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Hot Line: Heart Failure and Innovative Approaches
  • Michael Wolf

ESC congress 2016, 28 augustus, Rome

Lors de cette session, les résultats de quelques études importantes consacrées à des traitements innovants pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque ont été présentés pour la première fois.

Étude DANISH

Le Prof. Dr Lars Køber du Rigshospitalet à Copenhague a présenté les résultats de l'étude DANISH,1 une étude danoise, randomisée, contrôlée, qui a évalué l'efficacité - en termes de réduction de la mortalité - de l'implantation d'un DCI chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque non ischémique.

D'après les directives actuelles, l'implantation d'un DCI visant à réduire le risque de mort subite et de mortalité se voit attribuer une recommandation de classe I, avec un niveau de preuve B, chez les patients souffrant d'une cardiomyopathie non ischémique (NICMP), ayant une FEVG ≤ 35 % et une insuffisance cardiaque symptomatique (classe NYHA II-III) en dépit de l'administration d'un traitement médicamenteux optimal pendant au moins 3 mois.2 Cette recommandation pour la prévention primaire est toutefois basée sur des études de petite à moyenne envergure, avec des résultats neutres (AMIOVIRT,3 DEFINITE4), et sur des analyses de sous-groupes d'études plus vastes (SCD-HeFT,5 COMPANION6). En outre, le traitement médicamenteux de ces patients s'est fortement amélioré depuis les études décisives consacrées aux DCI, sur lesquelles se basent ces recommandations. Par ailleurs, aucune étude n'a encore pu prouver que l'implantation d'un défibrillateur chez des patients bénéficiant d'un traitement de resynchronisation cardiaque (TRC) offre de meilleurs résultats en termes de mortalité.6

L'étude DANISH a examiné si l'implantation d'un DCI réduit véritablement la mortalité dans cette population souffrant de NICMP, bénéficiant d'un traitement médicamenteux moderne optimal de l'insuffisance cardiaque et de l'utilisation optimale d'un TRC. Les critères d'inclusion des patients étaient une insuffisance cardiaque symptomatique due à une NICMP, avec une FEVG ≤ 35 %, une classe NYHA II ou III (ou IV si un TRC était prévu), un traitement médicamenteux optimal et une légère élévation des taux de NT-proBNP (> 200 pg/ml). Parmi les 1 116 patients inclus, un grand nombre était traité par TRC (645/1 116, 58 %). Le traitement médicamenteux était optimal, puisque 96, 92 et 59 % des patients prenaient respectivement des IEC/sartans, des bêtabloquants et des antagonistes de l'aldostérone. Après une stratification pour le traitement par TRC, les patients ont été randomisés selon un schéma 1:1 vers le groupe DCI ou le groupe témoin. Le suivi médian atteignait 67 mois. Le critère d'évaluation primaire de l'étude était la mortalité toutes causes, tandis que les critères d'évaluation secondaire étaient la mortalité cardiovasculaire et la mort subite.

Dans cette étude, l'implantation d'un DCI n'a pas été associée à une réduction significative de la mortalité toutes causes (HR 0,87 [0,68-1,12], p = 0,28), et il n'y avait pas non plus de différence significative sur le plan de la mortalité cardiovasculaire (HR 0,77 [0,57-1,05, p = 0,10] (figure 1). Conformément aux attentes, le risque de mort subite était également significativement réduit, dans cette population de patients, grâce à l'implantation d'un DCI (HR 0,50 [0,31-0,82], p = 0,005). Chez 17 % des patients porteurs d'un DCI, une tachycardie ventriculaire a pu être stoppée par un pacing antitachycardie, et 11 % des patients porteurs d'un DCI ont reçu un choc approprié pour une tachycardie ou une fibrillation ventriculaires. Dans les sous-groupes traités ou non par TRC, considérés isolément, on ne notait pas non plus de différence significative entre le groupe DCI et le groupe témoin, tant en ce qui concerne le critère d'évaluation primaire que les critères d'évaluation secondaire. Les analyses des sous-groupes n'ont montré de bénéfice significatif du DCI que chez un seul sous-groupe de patients, avec une réduction de la mortalité toutes causes, en l'occurrence chez les patients jeunes (< 59 ans).

Nous concluons que l'étude DANISH est une étude très importante, qui nous conduit à nous demander s'il faudrait adapter les recommandations pour l'implantation d'un DCI chez les patients souffrant de NICMP en prévention primaire. Une sélection plus précise des patients pouvant potentiellement tirer des bénéfices d'un DCI, comme les patients jeunes, s'avère nécessaire.

