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Prise en charge de la régurgitation mitrale secondaire
  • Sebastiaan Dhont , Hans Vandekerckhove 

Cette présentation repose sur le webinaire « Mitral valve regurgitation management: what is new?' » modérée par M. Metra et P. Lancellotti.

Après la sténose de la valve aortique, la régurgitation mitrale est la deuxième cardiopathie valvulaire la plus fréquente en Europe.1 Le mécanisme sous-jacent, primaire ou secondaire, détermine en grande partie le plan thérapeutique. Le terme « primaire » désigne la défaillance structurelle de l'un des composants de l'appareil valvulaire mitral et nécessite généralement une réparation chirurgicale. En cas d'atteinte secondaire ou fonctionnelle, la valve mitrale est structurellement intacte, mais a été déséquilibrée par des modifications géométriques du ventricule gauche et/ou de l'oreillette gauche, ce qui entraîne une régurgitation. La valvulopathie fait alors partie d'un processus pathologique plus large, de sorte que l'approche doit inclure l'ensemble du tableau. Par exemple, dans le cas d'une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite, la priorité sera d'abord accordée à l'instauration et à l'augmentation posologique d'un traitement pour l'insuffisance cardiaque, ainsi qu'à l'optimisation de la fonction cardiaque au moyen d'une stimulation biventriculaire lorsque cela est possible, avant de prendre en charge la régurgitation valvulaire. Une équipe cardiaque composée d'intervenants expérimentés est indispensable pour prendre en charge ces patients. Si la décision est prise de poursuivre le traitement de la valvulopathie, elle est souvent suivie d'une discussion concernant la sélection de l'approche chirurgicale vs percutanée. Vous trouverez ci-après le fil rouge de cet article, à savoir l'organigramme des recommandations en matière de prise en charge de la régurgitation mitrale secondaire chronique et sévère.

Éligibilité à la chirurgie cardiaque

F. Beyersdorf (Freiburg, Allemagne)

La stratification du risque est importante dans toute procédure interventionnelle. Plusieurs systèmes de cotation (STS-PROM et EuroSCORE) sont disponibles pour évaluer le risque périopératoire et aider l'équipe cardiaque dans sa prise de décision. Ces systèmes ne sont pas complets, par exemple ils ne tiennent notamment pas compte de la fonction cognitive, de la vulnérabilité et des aspects anatomiques (aorte en porcelaine, calcifications annulaires, ...). Selon les recommandations, une approche chirurgicale de la régurgitation mitrale (RM) est recommandée chez les patients qui doivent subir un pontage ou une autre chirurgie cardiaque (classe I, niveau B).1 Pour la chirurgie valvulaire mitrale isolée dans le cadre d'une régurgitation mitrale secondaire, les indications sont très restrictives, compte tenu du risque périprocédural élevé et de l'absence de bénéfice démontré.1 Cependant, l'orateur mentionne à juste titre que la présence concomitante d'une régurgitation tricuspide (RT) affecte défavorablement le pronostic après réparation mitrale bord à bord percutanée (M-TEER).2,3 Il a ensuite été suggéré que la chirurgie offre l'avantage de pouvoir traiter les deux valves simultanément, alors qu'au niveau percutané, la prise en charge de la RT en est encore à ses débuts. En effet, la réalisation d'une annuloplastie tricuspide au cours de la chirurgie valvulaire mitrale chez les patients présentant une RT légère à modérée semble être plus bénéfique que la chirurgie valvulaire mitrale isolée à deux ans, mais au prix d'un plus grand nombre d'implantations de stimulateurs cardiaques.4 En outre, la régurgitation mitrale résiduelle après l'intervention chirurgicale est importante sur le plan pronostique, le risque de cette régurgitation étant le plus faible après un remplacement de la valve mitrale (avec toutes ses conséquences, bien entendu).2 Enfin, les deux grandes études randomisées comparent la M-TEER à la chirurgie conventionnelle, alors que cette dernière évolue également de manière croissante vers des stratégies moins invasives, associées à une moindre mortalité et à des séjours hospitaliers plus courts.

