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Recommandations 2025 de l'ESC - Myocardite et péricardite
  • Philippe Junior Timmermans 

Les recommandations 2025 de l'ESC sur la myocardite et la péricardite constituent une première à plusieurs égards. Pour la première fois, on dispose de recommandations au sujet de la myocardite, qui guident la prise en charge clinique de ce syndrome. En outre, plusieurs nouveaux concepts ont été introduits.

La recommandation regroupe en effet les myocardites et les péricardites dans un cadre unique de syndromes inflammatoires, introduisant un nouveau concept : le syndrome inflammatoire du myocarde et du péricarde (IMPS). Ceci implique également qu'en plus des myocardites ou des péricardites distinctes, il existe des formes 'mixtes'. En outre, une série de nouvelles définitions ont été introduites afin de mieux classer les syndromes préexistants. L'évolution temporelle est également importante. Dans un IMPS, on distingue trois phases :

  • Aiguë : < 1 mois
  • Subaiguë : 1-3 mois
  • Chronique : > 3 mois

Cette classification des phases constitue également un nouveau concept qui améliorera certainement la littérature et la description des syndromes cliniques à l'avenir. Les nouveaux concepts sont énumérés ci-dessous :

Diagnostic

Le diagnostic d'une myocardite repose encore largement sur un syndrome clinique dans lequel le patient ressent des douleurs thoraciques. Les symptômes sont des douleurs thoraciques ou des plaintes ressemblant à celles d'un infarctus, des arythmies, une insuffisance cardiaque ou même une mort subite éventuellement ressuscitée. La présence d'anomalies à l'ECG, dynamiques ou non, associée à une élévation des enzymes cardiaques (troponines) nécessite toujours un diagnostic différentiel avec un syndrome coronarien aigu.

L'échocardiographie transthoracique joue un rôle important, mais pas central, dans la mise au point diagnostique. Grâce à sa disponibilité quasi universelle, l'échocardiographie est toutefois indiquée au cours de la phase aiguë afin de permettre une évaluation cardiaque globale. La fonction systolique globale et régionale, la présence ou non d'un épanchement péricardique et les signes de congestion sont des paramètres essentiels qui peuvent orienter de manière significative le diagnostic et le traitement au cours des premiers jours d'hospitalisation.

En fonction des résultats de l'ETT, des facteurs de risque cardiovasculaire et de la probabilité prétest, il convient également - en cas de tableau clinique compatible avec une myocardite - d'exclure systématiquement une maladie coronarienne, soit par un CT scan coronaire (en cas de probabilité prétest faible), soit de manière invasive par coronarographie.

La nouveauté par rapport aux documents de consensus précédents est le rôle central accordé à l'IRM cardiaque (RMC). Lorsqu'on a exclu une athérosclérose significative, un diagnostic de certitude peut être posé à l'aide d'une IRM cardiaque. Il s'agit d'une nouveauté par rapport au passé, où seule une biopsie myocardique (EMB) permettait un diagnostic de certitude, la RMC ne servant alors que de soutien au diagnostic. Ce changement de paradigme est bien illustré à la figure 1.

Tant l'EMB que la RMC peuvent donner un diagnostic définitif, mais leurs indications sont différentes.

La RMC permet donc de poser un diagnostic avec certitude, et ce, grâce à une combinaison d'anomalies indiquant un processus aigu (imagerie T2 : oedème), une lyse cellulaire (rehaussement tardif au gadolinium) et des anomalies du mapping T1 (fibrose interstitielle). La RMC reste également la référence pour la détermination de la fonction ventriculaire gauche et droite. Les caractéristiques spécifiques permettant de poser le diagnostic sont décrites dans la dernière version des Lake Louise criteria. Un diagnostic de certitude est posé en présence de deux critères majeurs, un diagnostic possible est posé en présence d'un seul critère majeur. Les critères majeurs reposent sur des anomalies T1 et T2 ; les critères secondaires sont basés sur la (dys)fonction systolique et la présence/l'absence d'épanchement péricardique.

