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Myopéricardite après vaccination COVID-19
  • Priscilla Gillis , Quentin Trefois , Antoine de Meester

La vaccination contre le SARS-CoV-2 (COVID-19) a débuté en Belgique au début du mois de janvier 2021. Les effets secondaires de la vaccination sont souvent bénins, comme dans les états grippaux (fièvre, douleurs articulaires, diarrhées, …) et plus rarement d'autres symptômes généraux, tels une perte d'appétit, de la fatigue, des éruptions cutanées ou de la dyspnée résiduelle.1 Des cas de myocardites ou de péricardites, bien que connus depuis longtemps dans le contexte de vaccination, sont aussi décrits, mais peu fréquents.1-6

Dans le contexte de la pandémie à SARS-CoV-2, la vaccination à grande échelle de la population, notamment dans des pays comme Israël, a mis en évidence des cas de myopéricardites post-vaccinales, essentiellement dans le contexte de vaccination par vaccin à ARN messager.

Nous décrivons ici le cas d'un jeune garçon présentant une myopéricardite post-vaccinale typique, mais heureusement bénigne au niveau clinique. À l'occasion de ce cas, nous revoyons la littérature concernant ce type de complication.

Cas clinique

Nous exposons le cas d'un jeune garçon de 15 ans se présentant aux urgences dans un contexte de douleurs thoraciques apparues la veille. Les précordialgies sont décrites comme constrictives et respiro-dépendantes et apparues deux jours après la seconde injection du vaccin anti-SARS-CoV-2 (BNT162b2). Il ne présentait pas de fièvre ou d'équivalent fébrile, mais rapportait des douleurs musculaires et articulaires diffuses ainsi que des céphalées inhabituelles. Il ne se plaignait pas de dyspnée. Il n'avait présenté aucun symptôme après l'injection de la première dose du vaccin. Le patient n'avait aucun antécédent médical ou chirurgical et n'est par ailleurs pas connu pour avoir déjà présenté des réactions allergiques par le passé. Il n'avait aucun traitement chronique.

À l'admission, les paramètres vitaux du patient sont tout à fait normaux et il est hémodynamiquement stable. Le bilan aux urgences a été complété par la réalisation d'un électrocardiogramme 12-dérivations (ECG) montrant des sus-décalages du segment ST en cupule en DII, aVF, V2, V3, V4, V5 et V6 ainsi qu'un sous-décalage en DIII et une onde T négative et pointue en aVR (figure 1).

La prise de sang retrouvait une élévation des troponines à 1071 pg/mL (VN : < 14 pg/mL) et des CK à 804 U/L (VN : 39 - 308 U/L). La CRP était légèrement majorée à 36 mg/L (VN : < 10 mg/L).

Le bilan a été complété par une échographie cardiaque retrouvant une altération légère de la fonction cardiaque avec une fraction d'éjection du ventricule gauche estimé à 50 % selon Simpson. Il n'y avait pas d'épanchement péricardique.

Vu l'absence de critères de gravité, il a pu rentrer à son domicile. Il a été traité par acide acétylsalicylique (1 gr par 8 h) pendant 15 jours et colchicine (0,5 mg par jour) pendant 3 mois.

Une consultation réalisée au follow-up d'une semaine s'est avérée rassurante : plus de plaintes de douleur et pas de fièvre récurrente. L'ECG retrouvait les anomalies persistantes de péricardite, mais avec amélioration nette des modifications du segment ST (figure 2). L'échographie cardiaque de contrôle ne montrait ni épanchement cardiaque, ni dysfonction du ventricule gauche. L'IRM cardiaque réalisée 20 jours après l'épisode était également tout à fait normale.

Le patient arrêtera de lui-même son traitement d'acide acétylsalicylique, sans diminution des doses, et de colchicine après 15 jours, considérant qu'il était totalement guéri. Heureusement, il n'y a pas eu de récidive de péricardite après 3 mois.

Discussion

La myopéricardite est une inflammation du péricarde s'étendant jusqu'au myocarde, associée à une élévation de la troponine cardiaque.7-8 La confirmation du diagnostic de péricardite aiguë comprend deux des quatre critères suivants : une douleur thoracique typique (respiro-dépendante, majorée en décubitus dorsal et améliorée en antéflexion du tronc), un frottement péricardique, des modifications ECG typiques et un épanchement péricardique, souvent minime, à l'échographie. Deux autres éléments complémentaires, sans être des critères, peuvent être pris en considération : une majoration des marqueurs d'inflammation (VS, CRP) ou une évidence d'inflammation à l'imagerie (IRM ou scanner).7 Notre patient présentait au moins deux critères diagnostiques (douleur et ECG).

Les causes de myopéricardite sont multiples (idiopathique (surtout infection virale), néoplasique, auto-immune, infectieuse (tuberculose), médicamenteuse, métabolique ou post trauma cardiaque, …) ; la vaccination, entre autres contre l'influenza, l'hépatite B ou le HSV, a été documentée à plusieurs reprises comme cause de la pathologie.2, 7-8

Depuis les débuts de la vaccination COVID-19, plusieurs rapports ont été faits de myopéricardites post-vaccinales. Plusieurs pays, dont Israël et le Danemark, ont depuis réalisé des études sur leur population vaccinée et tiré des résultats intéressants.

