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Un nouvel outil utile pour la détermination du risque opératoire en cas de régurgitation tricuspide isolée : le TRI-SCORE
  • Guy Van Camp

Une importante plus-value pour les équipes cardiaques en ces temps de pléthore de solutions chirurgicales et transcathéter pour la valve tricuspide

La régurgitation tricuspide (RT) isolée modérément sévère et sévère est une affection fréquente dont la prévalence est estimée à 0,55 %, et à 3 % au-delà de 75 ans. Des études épidémiologiques suggèrent que 1,6 million de personnes en souffrent aux États-Unis et que cette valvulopathie entraîne un doublement de la mortalité cardiaque.1

Alors qu'il existe une recommandation assez claire en faveur d'une intervention sur la valve tricuspide à l'occasion d'une chirurgie valvulaire mitrale, il est beaucoup plus difficile de savoir quand il faut envisager une chirurgie valvulaire tricuspide en cas de RT isolée. Par le passé, la valve tricuspide était traitée en parent pauvre, et elle a longtemps été considérée comme la 'valve oubliée' (forgotten valve), mais les choses ont changé ces dernières années. Un obstacle majeur à la réalisation de cette intervention qui, en soi, n'est pas si difficile techniquement est la mortalité élevée inhérente à l'intervention, avec une mortalité intrahospitalière d'environ 10 %, tant aux États-Unis qu'en Europe. Toutefois, il est frappant de voir que la mortalité peut varier énormément, le tableau clinique ayant un impact très important sur la survie, tandis que le mécanisme/l'étiologie ont en revanche peu d'influence. En ces temps où l'on propose de plus en plus de solutions transcathéter, il est crucial que les équipes cardiaques puissent bien calculer le risque de cette intervention.

C'est à Dreyfus et al. que revient le mérite de proposer un nouveau calculateur de risque pour cette intervention.2 Pour concevoir ce score de risque, ils ont inclus tous les patients consécutifs de 12 centres français, qui avaient subi une chirurgie valvulaire tricuspide isolée pour une RT significative entre 2007 et 2017. En tout, 466 patients ont été identifiés, et la mortalité intrahospitalière atteignait 10 %. À partir de leurs données, les auteurs ont dégagé un score de risque TRI-SCORE entre 0 et 12, qui comprend 8 paramètres : âge > 70 ans, classe NYHA III-IV, signes d'insuffisance cardiaque droite, dose quotidienne de furosémide ≥ 125 mg, DFG < 30 ml/min, élévation de la bilirubine, FEVG < 60 % et dysfonction ventriculaire droite modérée à sévère. La mortalité observée et prédite augmentait de 0 à 60 % et de 1 % à 65 %, respectivement avec un TRI-SCORE allant de 0 à ≥ 9 points. La valeur prédictive du TRI-SCORE était considérablement supérieure à celle de l'EuroSCORE ou de l'EuroSCORE logistique (qui n'ont d'ailleurs pas été développés pour la chirurgie valvulaire tricuspide) (figure 1 et figure 2).

Maintenant que nous pouvons abandonner l'idée qu'une RT souvent lentement progressive est bénigne, ce score pourrait également signifier une deuxième étape dans notre approche intellectuelle des patients souffrant de RT : la chirurgie valvulaire tricuspide n'implique pas un risque de mortalité élevé chez tous les patients. Bien que la mortalité dans ce groupe de patients français atteigne également globalement 10 %, il y avait de très grandes variations, allant de 0 à 60 % en fonction du TRI-SCORE. Maintenant que nous pouvons plus facilement identifier les patients présentant une RT significative qui ont un faible risque opératoire (TRI-SCORE ≤ 3), nous devons probablement référer plus rapidement (ce qui implique donc un risque moindre) nos patients en vue d'une chirurgie valvulaire tricuspide, même si ceci n'est bien évidemment pas encore prouvé (on ne dispose pas encore de données d'évolution prospectives). Le TRI-SCORE nous permettra également, au sein de l'équipe cardiaque, de prendre des décisions mieux fondées pour les patients souffrant d'une RT isolée : chirurgie ou traitement percutané. Maintenant que le TriClip n'est plus la seule intervention par cathéter possible, d'autres alternatives et des remplacements valvulaires percutanés permettront probablement de dépister plus précocement les patients, qui pourront alors être adressés aux équipes cardiaques en vue d'une évaluation. Le nouveau score peut également nous aider dans ce processus décisionnel (www.tri-score.com).

Références

  1. Messika-Zeitoun, D., Verta, P., Gregson, J., Pocock, S.J., Boero, I., Feldman, T.E., Abraham, W.T, Lindenfeld, J., Bax, J., Leon, M, Enriquez-Sarano, M. Impact of tricuspid regurgitation on survival in patients with heart failure: a large electronic health record patient-level database analysis. Eur J Heart Fail, 2020, 22, 1803-1813.
  2. Dreyfus, J., Audureau, E., Bohbot, Y., Coisne, A., Lavie-Badie, Y., Bouchery, M. et al. TRI-SCORE: a new risk score for in-hospital mortality prediction after isolated tricuspid valve surgery. Eur Heart J, 2022, 43, 654-662.

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