Il reste important de confirmer le diagnostic. En effet, d'autres diagnostics sont également possibles, tels qu'une cardiomyopathie de Tako-Tsubo ou une cardiomyopathie latente avec syndrome douloureux thoracique aspécifique.

Une EMB n'est recommandée qu'en cas de myocardite aiguë compliquée ou fulminante. D'une part, cela permet d'éviter les procédures invasives chez les patients atteints d'IMPS non compliqués et, d'autre part, d'instaurer un traitement spécifique des différents sous-types de myocardite. Les EMB peuvent être réalisées par voie veineuse, via un abord jugulaire ou fémoral. Dans des mains expérimentées, cette procédure présente un risque (très) faible de complications. Dans certains centres, ou en cas de présentation fulminante, une EMB est également pratiquée dans le ventricule gauche. Ceci augmenterait les chances de diagnostic définitif ou concluant, mais nécessite encore plus d'expertise que pour les biopsies 'droites'. Enfin, en cas de pathologie myocardique 'focale', comme par excellence la sarcoïdose cardiaque, on peut réaliser une biopsie myocardique guidée par les anomalies électrophysiologiques. Cette technique n'est toutefois pas très répandue et sa plus-value diagnostique n'est pas bien étudiée.

La place des PCR virales sur les EMB en cas de myocardite fulminante fait actuellement l'objet de discussions. On part du principe qu'un déclencheur viral, c'est-à-dire un virus cardiotrope, induit une réponse immunitaire excessive qui provoque ensuite l'IMPS. À l'exception de l'influenza, par exemple, il n'existe généralement pas de traitement ciblé. Dans le cas du ParvoB19, c'est même le contraire : des études randomisées sur l'immunosuppression/l'immunomodulation dans le cas d'un IMPS avec des titres viraux élevés n'ont pu démontrer aucune différence. Le ParvoB19 est donc actuellement considéré comme un 'spectateur innocent'. Une étude randomisée internationale est actuellement en cours afin d'examiner le rôle de l'instauration précoce d'une immunosuppression par des doses pulsées de stéroïdes chez les patients présentant une myocardite compliquée ou fulminante (études MYTHS et MYTHS-MR). Les résultats de cette étude ne seront pas disponibles avant plusieurs années.

Le tableau 1 présente un aperçu des diagnostics de myocardite spécifiques qui ne peuvent être posés qu'à l'aide d'une EMB.

En cas de tableau clinique suspect de myo/péricardite, on peut intégrer un certain degré de certitude, sur la base du trajet diagnostique parcouru. Ceci se reflète également dans les termes utilisés dans les nouvelles recommandations (tableau 2).

Les nouvelles recommandations accordent également une attention particulière à l'indication d'une analyse cardiogénétique. Bien qu'une 'prédisposition' génétique soit supposée dans tous les cas de myocardite, y compris les cas non compliqués, les recommandations préconisent de recourir à la génétique de manière sélective. Dans le scénario suivant, il est recommandé de réorienter le patient en cas de diagnostic certain d'IMPS :

  • Antécédent familial d'IMPS, cardiomyopathie héréditaire ou forte suspicion de cardiomyopathie ;
  • Arythmies ventriculaires menaçantes ;
  • LGE significatif gauche ou droit - principalement un LGE annulaire ou un LGE septal - ou anomalie persistante de la FEVG ;
  • Myocardite récidivante ou élévation persistante de la troponine ;
  • Péricardite récidivante avec phénotype inflammatoire réfractaire au traitement conventionnel.

Il reste toutefois important de garder à l'esprit qu'il n'existe pas (encore) d'options thérapeutiques ciblées basées sur un diagnostic génétique. Une meilleure stratification du risque est toutefois possible, tout comme un suivi cardiaque ciblé basé sur certains diagnostics.

Traitement

Il va de soi que les premières recommandations relatives aux IMPS portent également une attention scrupuleuse aux options thérapeutiques. Les principales nouveautés sont les recommandations relatives à la reprise du sport, qui sont formalisées pour la première fois, et la place plus importante accordée aux anti-IL-1 en cas de péricardite réfractaire.

