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Compte rendu du symposium de la BeHRA sur le Leadless Pacing
  • Sander Trenson , Christophe Garweg , Yves Vandekerckhove 

Morceaux choisis des interventions du Pr C. Steinwender, Kepler Universitäts Klinikum, Linz, Autriche et du Dr C. Garweg, UZ Leuven, Leuven, Belgique

Les systèmes de stimulation sans fil constituent une alternative précieuse aux stimulateurs conventionnels, entraînant moins de complications et s'accompagnant d'une réduction de l'infection et d'une capacité à surmonter les obstacles anatomiques comme principaux atouts. Les plus grands défis relèvent de la gestion du cycle de vie et de la compression des coûts.

Introduction

En Belgique, les premiers stimulateurs cardiaques ont été implantés dans les années 1950. Depuis lors, les matériels et les logiciels ont rapidement évolué. Le développement de la stimulation auriculo-ventriculaire, l'introduction de la réponse en fréquence et la thérapie de resynchronisation - associée ou non avec un défibrillateur interne - sont les plus grandes révolutions ayant marqué ces sept dernières décennies. Les bénéfices de la stimulation conventionnelle sont aujourd'hui bien documentés. Mais l'utilisation d'un dispositif placé sous la peau et des sondes transveineuses s'accompagne d'un nombre non négligeable de complications, parfois fatales. Dans l'étude FOLLOWPACE, les chercheurs ont dénombré 12,4 % de complications précoces (≤ 2 mois après l'implantation) et 9,2 % de complications tardives, dont la majorité était liée à l'utilisation de sondes ou à des hématomes de loge.1 Depuis 2015 et la pose du premier stimulateur cardiaque sans fil en Belgique, l'espoir d'une technique plus sûre et tout aussi efficace est bien réel.

Stimulateurs sans fil - Où en sommes-nous?

Deux pacemakers miniaturisés, le NanostimTM (Abbott, ex-St. Jude Medical) et le MicraTM (Medtronic), connaissent une application clinique chez des patients requérant une stimulation simple chambre (VVI). Suite aux problèmes de batterie rencontrés chez Abbott/St. Jude Medical, seul le second est actuellement disponible sur le marché. Les deux stimulateurs peuvent s'implanter avec un système entièrement orientable dans le ventricule droit. Pour le MicraTM, le dispositif se compose d'une capsule dotée de dents, qui s'ancre dans le ventricule droit. Le NanostimTM, quant à lui, utilise un système de vis. Le stimulateur est implanté sous fluoroscopie, via l'aine droite et la veine cave inférieure, éventuellement après phlébographie et ventriculographie.2

Les capsules ont toute la technologie moderne intégrée également disponible dans les stimulateurs conventionnels. Elles sont compatibles avec l'IRM (1,5-3 Tesla), disposent d'un accéléromètre et d'un contrôle de capture et peuvent être commandées à distance. Ces dispositifs ont la propriété additionnelle de pouvoir être étendus, à la fin de la durée de vie de la batterie, pour l'implantation d'une deuxième, voire d'une troisième capsule. La durée de vie de la batterie est estimée à une douzaine d'années.

Reddy et al. ont publié les données de leur étude LEADLESS II (NanoStimsTM) dans le New England Journal of Medicine en 2015. Le stimulateur sans fil avait été implanté avec succès chez 95,8 % des patients. Vingt (20, 6,7 %) des 300 implantations se sont accompagnées de complications graves. Parmi les principales complications, nous retiendrons le déplacement (5, 1,7 %), la perforation (4, 1,3 %) et l'augmentation des seuils de stimulation nécessitant un remplacement (4, 1,3 %). Ces dispositifs ne sont actuellement pas utilisés en clinique, et ce jusqu'à résolution des problèmes de batterie.3

Pour ce qui concerne le MicraTM, les résultats de Reynolds et al. sont parus dans le New England Journal of Medicine en 2016. Le taux de réussite de l'implantation pour la population totale de 725 patients était de 99,2 %. L'efficacité de l'implantation était très bonne. Les seuils de stimulation étaient bas et stables chez 98,3 % des patients. Les seuils plus élevés, de l'ordre de ≤ 2V, au moment de l'implantation ont baissé durant les premiers mois chez la majorité des patients. Face à un seuil > 2V à une durée d'impulsion de 0,24 ms, le dispositif a dû être repositionné.4, 5 Il y a eu 24 (2,69 %) complications majeures pendant les 30 premiers jours suivant l'implantation. La majorité d'entre elles étaient liées à la ponction de l'aine (5, 0,69 %) ou à une perforation (10, 1,38 %). Après douze mois, 96 % des patients ne présentaient pas la moindre complication. Les complications étaient 48 % moins nombreuses par rapport au groupe témoin, composé de patients ayant reçu un stimulateur conventionnel.6

