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MINOCA: Plaidoyer pour une plus grande disponibilité de l’OCT lors d’une PCI primaire et une meilleure accessibilité de l’imagerie par RM cardiaque
  • Christiaan Vrints

Les résultats d'une étude multicentrique menée dans le cadre du projet de recherche Women's Heart Attack Research Project (HARP) ont été présentés lors du récent congrès virtuel en ligne de l'American Heart Association. Dans cette étude, on a examiné l'utilité de l'imagerie multimodale chez des femmes chez qui on avait formulé une hypothèse diagnostique d'infarctus myocardique aigu sans anomalies coronaires obstructives (MINOCA). Environ 5 à 15 % des patients souffrant d'un infarctus myocardique aigu ont des artères coronaires normales à la coronarographie, ou ne présentent qu'une sténose non significative (sténose < 50 %).1, 2 Un MINOCA est deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Bien qu'il ne s'agisse généralement pas d'un infarctus myocardique avec sus-décalage du segment ST, le pronostic d'un MINOCA n'est pas bon: un patient sur quatre développe un nouvel événement cardiaque au cours des 4 premières années, et la mortalité à 5 ans atteint 11 %. La pathogenèse du MINOCA est diverse, et elle ne peut être élucidée avec les méthodes d'étude clinique classiques. Les dernières recommandations de l'ESC pour la prise en charge des syndromes coronariens aigus préconisent de réaliser une échographie intravasculaire (IVUS) ou un examen tomographique par cohérence optique (OCT) (recommandation I - C) chez les patients suspects de MINOCA. Un examen du coeur par résonance magnétique cardiaque (RMC) est recommandé chez tous les patients chez qui l'étiologie reste douteuse (recommandation II - B).3

Les investigateurs du projet WOMEN'S HARP ont étudié un grand groupe de femmes suspectes de MINOCA à l'aide d'un OCT intracoronaire et d'une RMC.4 L'OCT a révélé une lésion coronaire responsable (culprit) chez 46 % des patientes: le plus souvent, il s'agissait d'une plaque athéroscléreuse compliquée d'une rupture, de la formation d'un thrombus ou d'un saignement dans l'intima (figure 1). À l'analyse multivariée, la présence d'une lésion responsable s'est avérée associée à l'âge avancé, aux aspects angiographiques de la lésion et au diabète, mais pas à la hauteur du pic de troponine cardiaque ni à la sévérité de la sténose coronaire. La RMC a révélé des lésions myocardiques ischémiques (infarctus ou lésions réversibles) chez un peu plus de la moitié des patientes étudiées. Il est important de noter qu'on a constaté une affection myocardique non ischémique chez environ 20 % des patientes, le plus souvent une myocardite et moins fréquemment un syndrome de Takotsubo ou une cardiomyopathie. Chez 44 % des patientes présentant une lésion myocardique ischémique, l'OCT n'a pas révélé de lésion responsable. Inversement, 75 % des patientes présentant une lésion responsable à l'OCT avaient une atteinte myocardique ischémique à la RMC. L'imagerie multimodale (OCT & RMC) a permis de poser un diagnostic précis chez 75 % des patientes.

Les résultats de l'étude MINOCA-HARP confirment donc les recommandations de l'ESC. L'utilisation combinée de l'OCT et de la RMC peut améliorer le diagnostic et vraisemblablement aussi le traitement du MINOCA et les rendre plus spécifiques, mais cette approche augmente les coûts et pose des problèmes logistiques. En Belgique, les salles de cathétérisme cardiaque ne sont pas toutes équipées pour réaliser des IVUS ou des OCT, et de nombreux cardiologues interventionnels assurant les gardes de permanence pour une PCI primaire n'ont pas ou pas suffisamment d'expertise pour effectuer et interpréter un examen par IVUS ou OCT. Et même si l'appareillage et l'expertise sont présents, la stratégie préconisée par les recommandations de l'ESC est de facto rendue impossible par des contraintes financières. Le remboursement du diagnostic/traitement coronaire invasif et des matériaux utilisés pour ceci a progressivement été réduit, et on assiste de plus en plus à l'inclusion dans un forfait avec de moins en moins de place pour les techniques et les traitements innovants. On a investi dans un grand nombre de centres de cathétérisme cardiaque, où la forfaitisation croissante et les économies linéaires menacent de réduire le diagnostic et les traitements coronaires invasifs et interventionnels à des coronarographies de routine et à la pose de stents.

La contribution potentielle de la RMC au diagnostic cardiaque se précise de jour en jour, mais cette modalité diagnostique est fortement compliquée par un important problème d'accessibilité dans notre pays, où la RMC ne représente que 0,5 % des examens (rapport du KCE 106A, 2009), versus 30 % d'examens du rachis dont l'indication n'est souvent pas correcte (30 %).5 Si les demandes d'IRM du rachis lombaire étaient plus sélectives, on pourrait facilement effectuer dix fois plus d'IRM cardiaques.

Dans le contexte du déraillement imminent des coûts des soins de santé en raison de la pandémie de COVID-19, couplé aux effets du vieillissement de notre population, le nouveau ministre de la Santé publique songe à repenser le financement des hôpitaux, à une rémunération correcte et égale des médecins via une réévaluation des honoraires, à une séparation des coûts d'investissement de la rémunération pour les performances intellectuelles et cliniques dans la détermination des honoraires … Les recommandations américaines et celles de l'ESC pour le diagnostic de MINOCA, confirmées par l'étude MINOCA-HARP, sont difficilement applicables en raison d'obstacles financiers à l'utilisation en routine de techniques d'examen cardiologiques innovantes, et en raison du long délai d'attente des IRM, pour une utilisation plus large de la RMC. Ceci indique qu'il faut également réfléchir à d'autres adaptations, comme le fait de donner la priorité aux algorithmes diagnostiques validés.

Références

  1. Agewall, S., Beltrame, J.F., Reynolds, H.R., Niessner, A., Rosano, G., Caforio, A.L.P. et al. ESC working group position paper on myocardial infarction with non-obstructive coronary arteries. Eur Heart J, 2016, 38 (3), 143-153.
  2. Tamis-Holland, J.E., Jneid, H., Reynolds, H.R., Agewall, S., Brilakis, E.S., Brown, T. M. et al. Contemporary Diagnosis and Management of Patients With Myocardial Infarction in the Absence of Obstructive Coronary Artery Disease: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation, 2019, 139 (18), e891-e908.
  3. Collet, J-P., Thiele, H., Barbato, E., Barthélémy, O., Bauersachs, J., Bhatt, D.L. et al. 2020 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J, 2020.
  4. Reynolds, H.R., Maehara, A., Kwong, R.Y., Sedlak, T., Saw, J., Smilowitz, N.R. et al. Coronary Optical Coherence Tomography and Cardiac Magnetic Resonance Imaging to Determine Underlying Causes of MINOCA in Women. Circulation.
  5. Gidwani, R., Sinnott, P., Avoundjian, T., Lo, J., Asch, S.M., Barnett, P.G. Inappropriate ordering of lumbar spine magnetic resonance imaging: are providers Choosing Wisely? Am J Manag Care, 2016, 22 (2), e68-76.

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