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Diabète et maladie cardiovasculaire
  • Michel De Pauw 

Le diabète était le thème central du congrès annuel de la Société belge de cardiologie en février 2021. Et nous ne nous sommes pas « contentés » de ce programme faute d'inspiration. Le diabète est bel et bien une maladie et un facteur de risque auxquels nous sommes confrontés chaque jour dans notre pratique de cardiologues.

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Avant toute chose, rappelons que la prévalence mondiale du diabète a clairement augmenté au cours des dernières décennies, passant de 4,5 % de la population mondiale adulte en 1980 à 8,5 % en 20141. Une étude prospective de la Fédération internationale du diabète (FID) prévoit une nouvelle augmentation de 45 % d'ici 2045, principalement due à une hausse en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, mais aussi en Europe et en Amérique du Nord2. Cela coïncide avec la prévalence croissante de l'obésité et la réduction de l'activité physique1. Au total, 90 à 95 % des patients présentent un diabète de type 2 (DT2), et la prévalence du DT2 augmente également chez les jeunes3,4.

Le diabète est en outre l'exemple type d'une maladie systémique ayant des répercussions sur des systèmes très divers, des nerfs aux reins, mais il forme également un facteur de risque majeur pour le développement de maladies cardiovasculaires. Les mécanismes physiopathologiques sous-jacents n'ont désormais plus de secret pour personne : l'hyperglycémie, la résistance à l'insuline et l'excès d'acides gras libres entraînent un stress oxydatif accru et un dysfonctionnement du système de transduction du signal de la protéine kinase C, ce qui entraîne une inflammation vasculaire, une vasoconstriction, une thrombose et une athérogenèse3. Le lien avec les maladies coronariennes et vasculaires périphériques est dès lors facile à établir. Toutefois, un lien avec l'insuffisance cardiaque peut également être établi, tant avec l'HFrRF que l'HFpEF5. Enfin, plus récemment, il est apparu que les anomalies cardiométaboliques, notamment le diabète, constituent un facteur de risque important pour le développement de la fibrillation auriculaire6.

La tâche qui nous incombe en tant que cardiologues est donc claire : assurer un diagnostic correct, s'attaquer aux complications cardiaques, mais aussi prêter attention au traitement du diabète et nous forger de l'expérience dans ce domaine, en particulier dans la prévention des complications du diabète. Cette stratégie est d'ailleurs très similaire à celle suivie il y a quelques années pour lutter contre l'hyperlipémie.

Depuis les nombreuses études EUROASPIRE sur les maladies coronaires (infarctus du myocarde (premier ou récidive), pontage coronarien, ICP élective ou urgente), qui incluaient également une cohorte de patients belges, on sait que la prévalence du diabète dans la cohorte belge est de 21 % et celle de l'obésité (IMC > 30) de 38 %7. Lors du dépistage de la dysglycémie dans l'étude EUROASPIRE IV, 29 % des patients ont reçu un nouveau diagnostic de diabète. Dans cette étude, la glycémie à jeun, une détermination de la glycémie 2 heures après une charge de glucose et une détermination de l'HbA1c ont été utilisées pour établir le diagnostic. La valeur diagnostique était clairement la plus élevée pour l'épreuve d'hyperglycémie provoquée par voie orale (mesure de la glycémie à jeun + 2 heures après une charge de glucose), qui a permis de détecter un diabète chez 96 % des patients, alors que la mesure de la glycémie à jeun ou la détermination de l'HbA1c n'ont permis de détecter que 75 % et 17 % des patients touchés, respectivement. En déterminant uniquement l'HbA1c, nous passons donc à côté de beaucoup de patients8.

Une gestion adéquate du diabète est fortement recommandée, non seulement pour obtenir un meilleur contrôle du diabète, mais aussi et surtout pour prévenir les complications cardiovasculaires. Le traitement de base reste la modification du mode de vie et la prise de metformine9, également chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires. Depuis lors, cependant, le traitement du diabète de type 2 a considérablement évolué. De plus, la FDA et l'EMA ont déclaré, suite à l'observation de complications cardiovasculaires avec l'introduction des thiazolidines (et plus particulièrement l'observation d'une augmentation du nombre d'hospitalisations dues à une insuffisance cardiaque avec l'utilisation de la rosiglitazone)10, que des études à long terme sur les résultats cardiovasculaires sont nécessaires, en raison de l'introduction de nouveaux médicaments pour le traitement du diabète de type 2. Au cours de la dernière décennie, trois nouvelles classes de médicaments ont été introduites : DPP4i (gliptines), agonistes du récepteur au GLP1 (incrétines) et SGLT2i (gliflozines) pour le traitement du diabète de type 2 dans 17 essais de résultats cardiovasculaires, dans lesquels une non-infériorité sur le plan de la sécurité cardiovasculaire a été prouvée, mais qui ont également démontré un bénéfice cardiovasculaire avec les agonistes des récepteurs GLP1 (GLP1 RA) et les SGLT2i, indépendamment de l'effet hypoglycémiant10,11.

