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Prise en charge des arythmies ventriculaires
  • Laura Peter 

Compte rendu du congrès du BeHRA

Ces 20 et 21 octobre 2022, une session de la Belgian Heart Rhythm Association a été consacrée à la prise en charge des arythmies ventriculaires. L'exposé a débuté par une stratification clinique et génétique du risque, présentée par Arthur Wilde. Eloi Marijon a ensuite décrit le rôle de la LifeVest dans la prise en charge des patients à haut risque de mort subite, non porteurs de défibrillateur. Frédéric Sacher a finalement discuté des ablations de tachycardie ventriculaire.

Stratification du risque de mort subite, en ce compris la composante génétique

Il existe 3 grandes catégories à risque de mort subite, qui sont les cardiopathies rythmiques, les cardiomyopathies et les cardiopathies ischémiques. L'impact de la génétique est décroissant de la première à la dernière, alors que l'impact environnemental est, quant à lui, croissant.

Arythmies cardiaques héréditaires

Le substrat arythmogène peut être de nature électrique ou structurelle. L'importance du génotype se marque tant au niveau diagnostique et pronostique qu'au niveau thérapeutique, ce qui a déjà été décrit en 2011 dans le consensus de l'HRS/EHRA1 mais également dans celui de l'EHRA/HRS/APHRS/LAHRS de 20222, qui ont tous deux repris les différents types de cardiopathies héréditaires, ainsi que les raisons pouvant conduire à un diagnostic génétique.

Syndrome du QT long congénital

Les facteurs de risque de torsades de pointes dans le syndrome du QT long congénital sont les antécédents personnels de mort subite, de syncope, de torsades de pointes, la présence d'une surdité congénitale (syndrome de Jervell et Lange-Nielsen), ainsi que le sexe féminin. Certains signes électrocardiographiques sont également à plus haut risque. Nous retenons la présence de T-wave alternans, la longueur du QT (en particulier si QT > ou = 500 ms) et sa dispersion, la présence de bradycardie ou de bloc de conduction. Sur le plan génotypique, certaines mutations sont également à plus haut risque. Mazzanti et al. ont proposé une stratification de risque basée sur la durée de l'intervalle QTc et le génotype.3

Syndrome de Brugada

Les patients à haut risque sont ceux ayant présenté un épisode de mort subite extrahospitalière, des épisodes de tachycardie ventriculaire polymorphique non soutenue ou de syncope. Quant aux asymptomatiques (type I spontané ou induit), la stratification du risque est plus délicate. Ceux à haut risque sont ceux qui présentent un variant génotypique SCN5a et les Brugada de type I spontané (risque de mort subite de 1 à 1,5 %/an, contre < 0,5 %/an pour les Brugada de type I induit par médication). La présence d'une fragmentation du QRS, l'inductibilité en EEP ainsi que la présence de marqueurs électrocardiographiques semblent quant à elles moins bien corrélées au risque.4

Tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique

Dans cette pathologie autosomale dominante associée à 6 gènes, les symptômes surviennent typiquement lors d'efforts ou d'émotions vives chez un patient parfois jeune, avec un ECG de repos normal. Les patients à plus haut risque sur le plan phénotypique sont ceux qui ont présenté un antécédent d'arrêt cardiaque, ceux chez qui nous objectivons des arythmies complexes à l'effort, les patients jeunes, les patients non bêtabloqués et ceux qui présentent un retard mental. Sur le plan génotypique, nous retenons comme facteurs de risque les mutations TECRL et CASQ2.

Cardiomyopathies arythmogènes

Les cardiopathies arythmogènes ont été décrites lors du consensus de l'HRS de 2019.5 La recherche génétique est orientée selon la composante de dysfonction ventriculaire (gauche, droite ou biventriculaire). L'importance du génotype a été démontrée, avec certaines mutations associées à un plus haut risque (phospholambane, lamin A/C, FLNC). Sur le plan phénotypique, nous retenons comme facteurs de risque majeurs la survenue de tachycardie ventriculaire non soutenue, l'inductibilité à l'étude électrophysiologique, une altération de la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FECG < ou = 49 %), et comme facteurs de risque mineurs, le sexe masculin, la survenue de > 1 000/24 h PVC's au holter, la présence d'une dysfonction ventriculaire droite, un statut proband et la présence de variants des gènes liés aux desmosomes.

