Compte rendu du congrès European Heart Rhythm Association
Lors du dernier congrès de l'EHRA, on a présenté un nouveau document de consensus au sujet des indications pour une stimulation du système de conduction (CSP), qui a simultanément été publié dans Europace.1 Dans cet article, nous donnons un aperçu des différents exposés et commentons les points principaux.
Introduction
Harran Burri - Genève, Suisse
Dans l'introduction, on a discuté des recommandations existantes concernant la CSP et de la nécessité de rédiger un nouveau document de consensus. En effet, les recommandations de 2021 au sujet de la stimulation ne décrivaient que le pacing du faisceau de His (HBP), étant donné que la stimulation de la branche gauche (LBBAP) n'était pas encore suffisamment étayée par des données probantes à l'époque. Dans ce contexte, le HBP s'est vu attribuer une recommandation de grade IIA en cas d'échec de la TRC biventriculaire et IIB pour d'autres indications de bradycardie, bien qu'avec une forte recommandation pour l'utilisation d'une sonde de backup (IIA).2
Depuis lors, la pratique a cependant considérablement évolué, et les recommandations originales sont rapidement devenues obsolètes. En 2023, la Heart Rhythm Society (HRS) a publié une mise à jour qui intégrait la CSP dans son ensemble, y compris le LBBAP. Néanmoins, dans cette recommandation, des sujets importants, tels que la LOT-CRT et la HOT-CRT, n'étaient toujours pas abordés.3 Depuis lors, on dispose d'une quantité considérable de nouvelles données et, entre-temps, la CSP a été officiellement reprise dans le programme de base actualisé de l'EHRA pour les électrophysiologistes, tant en ce qui concerne les indications que les techniques d'implantation.4 La CSP est donc déjà fermement ancrée en pratique clinique de routine.
Ces évolutions ont donné lieu à un nouveau document de consensus international élaboré en collaboration avec l'EHRA, l'ESC, l'APHRS, le CHRS, la HRS et le LAHRS - une collaboration mondiale qui inclut également des spécialistes de l'insuffisance cardiaque et des représentants de patients. Le document utilise une nouvelle iconographie avec des indications visuelles claires de la force de la recommandation : 'advice to do', 'may be appropriate to do', 'not to do' et 'areas of uncertainty'. La qualité des données sous-jacentes est également représentée visuellement. En l'absence de preuves tangibles, un consensus a été recherché parmi les experts ; les recommandations n'ont été incluses que si un consensus d'au moins 70 % avait été atteint.
Le document aborde un large spectre de sujets liés à la CSP, notamment :
- Comparaison entre le HBP et le LBBAP ;
- Le pacing en cas de bradycardie (avec ou sans diminution de la FEVG) ;
- Stratégies de pace and ablate ;
- Syndrome du sinus malade ;
- Le pacing en cas d'insuffisance cardiaque, avec notamment :
- Patients indemnes de BBG ;
- Sujets ne répondant pas à la TRC conventionnelle ;
- Upgrades chez les patients présentant une cardiomyopathie induite par la stimulation (PICM) ;
- FEVG entre 35-50 % ;
- LOT-CRT et HOT-CRT ;
- Perspectives d'avenir liées à la CSP.