Approche transcutanée dans la marge

R. Von Bardeleben (Mainz, Allemagne)

La réparation mitrale bord à bord percutanée, dérivée de l'intervention chirurgicale d'Alfieri (suture « bord à bord » des feuillets mitraux), connaît un essor croissant. Deux grands essais randomisés (les très commentés COAPT et MITRA-FR) ont montré que l'intervention est sûre et qu'elle réduit significativement la régurgitation jusqu'à trois ans après l'intervention (des résultats à plus long terme sont à venir).1 Toutefois, concernant les résultats tangibles en termes de mortalité et d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque, seul l'essai COAPT s'est révélé supérieur à l'approche conventionnelle. Ces résultats divergents sont attribués à des différences au niveau de l'approche méthodologique, de la sélection des patients, des critères échocardiographiques de régurgitation sévère, de traitement médicamenteux et d'aspects techniques. C'est pourquoi les recommandations relatives aux cardiopathies valvulaires préconisent, dans l'attente de preuves supplémentaires (classe IIa, niveau B), d'envisager la M-TEER chez les patients répondant aux critères de l'essai COAPT (figure 1).1 Depuis la publication de ces deux études, de nouvelles générations de clips ont été conçues, qui permettent une approche plus personnalisée en fonction de l'anatomie du patient, avec un risque de complications réduit et moins de RM résiduelle.5,6 L'orateur a également souligné l'importance de la RT, faisant observer que la sévérité de la régurgitation est réduite chez 35 % des patients après une M-TEER.3 Lorsqu'aucune réduction de la RT n'est observée 30 jours après l'intervention, cette situation semble être associée à un moins bon résultat à long terme.3 La RT sévère est considérée ici comme un phénomène secondaire, dû à l'augmentation des pressions du côté gauche à la suite d'une atteinte de la valve mitrale. Il est ensuite suggéré qu'une intervention précoce et une interruption du processus de remodelage peuvent être bénéfiques. La RM secondaire progressive est un marqueur de mauvais pronostic chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque chronique ; déterminer le moment où elle contribuera effectivement, sous l'effet de la surcharge volumique, à la progression de la maladie (plutôt que d'en être une conséquence), demeure un défi.7 Compte tenu de l'augmentation rapide du nombre d'implantations dans le monde, il est important de bien comprendre les complications. Celles-ci sont illustrées à la figure 3 et sont le plus souvent le résultat de la ponction transseptale ou de l'accès vasculaire (jusqu'à 24 French Catheter).3 La présentation s'est achevée par un regard projeté vers l'avenir : outre la M-TEER, d'autres interventions percutanées, notamment le remplacement valvulaire, attendent également avec impatience de faire leur entrée dans la pratique clinique.

Approche transcutanée au-delà de la marge

F. Praz (Berne, Suisse)

Un nombre croissant de cas sont signalés pour lesquels une approche percutanée est sélectionnée pour des patients ne répondant pas aux critères COAPT. Selon les recommandations, la M-TEER peut être envisagé dans les cas suivants : 1) RM primaire chez les patients présentant un risque opératoire (trop) élevé (classe IIb, niveau B) et 2) la RM secondaire chez les patients qui ne répondent pas aux critères COAPT, et ce uniquement après évaluation pour un dispositif d'assistance ou une transplantation cardiaque et à des fins symptomatiques uniquement (classe IIb, niveau C). Plusieurs registres prospectifs et les études randomisées montrent que la M-TEER obtient de bons résultats globaux sur le plan fonctionnel, notamment dans des domaines tels que le test de marche de 6 minutes, le remodelage ventriculaire et les symptômes.8 Il s'agit donc d'une option permettant d'améliorer la qualité de vie lorsque la chirurgie n'est plus envisageable et que le patient bénéficie déjà d'un traitement maximal (médicaments, dispositifs). De plus, les preuves actuelles ont été principalement élaborées autour de la RM secondaire dans le contexte d'une insuffisance ventriculaire gauche. Les modifications géométriques de l'oreillette gauche sont également reconnues comme une cause de RM secondaire et, ici aussi, les premières données probantes suggèrent que l'efficacité de la M-TEER est préservée (voire améliorée) dans ce groupe de patients dont la fraction d'éjection ventriculaire gauche est préservée.9,10 Enfin, les hauts taux de mortalité des personnes sur la liste d'attente de transplantation a été projectée, le registre international MitraBridge révélant que moyennant une sélection appropriée des patients, la M-TEER permet de réduire la classe NYHA de 1 point dans 89 % des procédures, 27 patients (23,5 %) étant retirés de la liste en raison d'une amélioration clinique.11 Ces résultats laissent présager que l'approche percutanée est amenée à jouer un rôle de plus en plus important au cours des prochaines années ainsi que dans les recommandations futures.