Cardiopathies hypertrophiques

L'utilisation de scores de risque polygéniques dans les cardiopathies hypertrophiques, impliquant plusieurs facteurs génétiques apportant chacun un risque modéré, cumulatif, a montré une réduction des événements cliniques. Il est toutefois encore trop tôt pour implémenter ces scores de risque polygéniques dans la pratique clinique.

Prise en charge des patients à haut risque de mort subite, non porteurs de défibrillateurs. Rôle du défibrillateur cardiaque portable (LifeVest)

L'incidence de mort subite est plus élevée en cas de maladie coronarienne aiguë (étude VALIANT6) qu'en cas de maladie coronarienne chronique (étude MADIT II7). Les études ont démontré une réduction des événements de mort subite chez les patients implantés d'un défibrillateur dans le contexte aigu (0,4 % par mois vs 2-3 % par mois), sans toutefois avoir objectivé de réduction de la mortalité globale (DINAMIT8 et IRIS9). MERIT-HF, COPERNICUS et CIBIS-II ont par ailleurs montré que le bénéfice des bêtabloquants se voit après 8-12 semaines de traitement.

Rappelons que l'on préconise, avant l'implantation d'un défibrillateur, un délai de 40 jours après un infarctus du myocarde et de 3 mois après une angioplastie. Les patients qui présentent un très haut risque de mort subite en phase aiguë ne sont donc actuellement pas protégés. Chez ces patients, nous devons penser au défibrillateur cardiaque portable (LifeVest), afin de laisser le temps au traitement pharmacologique de faire effet.

Cette technologie présente un effet bénéfique direct lié aux chocs appropriés, mais également un effet bénéfique indirect lié au monitoring continu à distance et à l'éducation du patient.10

Tout ce qu'un cardiologue doit connaître sur les ablations de tachycardie ventriculaire

L'ablation de tachycardie ventriculaire diminue les récidives de tachycardie ventriculaire et l'administration de chocs appropriés et d'hospitalisation cardiovasculaire, par rapport à un traitement anti-arythmique11,12,13,14, sans diminution de la mortalité globale (sauf dans l'étude PARTITA).

Il est important d'anticiper les ablations de tachycardie ventriculaire chez les patients présentant des épisodes répétés de tachycardie ventriculaire, a fortiori en cas de choc approprié, afin d'éviter les orages rythmiques associés à un haut risque de complication. Une ablation pourrait typiquement être proposée après 3 ATP ou 1 choc approprié.

Avant l'ablation, il est indispensable d'évaluer le risque pré-procédural. Une évaluation du statut coronarien est indiquée, tout comme l'exclusion d'un thrombus, la stabilisation d'une insuffisance cardiaque éventuelle ou la programmation d'un support hémodynamique en cas d'instabilité. Il convient par ailleurs de fournir si possible un tracé 12 dérivations en arythmie et d'identifier le substrat arythmogène et la présence de cicatrices via des techniques d'imagerie (CT-RMN), afin de permettre une programmation de la technique d'ablation.

Durant l'ablation, il convient de préciser la stratégie et le substrat arythmogène, d'identifier les structures à risque (coronaires, phrénique). Une stratégie de mapping durant un épisode de tachycardie ventriculaire est idéale, mais certains patients ne sont pas inductibles (15 %), d'autres ne permettent pas de mapping, et certains ont plusieurs morphologies de tachycardie ventriculaire.

Après l'ablation, il est indiqué de programmer le défibrillateur et de détecter des complications éventuelles (insuffisance cardiaque, tamponnade, saignement, dysfonction du défibrillateur, éventuelle anticoagulation en cas d'ablation endocardique étendue).