La CSP plutôt que la stimulation de l'apex du VD
Kevin Vernooy - Maastricht, Pays-Bas
Les preuves disponibles sur la CSP comparativement à la stimulation apicale classique du VD ont été examinées. Bien qu'elles soient encore limitées, il existe quelques études importantes. Dans la première ECR publiée en 2014, des patients présentant un bloc AV complet et une FEVG normale ont été randomisés vers une stimulation apicale du VD ou un pacing hissien/parahissien pendant un an. L'étude a montré une diminution significative de la FEVG avec la stimulation du VD, mais pas avec la CSP.5 Dans l'étude la plus importante à ce jour, publiée en 2018, on avait comparé la stimulation du VD (N = 433) et le HBP (N = 304) chez des patients présentant une indication de bradycardie classique.6 Ici aussi, le HBP s'est avéré cliniquement supérieur. Pour le LBBAP, on ne dispose pas encore de données randomisées. Cependant, une étude de suivi de l'étude MELOS est en cours d'évaluation par les pairs. Il s'agit de MELOS RELOADED, qui compare le LBBAP à une cohorte appariée de patients présentant une FEVG > 40 % et un BAV, traités par stimulation du VD. Les premiers résultats suggèrent une mortalité plus faible et moins d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque avec le LBBAP. En outre, l'orateur a souligné une nuance importante: environ 50 % des patients subissant une procédure de LBBAP se retrouvent finalement avec une stimulation septale du ventricule gauche (LVSP) et donc pas de 'véritable' CSP. À ce jour, cependant, rien ne prouve que le LBBAP soit supérieur à la LVSP chez les patients ayant une FEVG > 40 %.7
À la fin de l'exposé, on a abordé les recommandations issues du nouveau document de consensus international concernant spécifiquement le bloc AV en tant qu'indication (figure 1). En outre, il peut être approprié de choisir la CSP plutôt que le pacing biventriculaire (BVP) comme stratégie principale, en tenant compte de l'expérience de l'implanteur, dans des groupes de patients spécifiques chez qui un dispositif plus simple est souhaité (p. ex. les patients fragiles, les patients dont l'espérance de vie est limitée ou les patients qui ont besoin d'un dispositif plus petit).

La CSP comme stratégie de resynchronisation
Christophe Leclercq - Rennes, France
Ces dernières années, la CSP a fait l'objet d'une attention croissante en tant qu'alternative au BVP, principalement en raison des limites inhérentes à cette dernière technique. Ainsi, l'implantation d'une sonde dans le sinus coronaire échoue chez 5 à 10 % des patients, et environ un tiers des patients sont non-répondeurs (bien que la non-régression soit également considérée comme une réponse par certains). Cela se produit principalement chez les patients qui n'ont pas de BBG et/ou qui ont des QRS d'une durée inférieure à 150 ms. Des problèmes techniques, tels que des seuils de stimulation élevés et la stimulation du nerf phrénique, sont également fréquents.
On dispose de preuves limitées en ce qui concerne le HBP en tant qu'alternative au BVP. Les ECR existantes présentent un pourcentage élevé de croisements, ce qui complique l'interprétation. De plus, le HBP reste un défi technique, avec encore souvent des seuils de stimulation élevés pendant le suivi, ainsi qu'une efficacité limitée en cas de troubles de conduction distaux. Dans ce contexte, le LBBAP est considéré comme une alternative prometteuse. Le LBBAP semble combler plusieurs lacunes du BVP et du HBP. Les données observationnelles montrent une amélioration similaire, voire supérieure, des paramètres cliniques et électriques comparativement au BVP. Au moment de la rédaction du document de consensus, trois petites ECR étaient disponibles. Bien que ces études aient principalement utilisé des critères intermédiaires ou de substitution, les résultats étaient en faveur du LBBAP comparativement au BVP.
De même, chez les patients qui ne répondent pas au BVP conventionnel, quelques petites séries observationnelles montrent des résultats encourageants avec le LBBAP. Toutefois, on ne dispose pas encore de données issues d'études randomisées à ce sujet. Cette compilation de notions et de données a conduit à l'élaboration d'un schéma dans le cadre du nouveau document de consensus (figure 2).

La CSP en cas d'ablation du noeud AV
Jacqueline Joza - Montréal, Canada
L'oratrice a commencé par évoquer les inconvénients d'un rythme cardiaque irrégulier, ou 'irrégularopathie'. Elle a expliqué en quoi l'activation ventriculaire irrégulière dans la FA est néfaste à plusieurs niveaux :
- Elle entraîne une mécanique cardiaque inefficace.
- Elle affecte la contractilité : les intervalles RR longs entraînent une augmentation de la contractilité, tandis que les intervalles courts provoquent une diminution.
- L'homéostasie calcique est perturbée chez les patients souffrant de FA ou en cas de pacing irrégulier.
