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DECLARE - TIMI 58 ou la confirmation pour les SGLT2 ?
  • Olivier Gurné

Il n'y pas si longtemps encore, l'intérêt des cardiologues pour les médications antidiabétiques était mitigé. Certes, on savait que le diabète était un facteur de risque cardiovasculaire important mais à la différence de l'hypertension artérielle ou de l'hypercholestérolémie, son traitement n'apportait que peu de bénéfice au niveau macro-vasculaire. Certaines molécules, comme les glitazones, s'étaient même révélées néfastes au point que la toute puissante FDA américaine et son homologue européen, l'EMA, imposaient des études prouvant au minimum la sécurité macrovasculaire avant qu'on en discute. On s'est même 'réjoui' de voir que les gliptines avaient un profil neutre sur le plan cardiologique, même si un petit doute au niveau de l'insuffisance cardiaque pouvait être discuté avec l'étude SAVOR entre autres, rappelant par la même occasion que le diabète est aussi un facteur de risque important de décompensation cardiaque.

Quand EMPA-REG avec l'empagliflozine a été publié en 2015, on a presque cru au départ à un coup de chance. Pour la première fois, une réduction de 38 % de la mortalité cardiovasculaire, hautement significative, était démontrée chez des patients diabétiques à particulièrement haut risque (100 % avaient une maladie cardiovasculaire déjà démontrée). Cerise sur le gâteau, l'étude donnait un espoir également au niveau de l'insuffisance cardiaque. Même si l'étude n'était pas destinée à étudier ce point particulier et que seulement 10 % des patients inclus avaient une 'histoire d'insuffisance cardiaque', une réduction de 35 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque semblaient un cadeau tombé du ciel. Cela a donné d'ailleurs le point de départ à des études spécialement conçues pour tester cette hypothèse, que ce soit dans l'HFrEF ou dans l'HFpEF et même chez des patients non diabétiques (études EMPEROR- R et P)! Peu après, l'étude LEADER en 2016 avec la liraglutide a relancé le débat avec une autre classe thérapeutique, les agonistes de récepteurs GLP-1, mais si un bénéfice au niveau cardiovasculaire était démontré, l'étude était neutre sur le plan de l'insuffisance cardiaque. L'étude CANVAS publiée en 2017 a redonné un avantage aux gliflozines avec la canagliflozine en confirmant les données d'EMPA- REG dans une population à moindre risque cardiovasculaire puisqu'environ 2/3 des patients étaient en prévention secondaire, 1/3 en prévention primaire. Une réduction de 13 % de la mortalité cardiovasculaire et de 33 % d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque était observée.

L'étude DECLARE - TIMI 58 était donc attendue de pied ferme tant par les cardiologues que par les endocrinologues et a certainement été un point fort du congrès de l'American Heart Association, en novembre 2018. Le challenge était plus important pour la dapagliflozine, le troisième inhibiteur des SGLT2 à été étudié de près dans une étude cardiologique, car la population était à 'moindre risque' cardiovasculaire: 41 % seulement des patients avaient une maladie cardiovasculaire établie à l'inclusion, 10 % avaient une histoire d'insuffisance cardiaque et donc 59 % étaient en prévention primaire. Plus de 17 000 patients ont donc été randomisés et suivis pendant une période de 4,2 années en moyenne, ce qui en fait la plus grosse étude dans ce domaine. Ces patients recevaient par ailleurs un traitement tout à fait classique, tant sur le plan diabétique (82 % sous metformine, 41 % sous insuline …) que sur le plan cardiologique (81 % sous ACEI/ARB et 75 % sous statine ou ézétimibe …). Une réduction de l'hémoglobine glycatée (-0,42 %) et du poids (-1,8 Kg) était attendue et a été confirmée de même qu'une baisse significative de la pression artérielle: la pression systolique diminuait de 2,7 mmHg et la pression diastolique baissait un peu moins de 0,7 mmHg.

Les deux critères d'évaluation principaux étaient la survenue de MACE (Major Cardio Vascular Endpoints comme la mortalité cardiovasculaire, la survenue d'un infarctus du myocarde ou d'un AVC) et aussi une combinaison de la mortalité cardiovasculaire avec les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, élément rajouté fort de l'expérience d'EMPA-REG et de CANVAS). En ce qui concerne les MACE, il n'y avait pas de différence significative comme le montre la figure 1 (mais le critère de non-infériorité était largement atteint dans cette population, rappelons-le, à moindre risque cardiovasculaire par rapport aux deux études précédentes et avec un traitement relativement optimal par ailleurs).

Par contre, l'autre critère d'évaluation principal, combinant mortalité cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque (figure 1) était bien atteint avec une réduction significative de 17 % (p = 0,005), principalement due à une réduction de 27 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, ce qui est très encourageant car d'une part les patients diabétiques sont à haut risque de développer une insuffisance cardiaque et d'autre part, cela confirme les résultats des deux autres études avec les gliflozines. Il est important de souligner également dans ce contexte que cette réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque était observée tant chez les patients avec que chez ceux sans histoire préalable à l'inclusion d'insuffisance cardiaque. Il n'est pas étonnant qu'une étude spécifique concernant l'insuffisance cardiaque (DAPA-HF) ait été lancée. La mortalité globale n'était pas modifiée. Une tendance à une moindre survenue d'infarctus du myocarde était relevée : 11,7 % vs 13,2 % (-11 %, à la limite du significatif).

Sur le plan de la sécurité ; l'analyse des données a été rassurante avec moins d'hypoglycémie majeure même par rapport au placebo (0,7% vs 1,0 %, p = 0,02) mais un peu plus d'acidocétose (0,3 % vs 0,1 %, p = 0,02). On n'a pas relevé de soucis concernant le risque d'amputation ce qui avait été relevé avec la canagliflozine et assez logiquement, la complication la plus fréquente avec ce type de médication était une incidence accrue d'infections génitales (0,9 % vs 0,1 %, p < 0,001). Sur le plan rénal, on peut même parler d'un effet néphroprotecteur : l'indice rénal composite combinant réduction de 40 % de la GFR - maladie rénale terminale ou mortalité de cause rénale ou cardiovasculaireétait diminué de 24 % (4,3 % d'évènements contre 5,6 % dans le groupe placebo). Il est probable que des sous-études détaillerons davantage cet aspect.

En conclusion, cette étude confirme les deux précédentes et même si on pourrait se dire que les résultats sont moins 'étincelants' qu'EMPA-REG à première vue, il faut se souvenir que la population de DECLARE - TIMI 58 était à moindre risque. Si on réalise une méta-analyse de ces études, on voit très bien comme illustré dans la figure 2 que le bénéfice est tout à fait comparable avec les 3 molécules lorsqu'on sépare les patients en 'prévention secondaire' (ceux avec une maladie cardiovasculaire déjà déclarée) de ceux en 'prévention primaire'.

Il semble donc utile que dans la prise en charge du diabète, on n'ait plus seulement une vision basée sur la seule glycémie mais qu'on se dirige vers une prise en charge globale du patient et de son risque cardiovasculaire. Dans ce contexte, introduire plus précocement une molécule de type gliflozine (inhibiteur récepteurs SGLT-2) est certainement à considérer. Les données concernant l'insuffisance cardiaque sont très encourageantes mais nécessitent une confirmation, dans des études spécifiquement dédiées à cette problématique.

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