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Congrès BeHRA 2018 : AF out of my head…
  • Philippe Vanduynhoven 

La première partie de cette session du congrès de la BeHRA (Belgian Heart Rhythm Association) consacrée à la fibrillation auriculaire souligne l'importance de l'éducation du patient. La deuxième partie de cette session se penche plus en détail sur le lien étonnant existant entre la survenue d'une fibrillation auriculaire et les troubles cognitifs.

Educating patients with AF for better outcomes - Pr Dr Hein Heidbuchel

Les patients ont souvent une connaissance limitée de la fibrillation auriculaire. Une étude récente1 a montré que plus d'un quart des patients atteints de fibrillation auriculaire n'ont aucune connaissance de la maladie et qu'un tiers d'entre eux ne sont pas informés du risque d'accident cardiovasculaire ischémique (ACV). Enfin, plus de la moitié des patients n'étaient pas au courant de l'effet de certains facteurs de risque, tels que la surcharge pondérale et l'hypertension artérielle. Les recommandations de l'ESC2 soulignent pourtant l'importance des connaissances et de l'éducation des patients souffrant de fibrillation auriculaire, ainsi que l'importance d'une prise en charge individualisée en vue d'améliorer le traitement (recommandation de classe Ic). Il est ainsi recommandé d'associer les patients au traitement, en les encourageant à se prendre en charge et à adapter leur mode de vie. Cette approche nécessite toutefois un travail intensif et requiert beaucoup de temps. Pour cette raison, Pr Heidbuchel plaide en faveur d'une approche plus 'ciblée', qui consiste toujours à partir des connaissances préexistantes du patient pour se focaliser ensuite sur ses lacunes. Il existe déjà plusieurs questionnaires traitant de la fibrillation auriculaire. La plupart n'ont pas été validés ou ne l'ont été que de façon limitée, et ne traitent pas de l'impact de l'éducation sur l'évolution ultérieure du traitement. Le questionnaire JACQ (Jessa AF Knowledge Questionnaire)contient, outre des questions générales sur la fibrillation auriculaire, également des questions générales sur l'anticoagulation ainsi que des questions plus spécifiques sur la différence entre un anti-vitamine K classique et un antagoniste non vitamine K. Un questionnaire auprès de 466 patients souffrant de fibrillation auriculaire (FA) a produit des résultats très variés, avec un score faible moyen (55,8 +/- 18,6 %). Les facteurs de risque pour un moins bon score étaient un âge avancé, un diagnostic récent de FA, un niveau d'éducation moins élevé et la présence de plusieurs comorbidités1. Dans une deuxième étude, des patients ont été randomisés dans un groupe où des explications complémentaires ont été fournies spécifiquement pour combler les lacunes au niveau des connaissances, tandis qu'un groupe témoin a reçu un suivi de type 'normes de soins'. Il a pu être démontré que moyennant un suivi approprié, les connaissances des patients se sont nettement améliorées par rapport au groupe témoin3. L'étape suivante consistera à déterminer si cet accroissement des connaissances permettra d'améliorer l'observance thérapeutique et si elle influencera également les résultats des patients.

Cognitive functions in AF patients - Pr Dr Nikolaos Dagres

Les troubles cognitifs représentent un problème fréquemment observé chez les patients atteints de fibrillation auriculaire. Or, les cardiologues et les rythmologues connaissent généralement mal cette problématique. La progression vers un déclin cognitif et une démence est influencée par des facteurs démographiques, par le mode de vie ainsi que par des facteurs de risque cardiovasculaires. De même, les affections cardiovasculaires telles qu'un accident vasculaire cérébral passé (AVC), une apnée du sommeil, une artériopathie périphérique et une fibrillation auriculaire (FA) peuvent influencer l'évolution de la dysfonction cognitive.

