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à quoi peux servir une puce?
  • Olivier Gurné

Récemment, une polémique a été lancée sur la place publique: l'introduction de nos empreintes digitales sur les cartes d'identité. Certaines personnes y voient la possibilité d'une menace sur notre sacro-sainte vie privée et ce petit fait qui paraissait anodin pour beaucoup a fait pas mal de bruit via les médias. Mon but n'est pas de rentrer dans ce débat des empreintes digitales mais le même jour, comme beaucoup de médecins belges, je voyais mes patients en consultation et essayait parfois péniblement de faire l'anamnèse de mes patients. En regardant les patients vider leur portefeuille ou le fond de leur sac à la recherche de renseignements, on ne peut s'empêcher de penser à des solutions, plus ou moins bonnes, plus ou moins mauvaises …

Idéalement, et ne s'attaquant qu'à une chose en théorie simple, savoir avec précision la médication prise par le patient est une nécessité que personne ne contestera. C'est d'autant plus important qu'à la fin de la visite, nous sommes censés le conseiller entre autres sur les médicaments qu'il va devoir prendre par la suite et le cas échéant lui prescrire ces fameux médicaments. Je ne pouvais m'empêcher de penser à tout ce temps que je perdais dans cette quête. Quelques exemples simples feront sourire beaucoup de collègues car illustratifs de notre quotidien: les personnes âgées, les patients dont c'est le conjoint ou un de leurs enfants qui prépare leur médication (et qui n'est pas toujours présent lors de la consultation), les difficultés linguistiques … Il y aussi les patients qui n'ont pas une 'mémoire d'éléphant' et il existe aussi les cas extrêmes où le patient vous déclare la main sur le coeur qu'il prend les mêmes médicaments depuis la dernière fois et cela depuis des années et que de toute façon, vous connaissez bien ce qu'il prend puisque c'est 'vous le docteur'! Justement, le docteur sait avec pertinence qu'il existe souvent beaucoup de différences entre le traitement prescrit et ce que le patient prend à domicile. Il sait aussi que ce traitement peut avoir été modifié pour l'une ou l'autre raison. Les médicaments génériques ajoutent encore un peu de complexité au problème car le nom scientifique est bien souvent plus difficile à retenir et il n'est pas rare de voir un patient prendre les deux, sans savoir qu'il a 'doublé' la dose depuis un 'certain' temps!

Le patient doit être au centre de sa prise en charge et le respect de sa vie privée est capital, je ne contesterai pas ces points. Dans ce contexte, une méthode simple, que j'avoue utiliser assez systématiquement, pourrait consister à demander au patient d'avoir une liste bien précise de sa médication sur une petite feuille, utile pour préparer sa prise quotidienne mais qu'il devrait avoir en permanence dans son portefeuille. En Belgique, le port de sa carte d'identité est obligatoire à partir de l'âge de 15 ans et donc, on se promène souvent avec son portefeuille pour y mettre au minimum ce fameux document. J'essaie d'expliquer au patient que cela ne coûte pas cher et que cela peut rapporter gros d'avoir une liste de sa médication en permanence sur lui. Pour le faire réfléchir, il peut être utile de lui dire 'si vous avez un accident et que vous n'êtes pas capable de parler (ou de vous souvenir), cela pourrait être fort utile …'. Malheureusement, ce n'est pas toujours aussi simple et beaucoup de patients se promènent avec des vieilles listes ou des listes différentes ou remplies de diverses modifications rendant l'utilité du document parfois limite.

La technologie peut fait peur mais pourrait nous aider et cette fameuse puce de notre carte d'identité (ou une autre) pourrait servir entre autres choses à stocker cette information. Bien évidemment, on peut toujours argumenter qu'une carte spécifique serait plus appropriée mais le risque alors est de multiplier le nombre de cartes que nous devons transporter. La carte d'identité pourrait ainsi par exemple servir de lien entre les médecins, à consulter avant de modifier si nécessaire le traitement du patient. On peut imaginer aussi un intérêt pour le pharmacien qui pourrait vérifier le traitement prescrit par rapport au traitement pris avant et après, tout le monde pouvant faire des erreurs, médecin y compris. L'impression sur du papier d'un tableau qui aiderait le patient (ou un de ses proches) à préparer sa médication de la journée voir de la semaine serait une application facile à mettre en oeuvre. Avec un peu d'imagination, on peut imaginer probablement d'autres applications plus ou moins utiles. La question du respect de la vie privée se pose certainement mais le patient peut être libre d'accepter ou de refuser ce service et de toute façon, c'est lui qui détient sa carte d'identité qui devrait être idéalement protégée et lisible par les seules personnes autorisées par le patient, comme les médecins qu'il consulte, son pharmacien, la personne qui prépare ses médicaments. La carte d'identité étant un document légal, cela demanderait évidemment une autorisation de nos autorités et leur soutien mais le bénéfice vaut parfois bien un petit effort.

On pourrait même certainement aller plus loin et imaginer stocker encore plus de données mais la question du respect de la vie privée risque de surgir davantage. Un exemple très simple et peu polémique pourrait être le groupe sanguin mais on voit vite qu'il serait possible d'augmenter les données, partant d'une base politiquement correcte vers des données de plus en plus sensibles. De toute façon, que nous le voulions ou pas, le passage à l'électronique se fera plus ou moins progressivement et il est peu probable que nous fassions marche arrière radicalement. Nos prescriptions actuelles d'ailleurs passent déjà par eHealth, obligatoirement depuis cette année. Il faut rester vigilant sur ce contrôle et ses dérives éventuelles mais la protection du patient passe aussi par la connaissance de sa médication … et de ses antécédents, mais cela c'est une autre histoire (pour plus tard?).

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