Étude REM-HF

Le Prof. Dr Martin Cowie du Royal Brompton Hospital de Londres a présenté les résultats de l'étude REM-HF, la plus vaste étude randomisée, contrôlée, au sujet du monitoring à distance chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, porteurs d'un dispositif implanté. En dépit de l'amélioration des stratégies thérapeutiques, les patients souffrant d'insuffisance cardiaque courent toujours un risque accru de décès et d'hospitalisations. Bon nombre d'entre eux sont porteurs de dispositifs implantés (DCI, pacemaker de TRC, défibrillateur de TRC) qui permettent le monitoring à distance de plusieurs paramètres cliniques. Toutefois, de précédentes études randomisées, contrôlées, consacrées au monitoring à distance, avaient montré des résultats variables, et une récente méta-analyse de 11 études randomisées, contrôlées, n'a pas montré de meilleurs résultats cliniques.7

L'étude REM-HF avait été conçue comme une étude pragmatique évaluant si la consultation hebdomadaire de ces données cliniques via monitoring à distance, avec adaptation éventuelle du traitement, peut réduire la mortalité et le nombre d'hospitalisations cardiovasculaires non planifiées. Dans cette étude multicentrique, randomisée, contrôlée, 1 650 patients ont été randomisés selon un schéma 1:1 vers un bras recevant des soins standard (incluant généralement une analyse semestrielle du dispositif en consultation) et un bras 'étude', impliquant un monitoring à distance hebdomadaire en plus des soins standard. Les caractéristiques des patients indiquent qu'il s'agissait essentiellement de patients souffrant d'insuffisance cardiaque légère (> 70 % en classe NYHA II), recevant un traitement optimal (91 % des patients recevaient un IEC/sartan, 90 % un bêtabloquant, 53 % un antagoniste de l'aldostérone, 67 % bénéficiaient d'un TRC). Lors d'un suivi médian de 2,8 ans (avec en tout plus de 45 000 transmissions), une action a été entreprise, sur la base de 3 585 transmissions (< 8 %), chez 72,5 % des patients du bras monitoring à distance. Les actions enregistrées consistaient à téléphoner au patient (62,9 % des patients), à discuter de l'événement de monitoring à distance avec le cardiologue traitant (49,4 %), à changer de médicaments sans contact clinique (16,2 %), à recommander une consultation chez le généraliste (15,0 %), à la clinique de l'insuffisance cardiaque (13,7 %), à l'unité des dispositifs (24,5 %) ou en policlinique (21,5 %), et en autres conseils (33,3 %). Malgré ces interventions, l'effet sur le critère d'évaluation primaire, en l'occurrence l'ensemble des décès et des hospitalisations imprévues pour un motif cardiovasculaire, était neutre (HR 1,01 [0,87-1,18], p = 0,87) (figure 2). Il n'y avait pas non plus de différence sur le plan de la mortalité (HR 0,83 [0,66- 1,05], p = 0,12) ou des hospitalisations imprévues pour un motif cardiovasculaire (HR 1,07 [0,91-1,25], p = 0,42), considérées isolément. De même, dans l'analyse de sous-groupes, on n'a pas pu caractériser de groupes de patients tirant des bénéfices d'un monitoring à distance en plus de la prise en charge standard. La conclusion de l'étude REM-HF est qu'un monitoring à distance hebdomadaire supplémentaire n'améliore pas les résultats cliniques chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, bénéficiant d'une prise en charge standard de haute qualité.

Étude MORE-CARE

Une deuxième étude consacrée au monitoring à distance a été commentée par le Prof. Dr Giuseppe Boriani de l'Université et de la Policlinique de Modène. Comme l'étude REM-HF, l'étude MORECARE8 a évalué l'effet du monitoring à distance sur les résultats cliniques et les dépenses en soins de santé, mais cette fois dans une sous-population spécifique de patients souffrant d'insuffisance cardiaque sévère, porteurs d'un défibrillateur biventriculaire (CRTD). Le critère d'évaluation primaire de l'étude était un critère composite incluant la mortalité toutes causes et les hospitalisations cardiovasculaires ou liées au dispositif. Dans cette étude multicentrique, internationale, randomisée, 917 patients souffrant d'insuffisance cardiaque en classe NYHA III ou IV, ayant une FEVG ≤ 35 %, des QRS d'une durée ≥ 120 ms et recevant un traitement médicamenteux optimal ont été randomisés entre un bras standard, avec implantation d'un CRTD, suivie de consultations tous les 4 mois, et un bras monitoring à distance (avec implantation d'un CRTD et fréquents suivis à distance programmés en plus des consultations tous les 4 mois). Au bout d'un suivi médian de 24 mois, on ne notait pas de différence sur le plan du critère d'évaluation primaire entre le bras standard et le bras monitoring à distance (HR 1,02 [0,80-1,30], p = 0,89) (figure 3). Il n'y avait pas non plus de différence sur le plan de la mortalité toutes causes et des hospitalisations cardiovasculaires ou liées au dispositif, considérées isolément. Bien qu'on n'ait pas observé de diminution du nombre d'hospitalisations, on a malgré tout constaté, dans le bras monitoring à distance, une diminution considérable de 28 % du nombre de visites aux urgences et une diminution de 41 % du nombre de consultations, et ce, sans que la sécurité des patients ait été compromise. Cette réduction était également associée à des économies, tant pour le secteur des soins de santé que pour les patients.

