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Le processus logique menant au remboursement des techniques innovantes fondées sur des preuves, ou non…
  • Jimmy Jacobs

« Les soins de santé doivent être abordables, accessibles et de qualité optimale pour tous, y compris pour les générations futures. Il faut également pouvoir répondre aux besoins non satisfaits et aux nouveaux besoins. Utiliser les budgets à bon escient, sur la base d'une approche fondée sur des preuves, éviter le gaspillage et créer ainsi de la marge pour de nouveaux investissements, préparer les soins pour les générations futures, telle est désormais la mission. »

La citation ci-dessus est tirée de l'introduction de la Lettre de mission adressée par l'actuel gouvernement belge au Conseil général et au Comité d'assurance de l'INAMI. Elle définit les grandes lignes du budget 2026 et nous offre - en tant que spécialistes - des perspectives et de l'espoir. Dans notre discipline cardiologique, nous avons en effet depuis longtemps l'habitude de baser nos décisions médicales sur des données cliniques transparentes, issues d'études cliniques randomisées robustes et/ou de méta-analyses. Ces données sont ensuite regroupées dans des recommandations concrètes par sous-domaine, puis absorbées aussi largement que possible au niveau national et appliquées à chaque patient individuel.

Parallèlement, on démarre une procédure multidisciplinaire qui détermine, en Belgique, si une nouvelle technique thérapeutique sera remboursée, et de quelle manière. Après l'autorisation de mise sur le marché (via l'AFMPS ou la procédure européenne de l'EMA pour les médicaments, ou conformément aux recommandations nationales/européennes pour les dispositifs médicaux), le demandeur - souvent le fabricant, un groupe hospitalier et/ou une association professionnelle - soumet un dossier à l'INAMI avec des preuves cliniques et une justification économique. Le KCE peut réaliser ou demander une analyse de coût-efficacité, tandis que l'INAMI effectue des analyses d'impact budgétaire et des études de faisabilité et prépare des propositions d'adaptations de la nomenclature. Ce processus doit idéalement impliquer des comités consultatifs internes de l'INAMI et des experts externes (cardiologues et représentants d'associations professionnelles), des mutualités, le ministère de la Santé et parfois des associations de patients afin d'évaluer la pertinence médicale, la sécurité, la rentabilité et l'impact organisationnel. Pour les techniques coûteuses et/ou innovantes, des conditions spécifiques sont souvent prévues. L'introduction formelle et les modalités concrètes de remboursement (tarifs, indications détaillées et codes administratifs) sont ensuite déterminées par décision de l'INAMI/du ministère (et, si nécessaire, par arrêté royal ou ministériel) et davantage spécifiées dans la nomenclature et les règles d'application. En pratique, ce processus prend généralement des mois, voire des années, et nécessite la participation active de la communauté cardiologique afin de fournir en temps utile les recommandations, les preuves et les données issues du monde réel.

Pour illustrer, à l'aide d'un exemple concret, le fait que le processus décrit ci-dessus ne garantit pas toujours une prise de décision souhaitable et correcte, examinons les nouveaux critères de remboursement du TAVI depuis le printemps 2025. Le point positif est l'augmentation du nombre total de valves TAVI remboursées, qui passe de 1500 à 2510 par an en Belgique. Par ailleurs, le remboursement par procédure est revu à la hausse. Malheureusement, nous constatons également que ces mêmes nouveaux critères de remboursement ont (ou auront) un impact négatif sur l'accessibilité du TAVI pour les patients belges. En effet, les nouveaux critères de remboursement stipulent que le patient n'entre en ligne de compte pour un remboursement que s'il est inopérable ou si son EuroSCORE II est > 8 %. Il est difficile de comprendre comment cette décision a été prise via le processus décrit ci-dessus, étant donné que l'objectif était précisément d'améliorer l'accès des patients belges au TAVI, en tenant compte autant que possible des recommandations de l'ESC-EACTS (tableau 1).1

Dans les recommandations 2021 de l'ESC déjà, soit bien avant l'introduction de la mise à jour concernant le remboursement du TAVI, il existait une indication de classe IA pour le TAVI par rapport au remplacement chirurgical de la valve aortique chez tous les patients (> 75 ans), les patients présentant un EuroSCORE II > 8 % ou les patients inopérables. La raison pour laquelle ce critère d'âge n'a pas été pris en compte dans les nouveaux critères de remboursement n'est donc pas claire. Il convient en outre de noter que, selon les dernières informations issues du congrès 2025 de l'ESC à Madrid, les nouvelles recommandations 2025 de l'ESC étendent cette indication de classe IA avec une préférence pour le TAVI pour tous (!) les patients âgés de 70 ans ou plus, présentant une sténose d'une valve aortique tricuspide, si l'anatomie est adéquate.

Les associations professionnelles (BWGIC, BSC et BACTS) ont pris des mesures urgentes à cet égard afin de signaler l'erreur qui s'est glissée dans cette décision et dans les modalités de remboursement, et de souligner l'impossibilité de traiter correctement les patients belges conformément aux recommandations récentes. Sur la base des données de quelques centres à haut volume en Belgique, seuls 18 % des patients (âgés de 75 ans ou plus) traités par TAVI ces dernières années ont un EuroSCORE supérieur à 8 %. Bien que la décision de recourir au TAVI chez tous ces patients ait donc été conforme aux recommandations de classe IA selon les recommandations de l'ESC, l'application stricte des nouveaux critères de remboursement priverait plus de 4/5e des patients du traitement le plus approprié. Avec l'application des nouvelles recommandations de 2025, qui abaissent cette limite d'âge de 75 à 70 ans, le nombre de patients que nous ne pouvons pas traiter selon les recommandations de l'ESC augmenterait encore davantage.

Espérons que cette situation sera rapidement corrigée et que cela servira de leçon pour qu'on continue à examiner de manière critique le processus de remboursement des techniques ou médicaments innovants, et pour continuer à ancrer et à renforcer le rôle des associations professionnelles et des médecins spécialistes - dans notre cas les cardiologues - dans ce processus de (modalités de) remboursement formel, en plus des avis des organes consultatifs internes de l'INAMI, des mutualités et du ministère. C'est non seulement nécessaire pour nos patients, mais aussi pour répondre à l'ambition de notre gouvernement, à savoir maintenir des soins de santé de haute qualité et accessibles à tous, sur la base d'une approche fondée sur des preuves.

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