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Challenge of hypertension management in 2022
  • Paula Vilcan 

Compte rendu du congrès de l'ESC

Durant le congrès 2022 de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) a été proposé le symposium intitulé « Challenge of hypertension management in 2022 » modéré par Reinhold Kreutz (Allemagne) et Guiseppe Mancia (Italie). Les intervenants étaient Roberto Ferrari (Italie), Neil Poulter (Royaume-Uni) et Reinhold Kreutz (Allemagne).

Les IEC sont-ils encore la pierre angulaire pour la protection cardiovasculaire ?

Roberto Ferrari - Ferrara, Italie

Les agents bloquants le système rénineangiotensine- aldostérone sont les antihypertenseurs préférés, mais est-ce que les IEC ont un avantage envers le reste ?

Roberto Ferrari commence son exposé en rappelant que malgré le fait que les IEC et les sartans inhibent tous les deux le SRAA, il existe des différences entre ces deux classes de médicaments en ce qui concerne le mécanisme d'action et le risque cardiovasculaire, différences pas toujours reconnues par les guidelines.

Des essais cliniques randomisés (KYOTO HEART, ROADMAP, NAVIGATOR, VALUE, ONTARGET) n'ont démontré aucune réduction des évènements CV avec les sartans, mais par contre il a été démontré que certains IEC réduisent les évènements cardiovasculaires.

Plusieurs méta-analyses (EUROPA, QUIET, HOPE, PEACE) ont permis d'observer une réduction des évènements CV avec le périndopril (EUROPA) chez le patient à moindre risque CV, ainsi qu'avec le ramipril (HOPE) chez le patient à haut risque CV. Par contre il a été observé une absence d'amélioration des évènements CV avec le quinapril (QUIET) et le trandolapril (PEACE), et ceci malgré une diminution similaire des valeurs tensionnelles avec les quatre IEC. On peut donc tirer la conclusion qu'il y a d'autres mécanismes impliqués dans la réduction des évènements CV que la simple diminution des valeurs tensionnelles.

Les cellules endothéliales meurent (apoptose) et se régénèrent (à partir de la moëlle osseuse) tous les trois mois. Quand il y a un décalage (mismatch) entre l'apoptose et la régénération, il se produit une discontinuité au niveau de l'endothélium avec l'apparition de l'athérosclérose et du syndrome coronarien aigu.

Le sous-étude PERTINENT de l'essai clinique randomisé contrôlé Europa avait montré que périndopril diminue l'apoptose au niveau de l'endothélium coronarien humain et améliore la régénération. Après incubation pendant 72 h d'endothélium humain provenant de volontaires sains ou de patients participant à l'essai Europa avant et après randomisation, il a été constaté 1 an plus tard, une majoration de l'athérosclérose dans le groupe placebo qui d'ailleurs était plus marquée chez les patients cardiaques. Par contre, chez les patients sous traitement par périndopril l'apoptose était significativement réduite.

S'agit-il d'un effet de classe ? Non. Pour arriver à cette conclusion les investigateurs ont majoré l'apoptose avec infusion de lipopolysaccharides (LPS) chez les rats, puis ils ont répété l'expérience en utilisant périndopril, ramipril et d'autres IEC. La conclusion était que périndopril réduit l'apoptose, tout comme ramipril, mais ce n'était pas le cas pour les autres IEC comme quinapril, trandolapril et énalapril.

Le périndopril diminue l'apoptose en réduisant l'angiotensine II et TNF-alpha (des agents pro-apoptose) et en majorant la bradykinine (agent anti-apoptose très puissant). Le périndopril est l'IEC qui présente l'effet le plus fort sur la bradykinine.

Concernant la régénération de l'endothélium, la moëlle osseuse produit des cellules progénitrices de l'endothélium (EPC) qui peuvent être mesurés dans le plasma. L'étude PERTINENT a mesuré ces cellules EPC chez des patients avec une angine de poitrine qui ont reçu du périndopril pendant 3 et 6 mois. Il a été constaté chez eu une majoration nette de la régénération de l'endothélium.

Le périndopril réduit l'apoptose, améliore la régénération de l'endothélium, maintient sa continuité et prévient le syndrome coronarien aigu.