En résumé, nous pouvons affirmer que le monitoring à distance n'a pas été associé à une amélioration des résultats cliniques, que ce soit d'après les études MORE-CARE et REM-HF, ou d'après une méta-analyse récente.7

Étude CHART-1

Le Dr Jozef Bartunek du Centre cardiaque de l'hôpital OLV d'Alost a commenté les résultats de l'étude CHART-1, la plus grande étude clinique évaluant l'efficacité et la sécurité de l'administration endomyocardique de cellules cardiopoïétiques comme traitement de l'insuffisance cardiaque ischémique avancée. Dans cette étude multicentrique prospective, randomisée, contrôlée par procédure factice, 315 patients présentant une sévère diminution de la fonction ventriculaire gauche et une aggravation de leur insuffisance cardiaque ont été randomisés entre un bras actif, recevant une administration endomyocardique de cellules cardiopoïétiques, et un bras témoin soumis à une procédure factice. Le critère d'évaluation primaire d'efficacité était un composite hiérarchique de mortalité globale, du nombre de cas d'aggravation de l'insuffisance cardiaque, et d'une modification de la qualité de vie, de la forme physique, des caractéristiques structurelles et de la fonction du ventricule gauche après 39 semaines. Pour l'ensemble de la population d'étude, le critère d'évaluation primaire de l'étude était neutre. Bien qu'on ait noté une tendance en faveur de l'administration de cellules cardiopoïétiques, le résultat n'était pas statistiquement significatif. Une analyse complémentaire a toutefois pu identifier un grand sous-groupe de patients, à savoir ceux ayant une augmentation initiale du volume ventriculaire gauche télédiastolique entre 200 et 370 ml, chez qui on a noté une amélioration statistiquement significative du critère d'évaluation primaire d'efficacité, en faveur de l'administration de cellules cardiopoïétiques. Cette sous-population cliniquement pertinente obtenait des résultats positifs, tant en ce qui concerne les critères d'évaluation clinique que la qualité de vie et la forme physique, et constitue un groupe cible potentiel pour l'utilisation éventuelle de la thérapie par cellules souches en cas d'insuffisance cardiaque.

Références

  1. Køber, L., Thune, J.J., Nielsen, J.C., Haarbo, J., Videbæk, L., Korup, E., et al. Defibrillator Implantation in Patients with Nonischemic Systolic Heart Failure. N Engl J Med, 2016, Aug 28, [Epub ahead of print].
  2. Ponikowski, P., Voors, A.A., Anker, S.D., Bueno, H., Cleland, J.G., Coats, A.J., et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC). Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur J Heart Fail, 2016, 18, 891-975.
  3. Strickberger, S.A., Hummel, J.D., Bartlett, T.G., Frumin, H.I., Schuger, C.D., Beau, S.L., et al. Amiodarone versus implantable cardioverter-defibrillator: randomized trial in patients with nonischemic dilated cardiomyopathy and asymptomatic nonsustained ventricular tachycardia -- AMIOVIRT. J Am Coll Cardiol, 2003, 41, 1707-1712.
  4. Kadish, A., Dyer, A., Daubert, J.P., Quigg, R., Estes, N.A., Anderson, K.P., et al. Prophylactic defibrillator implantation in patients with nonischemic dilated cardiomyopathy. N Engl J Med, 2004, 350, 2151-2158.
  5. Bardy, G.H., Lee, K.L., Mark, D.B., Poole, J.E., Packer, D.L., Boineau, R., et al. Amiodarone or an implantable cardioverter-defibrillator for congestive heart failure. N Engl J Med, 2005, 352, 225-237.
  6. Bristow, M.R., Saxon, L.A., Boehmer, J., Krueger, S., Kass, D.A., De Marco, T., et al. Cardiac-resynchronization therapy with or without an implantable defibrillator in advanced chronic heart failure. N Engl J Med, 2004, 350, 2140-2150.
  7. Klersy, C., Boriani, G., Silvestri, A., De Mairesse, G.H., Braunschweig, F., Scotti, V., et al. Effect of telemonitoring of cardiac implantable electronic devices on healthcare utilization: a meta-analysis of randomized, controlled trials in patients with heart failure. Eur J Heart Fail, 2016, 18, 195-204.
  8. Boriani, G., Da Costa, A., Quesada, A., Ricci, R.P., Favale, S., Boscolo, G., et al. Effects of remote monitoring on clinical outcomes and use of healthcare resources in heart failure patients with biventricular defibrillators: results of the MORE-CARE multicentre randomized controlled trial. Eur J Heart Fail, 2016, Aug 28, doi: 10.1002/ejhf.626. [Epub ahead of print].

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