Une différence significative est observée en termes de survenue de démence entre les patients ayant des antécédents de FA et ceux sans antécédents de FA4. Cette différence pourrait logiquement s'expliquer par l'existence d'un antécédent d'AVC ischémique, mais il existe une association entre la FA et un risque accru de troubles cognitifs et de démence en l'absence de tout antécédent d'AVC clinique. D'autres mécanismes qui pourraient rendre compte de ce lien doivent donc être présents. Une explication serait la survenue d'un AVC non symptomatique, qui survient bien plus souvent que l'AVC clinique chez les patients atteints de FA. Chez les patients souffrant de FA sous traitement anticoagulant, un taux de démence significativement moindre est observé. Les patients traités par warfarine obtiennent de meilleurs résultats que ceux sous acide acétylsalicylique5 et plus l'INR se rapproche de l'intervalle thérapeutique (Time in Therapeutic Range - TTR), meilleur est le pronostic en termes de fonction cognitive6. Par ailleurs, certaines données indiquent que les patients traités par un NOAC obtiennent de meilleures performances sur le plan cognitif que ceux traités par des anticoagulants oraux (ACO) classiques7.

La dysfonction cognitive chez les patients atteints de FA pourrait également s'expliquer par des mécanismes inflammatoires et des facteurs hémodynamiques, tels que la variabilité entre les battements ('beat-to-beat') et la diminution du débit cardiaque en cas de fibrillation auriculaire.

Les données ne sont pas encore robustes et des études complémentaires sont nécessaires, notamment concernant l'effet du traitement anticoagulant, de l'ablation et des mesures de prévention de la FA. Avant tout, il est important que nous prenions conscience de l'association existant entre la fibrillation auriculaire et la dysfonction cognitive, et que nous tenions compte de cet élément lorsque nous traitons nos patients. L'EHRA (European Heart Rhythm Association) a d'ores et déjà rédigé un rapport de consensus contenant des propositions pratiques en vue d'améliorer la prise en charge de cette population de patients spécifique8.

Références

  1. Desteghe, L., Engelhard, L., Raymaekers, Z. et al. Knowledge gaps in patients with atrial fibrillation revealed by a new validated knowledge questionnaire. Int J Cardiol, 2016, 223, 906-914.
  2. Kirchhof, P., Benussi, S., Kotecha, D. et al. 2016 ESC Guidelines for the management of atrial fibrillation developed in collaboration with EACTS. Eur Heart J, 2016, 37 (38), 2893- 2962.
  3. Desteghe, L., Engelhard, L., Vijgen, J. et al. Effect of reinforced, targeted in-person education using the Jessa Atrial fibrillation Knowledge Questionnaire in patients with atrial fibrillation: A randomized controlled trial. Eur J Cardiovasc Nurs, 2018, [Epub ahead of print]
  4. Kalantarian, S., Stern, T.A., Mansour, M. et al. Cognitive impairment associated with atrial fibrillation: a meta-analysis. Ann Intern Med, 2013, 158 (5 Pt 1), 338-346.
  5. Mavaddat, N., Roalfe, A., Fletcher, K. et al. Warfarin versus aspirin for prevention of cognitive decline in atrial fibrillation: randomized controlled trial (Birmingham Atrial Fibrillation Treatment of the Aged Study). Stroke, 2014, 45 (5), 1381-1386.
  6. Jacobs, V., Woller, S.C., Stevens, S., et al. Time outside of therapeutic range in atrial fibrillation patients is associated with longterm risk of dementia. Heart Rhythm, 2014, 11, 2206-2213.
  7. Jacobs, V., May, H.T., Bair, T.L., et al. Longterm population-based cerebral ischemic event and cognitive outcomes of direct oral anticoagulants compared with warfarin among long-term antico- agulated patients for atrial fibrillation. Am J Cardiol, 2016, 118, 210-214.
  8. Dagres, N., Chao, T.F., Fenelon, G. et al. European Heart Rhythm Association (EHRA)/ Heart Rhythm Society (HRS)/Asia Pacific Heart Rhythm Society (APHRS)/Latin American Heart Rhythm Society (LAHRS) expert consensus on arrhythmias and cognitive function: What is the best practice? Europace, 2018, 20 (9), 1399-1421.

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