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Low voltage, high stakes

Cas clinique

Une femme de 36 ans s'est présentée en consultation de Cardiologie en vue d'un dépistage. Elle ne présentait aucun symptôme cardiovasculaire spécifique, mais a expliqué qu'elle était envoyée par le cardiologue de son père, chez qui on avait diagnostiqué une anomalie cardiaque génétique ayant justifié l'implantation d'un défibrillateur. La patiente ne pouvait pas préciser l'anomalie en question. L'examen clinique était normal. Un électrocardiogramme (ECG) (figure 1) a été réalisé lors de la consultation. Quel est votre diagnostic différentiel sur la base de l'ECG ?

Analyse de l'ECG

L'ECG montre un rythme sinusal à environ 60 battements par minute. L'intervalle PR est normal, à environ 150 ms. Le complexe QRS est fin (80-90 ms). Cependant, on observe un microvoltage notable du complexe QRS dans toutes les dérivations. La plupart des dérivations montrent une repolarisation aplatie.

On parle de microvoltage lorsque l'amplitude du complexe QRS est inférieure à 5 mm dans les dérivations périphériques ou à 10 mm dans les dérivations précordiales. Le diagnostic différentiel du microvoltage est large et comprend1 :

  • Épanchement péricardique et tamponnade péricardique ;
  • Maladies myocardiques infiltratives telles qu'amyloïdose, sarcoïdose ou hémochromatose ;
  • Stade terminal d'une cardiomyopathie dilatée ou ischémique ;
  • Obésité, cachexie et anorexie mentale ;
  • Maladie pulmonaire obstructive chronique, épanchement pleural ou pneumothorax ;
  • Cardiomyopathies génétiques rares telles que des mutations au niveau du gène du phospholamban.

Pour approfondir la mise au point, on a tout d'abord réalisé une échocardiographie, qui a montré un ventricule gauche eutrophique, non dilaté, avec une fonction systolique globale normale-basse. La fraction d'éjection ventriculaire gauche a été estimée à 50-55 %. Il n'y avait pas de zones akinétiques. Par ailleurs, on n'a pas relevé de valvulopathies significatives ni d'épanchement péricardique. Le myocarde apparaissait normal et on ne notait pas d'aspect moucheté notable. Une IRM cardiaque a également été réalisée, laquelle a confirmé la fonction systolique normale-basse du ventricule gauche. La fraction d'éjection était de 53 %. Il n'y avait pas de zones focales de rehaussement tardif du gadolinium (LGE).

Compte tenu des antécédents familiaux et de l'ECG typique avec des microvoltages, la patiente a été adressée en vue d'un examen génétique, qui a permis de mettre en évidence une mutation pathogène au niveau du gène du phospholamban (PLN). On a trouvé une délétion dans la séquence codante, entraînant une délétion du quatorzième acide aminé, en l'occurrence une arginine (p.Arg14del), de sorte qu'on a pu poser le diagnostic de cardiomyopathie du phospholamban. Il s'agit d'une maladie autosomique dominante rare qui peut donner lieu à une cardiomyopathie dilatée ou arythmogène.2 Les chiffres de prévalence exacts ne sont pas connus. On pense que moins de 1 % des patients souffrant d'une cardiomyopathie dilatée présentent cette mutation. Cependant, il existe une distribution géographique frappante avec une incidence élevée dans le nord des Pays-Bas (principalement dans la région autour de Groningen) où jusqu'à 15 % des patients souffrant d'une cardiomyopathie dilatée non ischémique sont porteurs de cette mutation.3

Le phospholamban (PLN) est une protéine transmembranaire dans le réticulum sarcoplasmique de la cellule myocardique et il joue un rôle crucial dans le métabolisme calcique.3,4 La délétion spécifique susmentionnée (p.Arg14del) entraîne une inhibition chronique de l'ATPase calcique, à l'origine d'une arythmie et d'une détérioration de la fonction systolique.4

Le phénotype de l'affection est variable : elle peut être totalement asymptomatique ou engendrer une mort subite (secondaire à une arythmie maligne telle qu'une fibrillation ventriculaire).5,6 Les indices diagnostiques sont les microvoltages typiques à l'ECG et, à des stades plus avancés, un LGE annulaire à l'IRM.2,5 L'atteinte à l'IRM n'était pas (encore) présente dans ce cas.

On préconise un suivi annuel avec ECG, échocardiographie et enregistrement Holter. Pour détecter la fibrose myocardique, une IRM cardiaque est recommandée tous les cinq ans.2 Le risque de mort subite est d'environ 3-5 % par an.2,6 Il est recommandé de calculer le risque d'arythmie ventriculaire par patient à l'aide d'un calculateur de risque spécifique. Le score tient compte du nombre de complexes ventriculaires prématurés, de la présence de microvoltages, de la fraction d'éjection ventriculaire gauche et des ondes T négatives au niveau de la région inférieure et de la paroi antérieure. Le calculateur peut être consulté à l'adresse https://plnriskcalculator.shinyapps. io/final_shiny .2,6 Une simulation est présentée à la figure 2. La présence d'un LGE étendu à l'IRM est également associée à un risque accru d'arythmie et a une valeur pronostique négative.2,6

Chez notre patiente, le risque était de 16 %, de sorte qu'on a opté pour l'implantation d'un défibrillateur cardioverteur implantable (DCI) en prévention primaire. En raison des faibles voltages des QRS, on a opté pour un système transveineux. Un dispositif sous-cutané est moins indiqué en raison du risque de sous-détection (undersensing) dû aux faibles voltages. Un dispositif extravasculaire est également envisageable, mais il n'était pas encore disponible dans notre centre au moment du diagnostic. L'implantation du DCI-VVI s'est déroulée sans problèmes et sans complications (figure 3).

Références

  1. Andries, E., Stroobandt, R., De Pooter, J., Verdonck, F., Sinnaeve, F. ECG uit of in het hoofd. Antwerpen: Garant uitgevers; 2016.
  2. Arbelo, E., Protonotarios, A., Gimeno, J.R., Arbustini, E., Barriales-Villa, R., Basso, C. et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiomyopathies: Developed by the task force on the management of cardiomyopathies of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J, 2023, 44 (37), 3503-3626.
  3. van Rijsingen, I.A.W., van der Zwaag, P.A. Groeneweg, J.A., Nannenberg, E.A., Jongbloed, J.D.H., Zwinderman, A.H. et al. Outcome in Phospholamban R14del Carriers Results of a Large Multicentre Cohort Study. Circ Cardiovasc Genet, 2014, 7 (4), 455-465.
  4. Haghighin, K., Kolokathis, F., Gramolini, A.O., Waggoner, J.R., Pater, L., Lynch, R.A. et al. A mutation in the human phospholamban gene, deleting arginine 14, results in lethal, hereditary cardiomyopathy. Proc Natl Acad Sci U S A, 2006, 103 (5), 1388-1393.
  5. Cheung, C.C, Healey, J.S., Hamilton, R., Spears, D., Gollob, M.H., Mellor, G. et al. Phospholamban cardiomyopathy: a Canadian perspective on a unique population. Neth Heart J, 2019, 27 (4), 208-213.
  6. Verstraelen, T.E., Van Lint, F.H.M., Bosman, L.P., De Brouwer, R., Proost, V.M., Abeln, B.G.S. et al. Prediction of ventricular arrhythmia in phospholamban p.Arg14del mutation carriers-reaching the frontiers of individual risk prediction. Eur Heart J, 2021, 42 (29), 2842-2850.

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