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Mars 2020 : la guerre est déclarée, et les dommages collatéraux sont cardiaques …
  • Christiaan Vrints

Juste avant les vacances d'automne, le livre 'En nu is het oorlog' ('La guerre est déclarée', uniquement disponible en néerlandais)1 écrit par le ministre Philippe De Backer, qui a coordonné pendant 6 mois la taskforce Covid-19 du gouvernement Wilmès, a été présenté à la Maison de la Culture d'Anvers.

Quelques jours auparavant, le gouvernement fédéral avait décrété une 'situation d'urgence épidémique' et imposé de nouvelles mesures pour contrôler la quatrième vague de la pandémie de Covid-19 et, surtout, pour renforcer la couverture vaccinale. Sans cela, les autorités craignent que le nombre d'hospitalisations n'augmente très rapidement et que les victimes soient nombreuses. Les médias ont replacé le Covid-19 au premier plan, avec des reportages en direct au 16 rue de la Loi, où un comité de concertation fédéral s'est réuni plus tôt que prévu. Le ministre de la Santé publique nous avait déjà prévenus lors d'interviews : 'Les prochains jours seront inquiétants. Nous devrons nous préparer à faire face à cette (quatrième) vague'2.

Les images des cercueils empilés dans les morgues et les églises et les longues files de camions de l'armée transportant les défunts vers les cimetières au début de la pandémie de Covid-19 en Italie au printemps 2020 resteront à jamais gravées dans nos esprits. Face à cette situation proche de la guerre, des mesures drastiques ont été prises dans le monde entier, notamment un confinement généralisé, la réservation du rare matériel de protection pour les hôpitaux (et pas pour les maisons de repos et de soins) et la transformation des hôpitaux de soins aigus en hôpitaux Covid-19 où tous les soins planifiés ont été reportés. Avec toutes ces mesures, la société s'est cristallisée autour de la peur du Covid-19.

De nombreux rapports ont montré que la panique générale et la priorité donnée aux soins aigus du Covid-19 ont eu des effets très néfastes sur la prise en charge et le traitement des maladies cardiovasculaires. Du fait de la phobie généralisée du Covid-19 dans la société, les gens avaient peur d'aller à l'hôpital pour des problèmes cardiaques. Lors du premier confinement en Allemagne, on a noté une diminution de près de 40 % du nombre de patients se présentant aux urgences en raison de douleurs thoraciques suspectes de syndrome coronarien aigu3. En Italie, au cours de la même période, le nombre de patients admis à l'hôpital pour un infarctus myocardique aigu a diminué de 50 %4. Le nombre de décès pendant l'hospitalisation était presque 4 fois supérieur à la normale. Un délai plus long entre l'apparition des symptômes et l'admission, dû au fait que les patients hésitaient plus longtemps à appeler à l'aide, a été la principale cause de l'importante augmentation de la mortalité intrahospitalière. À Hong Kong, en Chine, le délai entre l'apparition des symptômes et le premier contact médical était presque 4 fois plus long qu'auparavant5. En Angleterre également, on a constaté une baisse de 40 % du nombre d'hospitalisations pour syndrome coronarien aigu6. Le fait que la diminution des hospitalisations pour infarctus myocardique aigu soit un phénomène mondial a été souligné par une enquête menée par la Société européenne de Cardiologie7. De manière universelle, 40 % des personnes interrogées ont fait état d'une diminution de 40 à 60 % du nombre d'hospitalisations pour infarctus myocardique aigu. Il est important de noter que la diminution la plus importante a été observée dans les pays ayant procédé à un confinement complet et dans les hôpitaux ayant un grand nombre d'admissions pour Covid-19, où les hospitalisations en cardiologie ont été réduites au profit de l'accueil des patients Covid-19. L'impact pernicieux de la pandémie sur les soins cardiaques aigus a été une nouvelle fois confirmé par une étude approfondie de la littérature8.

La mort subite cardiaque extrahospitalière est une complication importante de l'infarctus myocardique aigu. L'attente prolongée des patients avant d'avertir les secours en cas de douleurs thoraciques serait une cause majeure du pic d'arrêts cardiaques observé à Paris9 et à Détroit10, peu après le début du confinement.

Les rapports épidémiologiques provenant des États-Unis indiquent que la mortalité globale due aux maladies cardiovasculaires a également augmenté au cours des 6 premiers mois de la pandémie. L'augmentation la plus marquée est celle de la mortalité due aux cardiopathies ischémiques (+239 %) et à l'hypertension artérielle (+264 %) à New York11. Les données préliminaires sur la mortalité aux États-Unis montrent une surmortalité importante, due en grande partie au Covid-19 (345 323), mais les maladies cardiaques (690 882) et le cancer (598 932) restent les deux principales causes de décès12. Les décès dus aux maladies cardiaques ont même augmenté de 4,8 % en 2020.

L'impact de la priorité accordée aux soins du Covid-19 et du report des soins classiques n'a pas encore été pleinement évalué, mais il sera certainement important. La Fondation cardiaque néerlandaise a récemment indiqué que, depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19, 4 000 opérations cardiaques ont été reportées aux Pays-Bas, en raison d'une pénurie de lits aux soins intensifs. Cela implique certainement un risque de mortalité accrue et de perte d'espérance et de qualité de vie en raison d'une chirurgie cardiaque non pratiquée ou pratiquée trop tard.