Roberto Ferrari a exposé ensuite pourquoi les sartans n'ont pas le même effet que certains IEC. Les sartans ont un effet réduit, voire aucun effet, sur l'angiotensine II ou la bradykinine. Pire que ça, ils entraînent un échange inopportun entre les récepteurs AT1 et AT2.

Les sartans réduisent les valeurs tensionnelles, mais détériorent l'équilibre « life-death » de l'endothélium. Les sartans bloquent le récepteur AT1, ainsi toute l'angiotensine circulante peut se fixer sur le récepteur AT2, résultant en une vasodilatation et une diminution des valeurs tensionnelles. Mais en même temps cela a un effet pro-apoptose et antiprolifération altérant le cycle life-death de l'endothélium. Ces effets ont été mis en évidence chez les patients avec infarctus de myocarde en comparant le périndopril avec le valsartan. Ils ont mesuré le taux d'apoptose en utilisant la technique mentionnée auparavant, taux qui était massivement majoré au moment de l'arrivée des patients à l'hôpital. Le taux d'apoptose s'est réduit avec le périndopril, mais pas avec le valsartan (figure 1).

Conclusion

Les IEC et les sartans inhibent le SRAA et diminuent les valeurs tensionnelles. Comme des essais cliniques randomisés l'ont démontré, certains IEC présentent une protection supérieure pour les artères coronaires. Le périndopril améliore le cycle life-death (régénération-apoptose) de l'endothélium et selon Roberto Ferrari, l'idéal serait de le combiner avec un antagoniste calcique, un diurétique et/ ou une statine pour l'effet synergique. La prescription de sartans dans l'HTA diminue bien les valeurs tensionnelles, mais prive les patients des bénéfices des IEC au niveau des artères coronaires. Les guidelines devraient selon lui mieux mettre en évidence les différences entre les 2 classes de médicaments plutôt que de présenter les deux comme « bloqueurs du système SRAA ». Recommander un IEC, ou un sartan si l'IEC n'est pas bien toléré n'est pas suffisant ; cette intolérance pourrait être un alibi pour ne pas utiliser les IEC.

Peut-on individualiser le traitement des patients hypertendus avec une association en un seul comprimé ?

Neil Poulter - Londres, Royaume Uni

Est-il possible d'améliorer l'adhérence au traitement antihypertenseur ? Est-ce que l'utilisation à large échelle d'associations en un seul comprimé est une stratégie efficace ?

En 2015, l'hypertension artérielle a causé 9,4 millions de décès. Les dernières données de « Global Burden of Disease » (2019) montrent une augmentation des décès liés à l'hypertension artérielles à 10,8 millions/an (soit 30 000 décès/jour). Dans toutes les régions du globe on trouve le même modèle de prise en charge de l'hypertension artérielle. Parmi tous les patients hypertendus, seuls environ 50 % sont diagnostiqués. Une petite minorité des patients diagnostiqués est traitée. Et moins de la moitié des patients traités ont un bon contrôle tensionnel, surtout si on considère comme cible la valeur de 130/80 mmHg.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce contrôle inadéquat de la pression artérielle : des médicaments inefficaces, une HTA résistante au traitement (d'après Neil Poulter, une HTA résistante n'est en cause que dans 10 % des cas), la confusion provoquée par les guidelines, le coût des médicaments, les effets indésirables des médicaments, la faible adhérence, l'inertie des médecins.

Neil Poulter ne croit pas à l'existence de médicaments inefficaces ; il s'agit plutôt d'une utilisation inadéquate des médicaments. La monothérapie est souvent une thérapie inadéquate. Malheureusement une grande partie des patients traités pour l'HTA reçoivent une monothérapie. Les récentes guidelines (ESC/ESH 2018, ISH 2020, WHO 2021) ont deux thèmes en commun : le premier est qu'on devrait débuter le traitement antihypertenseur avec 2 classes de médicaments (même à petit dosage) ; le deuxième est que l'idéal serait d'utiliser une association en un seul comprimé (« single-pill combination », ou SPC) lorsque c'est faisable.

Pourquoi utiliser une SPC ?

  • meilleure efficacité → contrôle rapide des valeurs tensionnelles ; la pleine dose d'un seul médicament est moins efficace que l'association de deux médicaments différents pris à demidose; et l'association libre de deux médicaments différents est elle-même moins efficace que les mêmes médicaments pris sous forme de SPC, du fait d'une meilleure adhérence au traitement.
  • effets indésirables réduits ;
  • meilleure adhérence ;
  • amélioration de la protection cardiovasculaire.

