une DAPT après un syndrome coronarien aigu et/ou après une implantation de stent coronaire a influencé favorablement la prévention de nouveaux événements ischémiques. L'immense majorité de ces études est parvenue à la conclusion que la durée prolongée de la DAPT induisait certes une réduction du critère d'évaluation ischémique combiné, mais toujours au détriment d'une augmentation de l'incidence des hémorragies majeures. Par ailleurs, la diminution des événements ischémiques n'a pas donné lieu à une réduction de la mortalité. Au contraire, certaines études ont constaté une augmentation de la mortalité non cardiaque qui, dans une méta-analyse, s'est même révélée induire une augmentation limitée, mais significative, de la mortalité totale. à cet égard, il convient de noter que ces études incluaient des types de patients très hétérogènes (stables vs instables ; risque hémorragique faible vs élevé), et qu'elles ont principalement utilisé des stents à élution médicamenteuse de première génération, qui ont entretemps été clairement associés à une incidence plus élevée de thrombose de stent que les stents coronaires utilisés de nos jours.

L'étude PEGASUS-TIMI 54, qui a randomisé quelque 21 000 patients recevant un traitement prolongé d'une durée de 3 ans par l'une des deux doses de ticagrélor ou d'acide acétylsalicylique en monothérapie après une DAPT conventionnelle d'un an suivant un infarctus du myocarde, a produit un tableau quelque peu différent. En effet, bien que la DAPT prolongée ait de nouveau été associée à un nombre plus élevé d'hémorragies (quoique non fatales et non intracrâniennes), une réduction de 16 % a été observée pour un critère d'évaluation ischémique combiné. Cette réduction était significative pour l'infarctus du myocarde et l'AVC, et quasi-significative pour le décès d'origine cardiovasculaire.

Comment expliquer cette différence de résultat entre cette étude et les études antérieures évaluant le traitement DAPT prolongé après la mise en place d'un stent coronaire ? Soulignons avant tout le point le plus important, à savoir que l'étude PEGASUS incluait uniquement les patients à risque ischémique élevé. Non seulement ces patients devaient avoir subi un infarctus du myocarde 1 à 3 ans avant la randomisation, mais ils devaient aussi présenter au moins un des facteurs de risque supplémentaires suivants: âge de 65 ans ou plus, diabète sucré traité, antécédent d'infarctus du myocarde, artériopathies multiples ou néphropathie chronique de stade non terminal. Des analyses séparées de ces sous-groupes ont révélé que le bénéfice maximal, en termes de réduction des critères d'évaluation ischémiques, a été obtenu chez les patients présentant le risque ischémique le plus élevé. Il apparaît donc logique de réserver la DAPT prolongée aux patients exposés au risque ischémique le plus marqué. Une autre explication peut être trouvée dans l'observation réalisée dans le cadre d'une étude précédente, à savoir que les patients stables semblent avoir un risque accru d'hémorragies majeures lorsqu'ils sont traités par DAPT prolongée. Or, ces patients n'ont pas été inclus dans l'étude PEGASUS. En outre, tous les patients inclus dans l'étude PEGASUS avaient déjà suivi une DAPT conventionnelle durant un an sans avoir présenté de problèmes majeurs ; les patients présentant un risque hémorragique très élevé avaient donc déjà été exclus. Enfin, il existe certains arguments selon lesquels le ticagrelor pourrait exercer un effet plus favorable sur la mortalité que le clopidogrel et le prasugrel.

Ces découvertes, à savoir qu'il est préférable de ne pas exposer trop longtemps à la DAPT les patients ayant un risque hémorragique élevé, que les patients chez lesquels un stent est implanté dans le cadre d'une coronaropathie stable tireront peu de bénéfice d'une DAPT prolongée et, enfin, que les patients ayant le risque ischémique le plus élevé tirent le plus de bénéfice d'une DAPT prolongée, ont été transposées dans les dernières recommandations de l'ESC. Ces recommandations préconisent l'administration d'une DAPT par clopidogrel pendant 6 mois après la mise en place d'un stent à élution médicamenteuse (qui, dans ces recommandations, est clairement privilégié par rapport au stent métallique nu ('bare metal stent') chez les patients atteints d'une coronaropathie stable. En présence d'un risque hémorragique élevé, on peut envisager de raccourcir ce traitement à 3 mois, voire à 1 mois dans des cas exceptionnels. Après implantation du stent pour syndrome coronarien aigu, la durée standard de la DAPT sera de 1 an et le traitement consistera de préférence en ticagrelor ou prasugrel. En présence d'un risque hémorragique élevé, il peut être envisagé de raccourcir ce traitement à 6 mois. Chez les patients ayant un risque ischémique fortement accru (comme les patients de l'étude PEGASUS), le traitement peut être prolongé pendant 3 années supplémentaires, pour autant que le risque hémorragique ne soit pas trop élevé. Cette dernière décision n'est pas toujours aisée à prendre en clinique, car il n'est pas rare qu'un même patient présente à la fois un risque hémorragique accru et un risque ischémique accru.

La principale nouveauté de ces recommandations tient donc au fait que l'on ne recommande plus de durée fixe pour la DAPT, la durée pouvant désormais être adaptée 'sur mesure' au profil du patient: elle sera plus courte que la durée standard en cas de risque hémorragique élevé, et plus longue en cas de risque ischémique élevé en l'absence de tout risque hémorragique important.

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