En résumé, la guerre contre le Covid-19 a provoqué des dommages collatéraux importants en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, en raison de la psychose généralisée dans la société, du confinement obligatoire et de la réaffectation des ressources dans le secteur des soins de santé. Faire peur aux gens pour les convaincre de se faire vacciner rapidement ne semble donc pas être la bonne stratégie.

Sans vouloir minimiser la mortalité liée au Covid-19, les besoins en matière de soins de santé devraient progressivement être envisagés dans un contexte plus large et plus équilibré, plutôt qu'à travers le prisme étroit de la pandémie de Covid-19. Les maladies cardiovasculaires restent la principale cause de mortalité et de perte de qualité de vie à long terme dans les sociétés occidentales. Les autorités pensent à tort que le problème des maladies cardiovasculaires est résolu, et elles veulent réaliser des économies grâce à l'introduction de soins forfaitaires. De nombreux traitements des maladies cardiovasculaires sont incomplets, de sorte que les patients restent en insuffisance cardiaque progressive, une situation qui n'est pas sans rappeler le cancer en termes de perte de qualité de vie. En raison du vieillissement de la population, la prévalence des maladies cardiovasculaires augmentera encore considérablement en chiffres absolus. Il est donc nécessaire d'investir davantage dans les soins et la recherche sur les maladies cardiovasculaires. L'expérience négative de l'augmentation des dommages collatéraux cardiovasculaires lors de la pandémie de Covid-19 le souligne fortement. J'espère qu'un ministre de la santé publique viendra expliquer comment il compte s'attaquer à la pandémie galopante de maladies cardiovasculaires qui s'annonce...

Pour conclure: You can't pause a heart13

Références

  1. De Backer, P. En nu is het oorlog. Ertsberg, 2021.
  2. Neirynck, P., De Roo, M. Frank Vandenbroucke waarschuwt voor vierde coronagolf 2021 [Available from: https:// www.tijd.be/dossiers/coronavirus/frankvandenbroucke- waarschuwt-voor-vierdecoronagolf/ 10340450.html].
  3. Schwarz, V., Mahfoud, F., Lauder, L., Reith, W., Behnke, S., Smola, S. et al. Decline of emergency admissions for cardiovascular and cerebrovascular events after the outbreak of COVID-19. Clin Res Cardiol, 2020, 109 (12), 1500-1506.
  4. De Rosa, S., Spaccarotella, C., Basso, C., Calabrò, M.P., Curcio, A., Filardi, P.P. et al. Reduction of hospitalizations for myocardial infarction in Italy in the COVID-19 era. Eur Heart J, 2020, 41 (22), 2083-2088.
  5. Tam, C.F., Cheung, K.S., Lam, S., Wong, A., Yung, A., Sze, M. et al. Impact of Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Outbreak on ST-Segment-Elevation Myocardial Infarction Care in Hong Kong, China. Circ Cardiovasc Quality Outcomes, 2020, 13 (4), e006631.
  6. Mafham, M.M., Spata, E., Goldacre, R., Gair, D., Curnow, P., Bray, M. et al. COVID- 19 pandemic and admission rates for and management of acute coronary syndromes in England. The Lancet, 2020, 396 (10248), 381-389.
  7. Pessoa-Amorim, G., Camm, C.F., Gajendragadkar, P., De Maria, G.L., Arsac, C., Laroche, C. et al. Admission of patients with STEMI since the outbreak of the COVID-19 pandemic: a survey by the European Society of Cardiology. Eur Heart J Qual Care Clin Outcomes, 2020, 6 (3), 210-216.
  8. Kiss, P., Carcel, C., Hockham, C., Peters, S.A.E. The impact of the COVID-19 pandemic on the care and management of patients with acute cardiovascular disease: a systematic review. Eur Heart J Qual Care Clin Outcomes, 2020, 7 (1), 18-27.
  9. Marijon, E., Karam, N., Jost, D., Perrot, D., Frattini, B., Derkenne, C. et al. Out-ofhospital cardiac arrest during the COVID-19 pandemic in Paris, France: a populationbased, observational study. The Lancet Public Health, 2020, 5 (8), e437-e43.
  10. Nickles, A.V., Oostema, A., Allen, J., O'Brien, S.L., Demel, S.L., Reeves, M.J. Comparison of Out-of-Hospital Cardiac Arrests and Fatalities in the Metro Detroit Area During the COVID-19 Pandemic With Previous-Year Events. JAMA Network Open, 2021, 4 (1), e2032331-e.
  11. Wadhera, R.K., Shen, C., Gondi, S., Chen, S., Kazi, D.S., Yeh, R.W. Cardiovascular Deaths During the COVID-19 Pandemic in the United States. J Am Coll Cardiol, 2021, 77 (2), 159-169.
  12. Ahmad, F.B., Anderson, R.N. The Leading Causes of Death in the US for 2020. JAMA, 2021, 325 (18), 1829-1830.
  13. ESC. You can't pause a heart 2021 [Available from: https://www.escardio.org/The-ESC/ Press-Office/Press-releases/You-can-t-pause-a-heart.]

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