Concernant les associations de médicaments recommandées, les guidelines (ASH/ISH, JNC 8, ESH/ESC, ACC/AHA, NICE, ISH 2020) peuvent produire une légère confusion. La raison est que l'on manque de preuves « evidence-based » pour déterminer l'association de médicaments à utiliser en fonction du profil du patients. Malgré ce fait, peut-on prescrire une SPC en fonction du profil du patient ? Trois études démontrent les bénéfices des SPC dans des groupes spécifiques de patients du point-de-vue des évènements cardiovasculaires. L'essai clinique ADVANCE a randomisé des patients diabétiques de type 2, hypertendus ou non, vers la SPC périndopril-indapamide versus placebo. Il a été observé une diminution significative du critère d'évaluation micro- et macrovasculaire. La mortalité cardiovasculaire est réduite de 21 % grâce à la SPC comparé au placebo. L'essai clinique PROGRESS a randomisé des patients post-AVC et a évalué la survenue d'un nouvel AVC fatal ou non fatal. Le résultat était une diminution de 28 % des AVC récurrents. Dans l'étude HYVET des patients très âgés de 80 ans et plus ont été randomisés pour recevoir une association indapamide + IEC ou le placebo correspondant. Le résultat final démontre le bénéfice net de la SPC chez les personnes très âgées (figure 2).

Concernant les autres sous-groupes de patients : l'essai ACCOMPLISH (60 % des patients diabétiques) a démontré une combinaison de médicaments préférée IEC + antagoniste calcique. Les essais HOPE et EUROPA chez des patients coronariens ont montré que la préférence doit être accordée à la combinaison de médicaments IEC + bêtabloquant. L'essai LIFE chez des patients avec une hypertrophie ventriculaire gauche a démontré l'efficacité de l'association sartan + diurétique thiazidique (il s'agit de la seule étude démontrant des preuves pour les sartans, les IEC n'ayant pas été évalué chez ce profil de patients). Pour les patients d'origine Africaine, seule la diminution des valeurs tensionnelles a été étudiée, et pas l'effet sur les évènements cardiovasculaires ; les associations antagonistes calcique + IEC ou antagoniste calcique + diurétique s'avèrent supérieures pour la diminution des valeurs tensionnelles (figure 3).

Pour les patients qui n'ont pas encore atteints la cible < 130/80, les guidelines (NICE/BHS, ASH/ISH, 2017 ACC/ AHA, ESH/ESC, ISH 2020) sont uniformes concernant le besoin d'une triple thérapie A+C+D (IEC + antagoniste calcique + diurétique). La seule dissension peut être dans le choix du diurétique (diurétique thiazidique ou thiazide-like).

Conclusion : Peut-on individualiser le traitement de l'HTA avec une SPC ? Oui, on peut !

Quelle devrait être la quadrithérapie optimale dans la pratique clinique ?

Reinhold Kreutz - Berlin, Allemagne

L'HTA résistante est définie comme une HTA nécessitant l'utilisation d'au moins quatre médicaments. L'HTA résistante représente au niveau global 10 à 20 % des cas d'hypertension.

Dans une très récente analyse de cohorte en sous-groupes de l'essai clinique ACCORD, réalisé chez des patients diabétiques de type 2, la fréquence de l'HTA résistante est de 26 %, et est associée à une augmentation de 65 % du risque de survenue du critère d'évaluation primaire (IM non fatal, AVC non fatal et mortalité cardiovasculaire).

Il faut noter que dans la pratique clinique l'hypertension artérielle apparemment résistante est souvent pseudo-résistante. Cela signifie que si les patients sont réellement traités avec une trithérapie appropriée, la pression artérielle peut être contrôlée. Plusieurs études ont démontré ceci, y compris des études de dénervation rénale dans la période de screening. Dans un essai clinique très récent sur l'HTA résistante PRECISION trial (ajout d'un médicament ciblant les récepteurs d'endothéline), il a été constaté que 44 % des patients avec une HTA d'apparence résistante présentaient en fait une HTA pseudo-résistante pouvant être traité avec une triple thérapie appropriée.