L'étude conduite en Israël, sur une population ayant été largement vaccinée, a retrouvé une corrélation forte entre l'administration du vaccin BNT162b2 et la survenue de myopéricardites. Dans cette étude, l'incidence dans la population était la plus forte chez des patients âgés entre 16 et 29 ans.3 Le sexe masculin est un facteur de risque important, d'ailleurs rapporté dans d'autres études.3-4 Le risque de développer une myocardite n'est pas le même en fonction du nombre de doses reçues, et il apparait que le risque de développer la maladie est nettement supérieur après la seconde injection.4 L'apparition de la myocardite survenait essentiellement dans les 7 jours suivant l'administration du vaccin.4

Le risque de survenue d'une myopéricardite post-vaccinale ne semble pas être le même en fonction du vaccin reçu. Ainsi, les équipes danoises ont trouvé un risque nettement supérieur d'apparition d'une myopéricardite chez les patients ayant reçu le vaccin mRNA-1273.5 Dans la majorité des cas de myopéricardites décrits, l'atteinte est légère à modérée. Seuls 8 cas de décès sur myocardite post-vaccin à ARN messager ont été enregistrés à l'heure actuelle.6

Notre patient illustre très bien les résultats des études, étant âgé de 15 ans, de sexe masculin et ayant reçu sa seconde dose de vaccin deux jours avant l'apparition de la pathologie. Même si le risque de survenue d'une myopéricardite post-vaccinale reste faible, il est important d'informer les patients quant au risque potentiel de développer une atteinte myocardique après une vaccination, et de les inciter à se présenter aux urgences en cas d'apparition de symptômes évocateurs, telle une dyspnée ou une douleur thoracique.

Concernant la prise en charge en première ligne de soins, il est essentiel de ne pas banaliser les symptômes survenant chez les jeunes, surtout ceux ayant été exposés dans les 7 jours à une vaccination anti-SARS-CoV-2 et à fortiori si le patient a déjà reçu plusieurs doses de vaccin. Le dosage des troponines, un ECG évocateur et l'échographie cardiaque restent les examens de choix pour poser le diagnostic.

Le traitement est celui de la péricardite aiguë classique, à savoir une association entre anti-inflammatoire non-stéroïdiens (AINS) (acide acétylsalicylique ou ibuprofène), pendant 1-2 semaines, avec de la colchicine pendant 3 mois selon les recommandations ESC de 2015.7 Ce traitement a été arrêté spontanément par le patient ; heureusement, nous n'avons pas observé de péricardite récurrente ou de péricardite constrictive, dont les incidences sont estimées à 6 % et 1-2 % respectivement.

Notre patient n'avait aucun critère de gravité majeur, nécessitant une hospitalisation, à savoir une fièvre > 38 °C, un début subaigu, une effusion péricardique > 20 mm, ou une absence de réponse aux AINS après une semaine. Les critères mineurs nécessitent une surveillance plus précoce : myopéricardite ; immunosuppression, traumatisme, anticoagulation orale.7

Il n'existe pas actuellement de recul suffisant, ni aucune mention dans la littérature, pour évoquer des complications à moyen ou long-terme, telles des péricardites récurrentes ou des constrictions péricardiques.

En conclusion, la myopéricardite post-vaccinale contre le SARS-CoV-2 doit être évoquée en cas de plaintes typiques. Un traitement classique, avec AINS et colchicine, et une surveillance adéquate est nécessaire. Heureusement, l'évolution semble le plus souvent non compliquée. La pandémie SARS-CoV-2 actuelle, avec les millions de personnes vaccinées, va nous donner beaucoup d'information pour l'avenir.

Références

  1. Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS). www.afmps.be
  2. Su, J.R., McNeil, M.M., Welsh, K.J., Marquez, P.L., Ng, C., Yan, M. Myopericarditis after vaccination, Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS), 1990-2018. Vaccine, 2021, 39 (5), 839-845.
  3. Witberg, G., Barda, N., Hoss, S., Richter, I., Wiessman, M., Aviv, Y. et al. Myocarditis after Covid-19 Vaccination in a Large Health Care Organization. N Engl J Med, 2021, 385, 2132-2139.
  4. Oster, M.E., Shay, D.K., Su, J.R., Gee, J., Creech, C.B., Broder, K.R. et al. Myocarditis Cases Reported After mRNA-Based COVID- 19 Vaccination in the US From December 2020 to August 2021. JAMA, 2022, 327 (4), 331-340.
  5. Husby, A., Hansen, J.V., Fosb&‌oslash;l, E., Thiesson, E.M., Madsen, M., Thomsen, R.W. et al. SARS-CoV-2 vaccination and myocarditis or myopericarditis: population based cohort study. BMJ, 2021, 375, e068665.
  6. Heymans, S., Cooper, L.T. Myocarditis after COVID-19 mRNA vaccination: clinical observations and potential mechanisms. Nat Rev Cardiol, 2022, 19, 75-7.
  7. Adler, Y., Charron, P., Imazio, M., Badano, L., Barón-Equivias, G., Bogaert, J. et al. 2015 ESC Guidelines for the diagnosis and management of pericardial diseases. Y. Adler, P. Charron, M. Imazio, et al. Eur Heart J, 2015, 36 (42), 2921-2964.
  8. Caforio, A.L.P., Pankuweit, S., Arbustini, E., Basso, C., Gimeno-Blines, J., Felix, S.B. et al. Current state of knowledge on aetiology, diagnosis, management, and therapy of myocarditis: a position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur Heart J, 2013, 34 (33), 2636- 2648.

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