Myocardite

Le traitement de la myocardite repose essentiellement sur des mesures de soutien, avec hospitalisation, repos relatif, antalgiques si nécessaire et monitoring du rythme cardiaque pendant la phase aiguë. D'après de plus petites études, l'instauration d'un bêtabloquant à faible dose associé à un traitement anti-inflammatoire s'avère sûre. Par analogie avec la péricardite, l'aspirine à forte dose peut être utilisée comme traitement antalgique ; la colchicine est utile, surtout en cas de syndrome mixte de type myopéricardite.

En cas d'apparition d'une insuffisance cardiaque/dysfonction du VG, il convient de se référer aux recommandations de l'ESC en matière d'insuffisance cardiaque pour le traitement médicamenteux. Il est recommandé de poursuivre le traitement de soutien par bêtabloquants et/ou le traitement de l'insuffisance cardiaque pendant au moins six mois ; la durée peut être prolongée en fonction de l'évolution clinique et du rétablissement ou non de la fonction du VG.

L'immunosuppression, dont les corticoïdes forment la pierre angulaire, reste réservée aux cas avérés de myocardite auto-immune, compliquée ou fulminante, avec diagnostic spécifique. Pour la première fois, un schéma standardisé est également proposé avec un traitement de première, deuxième et troisième ligne, y compris la durée du traitement. Des schémas spécifiques pour les diagnostics spécifiques guidés par EMB, tels que la myocardite à éosinophiles et la sarcoïdose, sont également inclus. Une attention spéciale a été accordée à la myocardite induite par l'immunothérapie, étant donné que cette entité est de plus en plus fréquente, qu'elle peut évoluer de manière fulminante et qu'elle nécessite une prise en charge spécifique. En cas de myocardite fulminante, une prise en charge pluridisciplinaire par une 'shock-team' dédiée est nécessaire (I-C), avec un rôle important pour l'assistance circulatoire mécanique (IIa-C).

Une mention spéciale est faite pour l'entité de 'cardiomyopathie inflammatoire', qui figure pour la première fois dans une recommandation. Il s'agit d'un syndrome clinique caractérisé par une dysfonction cardiaque avec remodelage ventriculaire, avec ou sans arythmie ou dilatation ventriculaire, résultant d'une myocardite aiguë. Elle repose généralement sur une inflammation myocardique chronique sans présence virale. Bien que l'état actuel des connaissances scientifiques ne permette pas encore de donner un avis clair sur l'utilité de l'immunosuppression pour ces patients, la nouvelle définition incluse dans les recommandations pourrait faciliter la poursuite des études. Ce point est important, compte tenu de la grande hétérogénéité des études randomisées et des registres précédents.

Péricardite

Peu de changements sont à signaler pour le traitement de première ligne de la péricardite ; une thérapie de soutien, associée à des AINS/de l'aspirine à doses progressivement décroissantes (jusqu'à l'arrêt) sur plusieurs semaines, reste la pierre angulaire du traitement. Il est fortement recommandé d'ajouter de la colchicine pendant trois à six mois afin d'éviter les récidives (IA). Les stéroïdes ne sont recommandés qu'en cas de contre-indications à l'aspirine en première ligne, mais ils occupent une place plus importante en cas de péricardite récidivante ou 'incessante' (II-A). Une nouveauté dans les directives est la recommandation de classe IA pour le traitement par anti-IL-1 (anakinra ou rilonacept) en cas de péricardite 'incessante'/ récidivante, réfractaire aux stéroïdes. Malheureusement, les règles de remboursement sont en retard sur la science, ce qui nous empêche de traiter tous les patients avec des médicaments probants en Belgique. Notons qu'il est recommandé d'associer un bêtabloquant chez les patients présentant des symptômes persistants malgré un traitement anti-inflammatoire si la fréquence cardiaque reste > 75.

