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L'implémentation des inhibiteurs du SGLT2 en cas d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite
  • Simon Vanhentenrijk , Frederik Verbrugge 

Compte rendu du podcast - Nouveau remboursement dans le traitement de la HFrEF

Il est évident que la prévalence de l'insuffisance cardiaque symptomatique ne cesse d'augmenter dans le monde entier. Rien qu'en Belgique, on estime que 15 000 nouveaux cas d'insuffisance cardiaque sont diagnostiqués chaque année. Le Groupe de travail belge sur l'Insuffisance cardiaque (BWGHF) estime qu'il est probable que, d'ici 2025, les décès liés à l'insuffisance cardiaque deviendront la principale cause de décès dans le groupe des maladies cardiovasculaires. Heureusement, il existe de plus en plus d'options thérapeutiques pour ces patients, grâce à de nouvelles classes de médicaments prometteurs. Actuellement, l'attention se focalise sur la nouvelle classe des inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Le mécanisme d'action physiopathologique des inhibiteurs du SGLT2 est extrêmement diversifié, et il joue sur plusieurs fronts: rénal, métabolique et cardiovasculaire. Dans le tubule rénal proximal, ces produits vont favoriser la glycosurie et la natriurèse par blocage sélectif du cotransporteur, principalement chez les patients présentant une surcharge volumique (« diurétiques intelligents »). En outre, ils génèrent une vasoconstriction de l'artériole afférente, entraînant une diminution de la pression intraglomérulaire (« effet rénoprotecteur »). Sur le plan métabolique, ils vont augmenter la cétogenèse hépatique, ce qui se traduit par un apport accru de corps cétoniques et une réduction du stress oxydatif myocardique (et des troubles du rythme mortels) (« fournisseur d'énergie efficace »).1, 2

Les nouvelles recommandations européennes sur l'insuffisance cardiaque

Un des temps forts du congrès de la Société européenne de Cardiologie (ESC) de l'année dernière a été la présentation des nouvelles recommandations pour l'insuffisance cardiaque.3 Celles-ci ont présenté un algorithme de traitement simplifié pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite symptomatique (HFrEF), basé sur l'utilisation de 4 classes de médicaments de première ligne : bêtabloquants, inhibiteurs de l'ECA/inhibiteurs des récepteurs de l'angiotensine et de la néprilysine, antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM) et inhibiteurs du SGLT2. La nouveauté dans ces recommandations sur l'insuffisance cardiaque réside dans le fait que les 4 « piliers médicamenteux » sont recommandés « en parallèle », car ces classes de médicaments agissent sur des mécanismes physiopathologiques complémentaires. De ce fait, ils entraînent un effet cumulatif sur les critères d'évaluation concrets, comme les décès et les réadmissions pour insuffisance cardiaque, comparativement au traitement conventionnel de l'insuffisance cardiaque.4 Malgré le fait que ces 4 piliers soient mis sur un même plan, par opposition à l'approche séquentielle qui était toujours proposée dans les anciennes recommandations, le cardiologue et le spécialiste de l'insuffisance cardiaque ont toujours un rôle important à jouer pour que tous les médicaments recommandés soient effectivement prescrits. Les ARM et les inhibiteurs du SGLT2 peuvent aider à traiter la surcharge volumique chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë, et ils peuvent donc souvent être commencés tôt à leur dose cible. L'instauration des inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) et des bêtabloquants dépend davantage du profil hémodynamique du patient, et elle nécessite souvent une titration de la dose jusqu'à la dose maximale tolérable, dans les semaines qui suivent la sortie de l'hôpital.

Cependant, jusqu'à présent, les critères de remboursement imposés par les autorités constituaient un obstacle majeur à l'instauration des inhibiteurs du SGLT2 (et dans une moindre mesure également des inhibiteurs du récepteur de l'angiotensine et de la néprilysine). Ainsi, jusqu'il y a peu, les inhibiteurs du SGLT2, initialement développés pour les diabétiques, n'étaient remboursés qu'à cette population de patients. Entre-temps, dans les grandes études de phase III ayant évalué les inhibiteurs du SGLT2 chez des patients souffrant d'HFrEF symptomatique (études DAPA-HF et EMPEROR-Reduced), il est clairement apparu que le bénéfice des inhibiteurs du SGLT2 ne concernait pas que les diabétiques, et qu'il était principalement dû à la protection cardiovasculaire et rénale.5, 6

Les preuves scientifiques à propos des inhibiteurs du SGLT2

Dans plusieurs grandes études randomisées ayant inclus des milliers de patients, les inhibiteurs du SGLT2 ont effectivement démontré qu'ils réduisent de manière constante les décès cardiovasculaires de 25-30 %, qu'ils diminuent les réadmissions pour insuffisance cardiaque de 30-35 %, et que cela va de pair avec une diminution significative de la mortalité globale. En outre, on observe également des effets positifs au niveau des critères d'évaluation plus « doux », tels qu'une amélioration de la capacité fonctionnelle et de la symptomatologie de l'insuffisance cardiaque, mesurée par le Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ), dès les premières semaines de traitement.5, 6 Après l'instauration d'un inhibiteur du SGLT2, les patients perdent souvent 1 à 2 kg, et ils auront une natriurèse plus efficace en cas de surcharge volumique.5, 6 Ces puissants signaux ont valu à la dapagliflozine et à l'empagliflozine leur place dans les nouvelles recommandations pour l'insuffisance cardiaque.