- La perfusion coronaire est diminuée pendant la FA.
- L'activité nerveuse sympathique est accrue.
- Le degré d'insuffisance mitrale est plus important en cas de FA que de rythme sinusal.
- Enfin, il se produit un remodelage excentrique avec une diminution du débit cardiaque.
L'effet cumulatif de ces facteurs explique pourquoi, chez certains patients (jusqu'à 13 %), le rythme sinusal se rétablit spontanément (c'est-à-dire en raison de la disparition de l'irrégularopathie) après ablation du noeud AV et stimulation.
En raison de la CSP, la stratégie pace and ablate suscite un regain d'intérêt, en partie parce que la stimulation physiologique nous a rendus moins réticents à rendre les patients dépendants du pacing. Depuis 2021, plusieurs petites études observationnelles sur la CSP ont été publiées dans le contexte de l'ablation du noeud AV. La première étude randomisée, ALTERNATIVE-AF8, publiée en 2022, a montré une amélioration significativement plus forte de la FEVG avec le HBP comparativement au BVP. Pour le LBBAP, on ne dispose pas encore d'ECR dans ce domaine, mais quelques cohortes observationnelles plus importantes rapportent également des résultats favorables. La figure 3 schématise l'indication de la CSP dans ce domaine, d'après le nouveau document de consensus.

HOT-CRT et LOT-CRT
Marek Jastrzębski - Cracovie, Pologne
Enfin, on a souligné que la CSP ne donne pas toujours lieu à un complexe QRS étroit et physiologique, en particulier chez les patients présentant une atteinte sévère du système de conduction. Dans ces cas, l'ajout d'une sonde supplémentaire dans le sinus coronaire peut encore s'avérer utile. L'idée sous-jacente est de combiner le meilleur des deux mondes : l'activation proximale via la CSP, d'une part, et la possibilité d'activation latérale du VG via le BVP, d'autre part.
Ensuite, on a examiné plus en détail le moment auquel il convient d'ajouter une deuxième sonde de TRC. Cette question reste ouverte, car les preuves scientifiques sont encore très limitées. En pratique, il est en tout cas logique d'envisager une deuxième sonde lorsque le complexe QRS résultant de la CSP n'est pas physiologique. Un paramètre utile à cet égard est l'activation de la paroi latérale du VG, évaluée en particulier par le V6 R-wave peak time (V6RWPT). Si ce temps est court - inférieur à 75 ms -, il est considéré comme physiologique et l'ajout d'une sonde supplémentaire n'est généralement pas nécessaire. Cependant, chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, la CSP ne permet souvent pas d'obtenir une véritable capture du BBG. Il en résulte alors un V6RWPT plus long et l'absence d'onde R' en V1. Dans ces cas, il convient d'envisager une sonde supplémentaire dans le SC. Le tableau 1 donne un aperçu complet des paramètres qui peuvent être utilisés pour évaluer si un traitement par HOT/LOT-CRT est approprié.

Les données probantes sont pour l'instant limitées : trois séries observationnelles pour la HOT-CRT et quatre pour la LOT-CRT, avec un total de 282 patients. Malgré l'absence d'ECR, ces études montrent une synchronisation électrique supérieure à celle du BVP ou de la CSP seule. Certaines séries ont également fait état d'une amélioration des paramètres échographiques et hémodynamiques avec la HOT/LOT-CRT comparativement aux autres stratégies. Pour cette raison, le document de consensus indique que la HOT/LOT-CRT 'peut être appropriée' en cas de résultats électrocardiographiques suboptimaux avec la CSP ou le BVP seuls, en tenant compte de l'expérience de l'implanteur et du rapport risques/bénéfices pour le patient.
Références
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- Taborsky, M., Kautzner, J., Fedorco, M., Curila, K., Wunschova, H., Pyszko, J. et al. 2021 ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy. Translation of the document prepared by the Czech Society of Cardiology. [Czech]. Cor et Vasa, 2022, 64 (Supplement 2), 7-86.
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