Les agonistes du récepteur au GLP1 ont un impact positif sur les résultats cardiovasculaires grâce à une influence favorable sur le profil de risque cardiovasculaire (réduction du poids, effet hypotenseur et amélioration du profil lipidique). Un effet anti-inflammatoire et anti-athérosclérotique a été aussi démontré11. Tant avec le liraglutide (essai LEADER), le semaglutide (essais CANVAS et PIONEER), le lixisénatide (essai ELIXA), l'exénatide (essai EXSCEL), l'albiglutide (essai HARMONY OUTCOMES) et le dulaglutide (essai REWIND), une réduction significative des MACE (événements cardiovasculaires indésirables majeurs) a été démontrée après 2-3 ans de traitement, en comparaison avec le placebo. Ceci a depuis été confirmé par une méta-analyse de tous les essais publiés sur les agonistes du récepteur au GLP111.

Dans une récente méta-analyse des essais de résultats cardiovasculaires avec le SGLT2i, une réduction significative du rapport de risque pour les MACE ainsi que pour l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été démontrée11. Cependant, il était clair que le gain au niveau des MACE était plutôt limité, et ne repose que sur les essais avec l'empagliflozine ou la canagliflozine. Par conséquent, l'effet dominant du SGLT2i consistait en une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, ce qui était cohérent dans toutes les études individuelles. Cette observation a servi de base pour tester l'utilisation du SGLT2i dans une population spécifique d'insuffisants cardiaques avec ou sans diabète de type 2 sous-jacent. Deux essais ont depuis été publiés, l'un avec la dapagliflozine (DAPA-HF) et l'autre avec l'empagliflozine (EMPEROR-Reduced), et démontrent une réduction significative du critère d'évaluation principal (décès cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque) principalement due à la réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Bien que le SGLT2i ait été initialement développé pour réduire la glycémie, son application va s'élargir. De plus, l'effet au niveau de l'insuffisance cardiaque est plus qu'un simple effet diurétique et natriurétique, et il existe également des preuves claires d'un effet bénéfique sur le remodelage, la fibrose et le dysfonctionnement microvasculaire11. Il est dès lors possible d'envisager l'utilisation du SGLT2i comme quatrième pilier dans le traitement de l'insuffisance cardiaque, aux côtés de l'utilisation des inhibiteurs du SRAA, des bêta-bloquants et des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes.

La connaissance et la gestion de l'utilisation des agonistes des récepteurs GLP1 et des SGLT2i, ainsi que du diabète de type 2 en tant que pathologie et facteur de risque, seront par conséquent des compétences indispensables du cardiologue de demain.

Références

  1. Global Report on Diabetes. World Health Organization. Diabetes Fact Sheet, 2016. ISBN 978 92 4 156525 7.
  2. International Diabetes Federation. IDF diabetes atlas. 8th Edition Brussels, 2017. http://www.diabetesatlas.org
  3. Henning, R.J. Type-2 diabetes mellitus and cardiovascular disease. Future Cardiol, 2018, (14) 6, 491-509.
  4. Glovaci, D., Fan, W., Wong, N.D. Epidemiology of Diabetes Mellitus and Cardiovascular Disease. Curr Cardiol Rep, 2019, 21 (4), 21.
  5. Seferovic, P., Paulus, W. Clinical diabetic cardiomyopathy: a two-faced disease with restrictive and dilated phenotypes. Eur Heart J, 2015, 36 (27), 1718-1727.
  6. Hindricks, G. et al., ESC Scientific Document Group. 2020 ESC Guidelines for the diagnosis and management of atrial fibrillation. Eur Heart J, 2021, 42 (5), 373-498.
  7. De Smedt, D., De Sutter, J., De Pauw, M., Vandekerckhove, H., Trouerbach, J., De Backer, G. et al. Lifestyle behaviour and risk factor control in coronary patients: Belgian results from the cross-sectional EUROASPIRE surveys. Acta Cardiologica, 2018, 74 (1), 21-27. doi: 10.1080/00015385.2018.1438092.
  8. Gyberg, V., De Bacquer, D., Kotseva, K., De Backer, G., Schnell, O., Sundvall, J. et al. Screening for dysglycemia in patients with coronary artery disease as reflected by fasting glucose, oral glucose tolerance test, and HbA1c: a report from EUROASPIRE V - a survey from the European Society of Cardiology. Eur Heart J, 2015, 36 (19), 1171-1176.
  9. Cosentino, F. et al., ESC Scientific Document Group. 2019 ESC Guidelines on diabetes, pre-diabetes and cardiovascular disease developed in collaboration with the EASD. Eur Heart J, 2020, 41 (2), 255-323.
  10. Gulsin, G.S., Graham-Brown, M.P.M., Davies, M.J., McCann, G.P. Emerging glucoselowering therapies: a guide for cardiologists. Heart, 2020, 106 (1), 18-23.
  11. Shanmugasundaram, M., Exequiel Pineda, J.R., Murugapandian, S. Glucose-lowering medications and Cardiovascular Outcomes. Curr Cardio Rep, 2021, 23 (4), 24.

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