Références

  1. Vahanian, A., Beyersdorf, F., Praz, F., Milojevic, M., Baldus, S., Bauersachs, J. et al. 2021 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease: Developed by the Task Force for the management of valvular heart disease of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio- Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J Oxford Academic, 2022, 43, 561-632.
  2. Sorajja, P., Vemulapalli, S., Feldman, T., Mack, M., Holmes, D.R., Stebbins, A. et al. Outcomes With Transcatheter Mitral Valve Repair in the United States An STS/ACC TVT Registry Report. J Am Coll Cardiol, 2017, 70 (90), 2315-2327.
  3. Geyer, M., Keller, K., Bachmann, K., Born, S., Tamm, A.R., Ruf, T.F. et al. Concomitant tricuspid regurgitation severity and its secondary reduction determine long-term prognosis after transcatheter mitral valve edge-to-edge repair. Clin Res Cardiol, 2021, 110 (5), 676-688.
  4. Gammie, J.S., Chu, M.W.A., Falk, V., Overbey, J.R., Moskowitz, A.J., Gillinov, M. et al. Concomitant Tricuspid Repair in Patients with Degenerative Mitral Regurgitation. N Engl J Med, 2022, 386 (4), 327-339.
  5. The MitraClip® EXPAND Study of the Next Generation of MitraClip® Devices - Full Text View - ClinicalTrials.gov. Clinicaltrials. gov. 2022 [consulté le 12 mars 2022]. https://clinicaltrials.gov/ct2/show/ NCT03502811
  6. Schnitzler, K., Hell, M., Geyer, M., Kreidel, F., Münzel, T., Bardeleben, R.S. von. Complications Following MitraClip Implantation. Curr Cardiol Rep, 2021, 23 (9), 131.
  7. Coats, A.J.S., Anker, S.D., Baumbach, A., Alfieri, O., von Bardeleben, R.S., Bauersachs, J. et al. The management of secondary mitral regurgitation in patients with heart failure: a joint position statement from the Heart Failure Association (HFA), European Association of Cardiovascular Imaging (EACVI), European Heart Rhythm Association (EHRA), and European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions (EAPCI) of the ESC. Eur Heart J, 2021, 42 (13), 1254-1269.
  8. Ailawadi, G., Lim, D.S., Mack, M.J., Trento, A., Kar, S., Grayburn, P.A. et al. One-Year Outcomes after MitraClip for Functional Mitral Regurgitation. Circulation, 2019, 139 (1), 37-47.
  9. Claeys, M.J., Debonnaire, P., Bracke, V., Bilotta, G., Shkarpa, N., Vanderheyden, M. et al. Clinical and Hemodynamic Effects of Percutaneous Edge-to-Edge Mitral Valve Repair in Atrial Versus Ventricular Functional Mitral Regurgitation. Am J Cardiol, 2021, 161, 70-75.
  10. Popolo Rubbio, A., Testa, L., Grasso, C., Sisinni, A., Tusa, M., Agricola, E. et al. Transcatheter edge-to-edge mitral valve repair in atrial functional mitral regurgitation: insights from the multi-center MITRA-TUNE registry. Int J Cardiol, 2022, 349, 39-45.
  11. Godino, C., Munafò, A., Scotti, A., Estévez- Loureiro, R., Portolés Hernández, A., Arzamendi, D. et al. MitraClip in secondary mitral regurgitation as a bridge to heart transplantation: 1-year outcomes from the International MitraBridge Registry. J Heart Lung Transplant, 2020, 39, 1353-1362.

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