Références

  1. Ackerman, M.J., Priori, S.G., Willems, S., Berul, C., Brugada, R., Calkins, H. et al. HRS/EHRA expert consensus statement on the state of genetic testing for the channelopathies and cardiomyopathies this document was developed as a partnership between the Heart Rhythm Society (HRS) and the European Heart Rhythm Association (EHRA). Heart Rhythm, 2011, 8 (8), 1308-1339.
  2. Wilde, A.A.M., Semsarian, C., Márquez, M.F., Shamloo, A.S., Ackerman, M.J., Ashley, E.A. et al. Developed in partnership with and endorsed by the European Heart Rhythm Association (EHRA), a branch of the European Society of Cardiology (ESC), the Heart Rhythm Society (HRS), the Asia Pacific Heart Rhythm Society (APHRS), and the Latin American Heart Rhythm Society (LAHRS).. European Heart Rhythm Association (EHRA)/Heart Rhythm Society (HRS)/Asia Pacific Heart Rhythm Society (APHRS)/Latin American Heart Rhythm Society (LAHRS) Expert Consensus Statement on the state of genetic testing for cardiac diseases. Europace, 2022, 24 (8), 1307-1367.
  3. Mazzanti, A., Maragna, R., Vacanti, G., Monteforte, N., Bloise, R., Marino, M. et al. Interplay Between Genetic Substrate, QTc Duration, and Arrhythmia Risk in Patients With Long QT Syndrome. J Am Coll Cardiol, 2018, 71 (15), 1663-1671.
  4. Adler, A., Rosso, R., Chorin, E., Havakuk, O., Antzelevitch, C., Viskin S. Risk stratification in Brugada syndrome: Clinical characteristics, electrocardiographic parameters, and auxiliary testing. Heart Rhythm, 2016, 13 (1), 299-310.
  5. Towbin, J.A., McKenna, W.J., Abrams, D.J., Ackerman, M.J., Calkins, H., Darrieux, F.C.C. et al. 2019 HRS expert consensus statement on evaluation, risk stratification, and management of arrhythmogenic cardiomyopathy. Heart Rhythm, 2019, 16 (11), e301-e372.
  6. Pfeffer, M.A., McMurray, J.J., Velazquez, E.J. et al. Valsartan, captopril, or both in myocardial infarction complicated by heart failure, left ventricular dysfunction, or both. N Engl J Med, 2003, 349, 1893-1906. [Erratum, N Engl J Med, 2004, 350, 203].
  7. Dhar, R., Alsheikh-Ali, A.A., Estes, N.A. 3rd, Moss, A.J., Zareba, W., Daubert, J.P. et al. Association of prolonged QRS duration with ventricular tachyarrhythmias and sudden cardiac death in the Multicenter Automatic Defibrillator Implantation Trial II (MADIT-II). Heart Rhythm, 2008, 5 (6), 807-813.
  8. Hohnloser, S.H., Kuck, K.H., Dorian, P., Roberts, R.S., Hampton, J.R., Hatala, R. et al. DINAMIT Investigators. Prophylactic use of an implantable cardioverter-defibrillator after acute myocardial infarction. N Engl J Med, 2004, 351 (24), 2481-2488.
  9. Steinbeck, G., Andresen, D., Seidl, K., Brachmann, J., Hoffmann, E., Wojciechowski, D. et al. IRIS Investigators. Defibrillator implantation early after myocardial infarction. N Engl J Med, 2009, 361 (15), 1427-1436.
  10. Zishiri, E.T., Williams, S., Cronin, E.M., Blackstone, E.H., Ellis, S.G., Roselli, E.E. et al. Early risk of mortality after coronary artery revascularization in patients with left ventricular dysfunction and potential role of the wearable cardioverter defibrillator. Circ Arrhythm Electrophysiol, 2013, 6 (1), 117-128.
  11. Ravi, V., Poudyal, A., Khanal, S., Khalil, C., Vij, A. et al. A systematic review and metaanalysis comparing radiofrequency catheter ablation with medical therapy for ventricular tachycardia in patients with ischemic and non-ischemic cardiomyopathies. J Interv Card Electrophysiol, 2022.
  12. Sapp, J.L., Wells, G.A., Parkash, R., Stevenson, W.G., Blier, L., Sarrazin, J.F. et al. Ventricular Tachycardia Ablation versus Escalation of Antiarrhythmic Drugs. N Engl J Med, 2016, 375 (2), 111-121.
  13. Arenal, Á., Ávila, P., Jiménez-Candil, J., Tercedor, L., Calvo, D., Arribas, F. et al. A. Substrate Ablation vs Antiarrhythmic Drug Therapy for Symptomatic Ventricular Tachycardia. J Am Coll Cardiol, 2022, 79 (15), 1441-1453.
  14. Della Bella, P., Baratto, F., Vergara, P., Bertocchi, P., Santamaria, M., Notarstefano, P. et al. Does Timing of Ventricular Tachycardia Ablation Affect Prognosis in Patients With an Implantable Cardioverter Defibrillator? Results From the Multicenter Randomized PARTITA Trial. Circulation, 2022, 145 (25), 1829-1838.

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