Critères de remboursement pour l'utilisation de dapagliflozine

Depuis le 1er février 2022, la dapagliflozine est le premier inhibiteur du SGLT2 remboursé chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque symptomatique (classe NYHA II-IV) avec une fraction d'éjection inférieure ou égale à 40 %. Il est important de noter qu'aucune limite n'est imposée en ce qui concerne le degré d'insuffisance rénale. En effet, dans les grandes études randomisées, le plus grand effet sur la réduction du risque cardiovasculaire et l'effet rénoprotecteur maximal s'observent à un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) de 30-60 ml/min/1,73 m². Chez les patients présentant une insuffisance rénale préterminale (DFGe < 20 ml/min/1,73 m²), les données sont très limitées et, compte tenu du mécanisme d'action des inhibiteurs du SGLT2, on peut s'attendre à ce que le bénéfice soit moindre.

Comme les inhibiteurs du SGLT2 stimulent également la cétogenèse et qu'ils peuvent donc favoriser l'évolution vers une acidocétose diabétique, leur utilisation est relativement contre-indiquée chez les diabétiques de type 1. Toutefois, cet effet indésirable est rare en cas de diabète de type 2, et ces produits peuvent donc être utilisés en toute sécurité chez ces patients.

Utilisation des inhibiteurs du SGLT2 en pratique clinique

Les critères de remboursement plus larges permettent d'implémenter la dapagliflozine dans différentes populations de patients. Ainsi, compte tenu des critères d'exclusion, il est justifié d'initier un inhibiteur du SGLT2 chez tous les patients souffrant d'HFrEF, qu'ils soient vus en pratique ambulatoire ou qu'ils aient été récemment hospitalisés. Qui plus est, des études pharmaco-économiques montrent qu'une telle approche permet même de réaliser des économies, car le bénéfice clinique (prévention de complications onéreuses) dépasse le coût du médicament. La dapagliflozine doit donc être initiée chez tous les patients souffrant d'HFrEF chronique, avec ou sans néphropathie concomitante. De plus, les patients hospitalisés pour décompensation aiguë de leur insuffisance cardiaque tirent également des bénéfices d'une instauration rapide d'un inhibiteur du SGLT2. Ces molécules ne doivent donc plus être réservées aux seuls diabétiques, bien qu'elles gardent évidemment toute leur utilité chez ces patients, compte tenu de leurs propriétés métaboliques. Une large implémentation de ces nouveaux médicaments implique donc à la fois des bénéfices spécifiques pour les patients et des économies pour le système des soins de santé.

Si vous souhaitez écouter le podcast complet en français (10 min), cliquez ici ou scannez le code SQR ici :

Références

  1. Verbrugge, F.H., Martens, P., Mullens, W. SGLT-2 Inhibitors in Heart Failure: Implications for the Kidneys. Curr Heart Fail Rep, 2017, 14 (4), 331-337.
  2. Verbrugge, F.H. Role of SGLT2 Inhibitors in Patients with Diabetes Mellitus and Heart Failure. Curr Heart Fail Rep, 2017, 14 (4), 275-283.
  3. McDonagh, T.A., Metra, M., Adamo, M., Gardner, R.S., Baumbach, A., Böhm, M. et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J, 2021, 42 (36), 3599-3726.
  4. Vaduganathan, M., Claggett, B.L., Jhund, P.S., Cunningham, J.W., Pedro Ferreira, J., Zannad, F. et al. Estimating lifetime benefits of comprehensive disease-modifying pharmacological therapies in patients with heart failure with reduced ejection fraction: a comparative analysis of three randomised controlled trials. The Lancet, 2020, 396 (10244), 121-128.
  5. Packer, M., Anker, S.D., Butler, J., Filippatos, G., Pocock, S.J., Carson, P. et al. Cardiovascular and Renal Outcomes with Empagliflozin in Heart Failure. N Engl J Med, 2020, 383 (15), 1413-1424.
  6. McMurray, J.J.V., Solomon, S.D., Inzucchi, S.E., K&‌oslash;ber, L., Kosiborod, M.N., Martinez, F.A. et al. Dapagliflozin in Patients with Heart Failure and Reduced Ejection Fraction. N Engl J Med, 2019, 381 (21), 1995-2008.

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