Un autre étude récente de « real world evidence », conduite par Giuseppe Mancia (Italie) et dénommée « Percentage of people using antihypertensive monotherapy versus combination therapy initially and during follow-up », a mis en évidence qu'en 2018 et durant le follow-up (même après la sortie des recommandations ESH/ESC pour l'HTA en 2018, en faveur de l'utilisation de la thérapie combinée double dès l'initiation de traitement), 2/3 des patients commençaient et continuaient le traitement avec une monothérapie malgré le fait que la majorité des patients avaient besoin d'au minimum 2 médicaments.

L'étude « real-world evidence » CliCon réalisée en Italie (18 000 patients) a utilisé les médicaments périndopril, amlodipine et indapamide soit en association libre soit en SPC. Après 1 an, l'adhérence est significativement meilleure avec la SPC (plus de 80 % des patients), avec un impact positif sur le pronostic, la diminution des décès et événements CV et la diminution des coûts pour le système de santé.

Les guidelines ESH/ESC recommandent la spironolactone comme quatrième médicament préféré dans l'HTA résistante, en s'appuyant sur l'étude PATHWAY-2.

L'étude PATHWAY-2 (230 patients), une étude relativement petite, mais très importante a montré un effet supérieur de la spironolactone pour la diminution des valeurs tensionnelles versus placebo, alphabloquant (doxazosine) ou bêtabloquant (bisoprolol). 60 % des patients ont obtenu des valeurs tensionnelles bien contrôlées, tandis que 40 % ont eu besoin d'un traitement additionnel ou d'un traitement alternatif. La spironolactone doit être utilisée avec précaution chez les patients ayant une FGe < 45 ml/min ou un taux de potassium égal ou supérieur à 4,5 mmol/l, aussi ces patients ont été exclus de l'étude PATHWAY-2.

La spironolactone est contre-indiqué en cas de maladie rénale avancée (stade 4 et 5, FGe < 30 ml/min). Ainsi, des patients qu'on voit souvent dans la pratique courante ont été exclus de l'étude PATHWAY-2, y compris des patients avec fibrillation auriculaire. De plus, il y a plusieurs comorbidités cardiaques et non-cardiaques pour lesquelles les bêtabloquants peuvent être utilisés à n'importe quelle étape du traitement pour des indications spécifiques (insuffisance cardiaque, angine de poitrine, post-infarctus de myocarde, fibrillation auriculaire, etc.).

Une autre étude « real world evidence » réalisée au Royaume-Uni (8 639 patients) a permis de comparer l'utilisation de la spironolactone comme quatrième ligne de traitement versus bêtabloquants et alphabloquants. La diminution des valeurs tensionnelles est initialement supérieure avec la spironolactone par rapport aux bêtabloquants, mais à long terme cette différence devient négligeable. Du point de vue des évènements (IM, AVC et mortalité), on ne constate pas de bénéfice pour la spironolactone par rapport aux bêtabloquants et aux alphabloquants.

Dans la vie réelle, l'utilisation des bêtabloquants est onze fois plus élevée que celle des antagonistes de l'aldostérone. Ceci reflète qu'il y a beaucoup de conditions (cardiaques, cardiovasculaires, etc.) favorables à l'usage de bêtabloquants.

Il est important de noter que les études qui ont montré des désavantages associés aux bêtabloquants ont été réalisées avec l'aténolol. L'usage d'un bêtabloquant sélectif, comme le bisoprolol a un effet favorable si on le compare avec l'aténolol (diminution des valeurs tensionnelles, neutralité du bisoprolol au niveau de la résistance des voies respiratoires chez les patients asthmatiques grâce à sa sélectivité, etc.) (figure 4).

Conclusion

L'usage approprié des médicaments antihypertenseurs en association, et particulièrement en association en un seul comprimé (SPC) est encore bas dans la pratique clinique, malgré la recommandation des guidelines. 10 à 20 % des patients hypertendus nécessitent l'association de 4 médicaments afin d'atteindre l'objectif tensionnel. Même si un antagoniste de l'aldostérone (spironolactone) est très efficace pour diminuer la PA chez les patients avec une HTA résistante, les études à long terme ont montré l'absence d'effet bénéfique sur les évènements cardiovasculaires.

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