Suivi

Une autre nouveauté réside dans les recommandations spécifiques pour le suivi après un IMPS. Une évaluation structurée, comprenant un diagnostic approfondi par RMC, doit être réalisée dans un délai d'un mois. Après la sortie de l'hôpital, un suivi clinique avec dosage des biomarqueurs, ECG, épreuve d'effort, analyse du Holter et échocardiographie transthoracique est recommandé dans les six mois. Chez les patients ayant souffert d'une myocardite, une RMC est recommandée au bout d'un an.

L'évolution de l'IMPS détermine également dans une large mesure la reprise ou non des activités sportives. Bien que la recommandation stipule qu'il faut s'abstenir de tout effort pendant au moins un mois, la durée absolue de l'interruption sportive dépend de la sévérité du tableau clinique et de la disparition des anomalies au niveau des biomarqueurs et de l'imagerie. Si on transpose ceci à la situation belge, la valeur ajoutée de la RMC pour la visualisation de l'inflammation myocardique, la disponibilité et les délais d'attente pour une IRM cardiaque se traduisent concrètement par une interruption des activités sportives pendant environ six mois, lorsqu'un suivi ambulatoire est possible, y compris par RMC. Selon les recommandations de l'ESC, la répétition de la RMC n'est nécessaire qu'au bout de 12 mois ; ceci peut s'expliquer par des délais d'attente plus longs dans d'autres pays. Compte tenu de la recommandation de ne reprendre le sport que s'il existe des arguments suffisants en faveur d'une régression de l'inflammation et des limites inhérentes à l'échocardiographie dans ce domaine, ceci semble quelque peu en contradiction avec cette recommandation.

Le suivi à long terme est également harmonisé, avec une évaluation formelle un an après l'événement aigu. Un suivi de plus d'un an n'est proposé que chez les patients atteints d'une myocardite compliquée. Une marge est toutefois laissée pour prévoir un suivi ciblé chez les patients à haut risque, tant en cas de myocardite que de péricardite.

Conclusion

Les recommandations 2025 de l'ESC au sujet de la myocardite et de la péricardite apportent quelques innovations importantes pour la pratique clinique, dont voici les principales :

  • Cadre pour les IMPS, incluant une nouvelle terminologie et une prise en charge dépendant du tableau clinique ;
  • La RMC est la clé du diagnostic clinique; l'EMB est préconisée de manière plus sélective ;
  • Les anti-IL-1 sont davantage à l'avantplan en cas de péricardite récidivante ;
  • Recommandations plus claires en matière de pratique sportive.

Références

  1. Schulz-Menger, J., Collini, V., Gröschel, J., Adler, Y., Brucato, A., Christian, V. et al. 2025 ESC Guidelines for the management of myocarditis and pericarditis: developed by the task force for the management of myocarditis and pericarditis of the European Society of Cardiology (ESC). Endorsed by the Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). Eur Heart J, 2025, 46 (40), 3952-4041.
  2. Hazebroek, M.R., Henkens, M.T.H., Raafs, A.G., Verdonschot, J.A.J., Merk, J.J., Dennert, R.M. et al. Intravenous immunoglobulin therapy in adult patients with idiopathic chronic cardiomyopathy and cardiac parvovirus B19 persistence: a prospective, double-blind, randomized, placebocontrolled clinical trial. Eur J Heart Fail, 2021, 23 (2), 302-309.
  3. Timmermans, P., Pires, A.B., Ali, O., Henkens, M., Heymans, S., Negishi, K. Prednisone and azathioprine in patients with inflammatory cardiomyopathy: systemic review and meta-analysis. ESC Heart Failure, 2020, 7 (5), 2278-2296.
  4. Ammirati, E., Conti, N., Frea, S., Uribarri, A., Grosu, A., Loffredo, F. et al.; MYTHS trial investigators. Rationale and study design of the international randomized control trial MYocarditis THerapy with Steroids: the MYTHS trial. Eur Heart J, 2024, 45 (Suppl 1), ehae666.1239.

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