L'étude préalable à l'enregistrement, après l'autorisation du MicraTM, a recruté 795 patients entre juillet 2015 et janvier 2017. Cette étude a mis au jour un taux de réussite de 99,6 % pour les implantations réalisées par 149 spécialistes au sein de 96 centres répartis sur 20 pays. La technique semble donc tout à fait maîtrisable, y compris entre des mains peu expérimentées. Contrairement à l'étude de recherche, 73 patients avaient auparavant un stimulateur transveineux et 13 portaient préalablement un DCI. Chez 20,9 % des sujets, il y avait de sérieuses raisons de ne pas implanter de système transveineux, p. ex. accès veineux difficile, antécédent d'infection, préservation de la veine pour la dialyse, thrombose, cancer ou prothèses valvulaires. L'implantation était indiquée pour fibrillation auriculaire avec bradycardie (57,7 %), bloc AV (14,7 %), syncope (14,1 %), maladie du noeud sinusal (8,0 %), autres indications sans fibrillation auriculaire (3,4 %) ou autres indications non précisées (2,1 %). Le MicraTM était préférentiellement implanté dans le septum (52,1 %), dans l'apex du ventricule droit (39,3 %) et, dans une minorité de cas seulement, dans la chambre de chasse du ventricule droit (1,9 %) ou dans une autre position (6,3 %). L'étude préalable à l'enregistrement a recensé moins de complications, une réduction présumée due au glissement de l'implantation de l'apex du VD vers le septum. Il y a eu 13 (1,51 %) complications majeures durant les 30 premiers jours suivant l'implantation. La majorité d'entre elles étaient liées à la ponction de l'aine (6, 0,75 %), à une perforation (1, 0,13 %) et à un déplacement (1, 0,13 %). Les patients à haut risque de complications sont définis comme suit: âge > 75 ans, pneumopathie chronique, sexe féminin, faible IMC, cardiopathie ischémique et prise de corticostéroïdes per os.6, 7

En Belgique, plus de 220 dispositifs MicraTM ont été implantés dans les 15 centres d'implantation actifs depuis juillet 2015. L'UZ Antwerpen, l'UCL et l'UZ Leuven ont participé à l'étude internationale préalable à l'enregistrement. En octobre 2017, cette étude incluait 1 498 patients, dont 91 en Belgique, avec un âge moyen de 79,1 ± 9,7 ans et un suivi de 9,1 ± 6,2 mois. Trois complications étaient intervenues dans le groupe belge (1 hématome à l'aine, 1 pseudo-anévrisme et 1 déplacement). Les tableaux 1 et 2 illustrent les taux d'indications et de complications de l'étude préalable à l'enregistrement, en date du 31 octobre 2017, et de l'expérience belge.

Stimulateurs sans fils - Où allons-nous?

1re perspective. élargissement des indications

à l'heure actuelle, la seule et unique application clinique est un stimulateur simple chambre (VVI) (figure 1-1). La fibrillation auriculaire avec bradycardie et bloc AV est donc la principale indication d'un système sans fil, ce qui se limite à 16 % de toutes les indications de stimulation cardiaque. Les grands nombres de patients avec rythme sinusal et bloc AV (40 %), maladie du noeud sinusal (30 %) et maladie du noeud sinusal avec bloc AV (10 %) font l'objet de recherches intensives dans le chef de l'industrie. Dans le rythme sinusal avec bloc AV, il faut une détection adéquate du rythme sinusal et une synchronisation avec le rythme ventriculaire. De son côté, la maladie du noeud sinusal requiert une capsule supplémentaire, dont le mécanisme d'ancrage est légèrement modifié, pour la musculature plus fine de l'oreillette droite. Nous attendons donc, à moyen terme, des systèmes double chambre sans fil (figure 1-2). Les deux capsules doivent pouvoir communiquer entre elles en consommant peu d'énergie, mais en offrant une bonne marge de sécurité contre les interférences. La tâche s'avère plus ardue que prévu, mais les tests sur les modèles animaux vont bon train.

L'étape suivante est la thérapie de resynchronisation sans fil (figure 1-3). Celle-ci requiert une sonde implantée dans l'endocarde ou l'épicarde gauche. La communication entre les dispositifs implantés à droite et à gauche pourrait être améliorée par des amplificateurs sous-cutanés. Le système WiSE-CRT (EBR Systems, Sunnyvale, California) a été développé pour pallier les limites d'une position dans le sinus coronaire. On utilise un système conventionnel dans le coeur droit, en association avec une capsule endocardique dans le ventricule gauche, qui est en connexion avec un émetteur d'ultrasons/batterie sous-cutané et du côté droit, un système conventionnel. L'étude SELECT-LV a montré la faisabilité clinique chez 35 patients pour atteindre ainsi une simulation biventriculaire synchrone.8

En plus de cela, Tjong et al. ont publié en 2016 les premiers résultats d'un pacemaker sans fil (Boston Scientific) lié à un DCI sous-cutané pour associer le mode VVI classique à la stimulation antitachycardique. L'efficacité du concept a été démontrée dans un modèle ovin.9

à terme, ces évolutions peuvent déboucher sur un système CRT-D entièrement sans fil, ce qui pourrait réduire considérablement la morbidité associée aux sondes transveineuses dans cette population (figure 1-4).

2e perspective. Diminution du risque d'infection

L'infection de dispositifs implantables semble représenter un problème croissant. Kypta et al. ont montré la possibilité d'implanter un système sans fil chez 6 patients stimulo-dépendants victimes d'une infection de la sonde. Le système sans fil était implanté au cours de la procédure de retrait du pacemaker ou après un bref relais sous pacemaker temporaire.10 Idéalement, un système sans fil devrait toujours pouvoir être implanté au cours de la procédure de retrait du pacemaker en place, de manière à éviter la stimulation temporaire. Par nature, les systèmes sans fil s'accompagnent d'un moindre risque d'infection puisqu'il ne s'agit pas de sondes et qu'ils ne contiennent ni silicone ni polyuréthane, mais se composent purement et simplement d'une capsule en titane.

3e perspective. Problèmes d'accès pour sondes transveineuses

à terme, les stimulateurs sans fil pourront vraisemblablement aussi s'utiliser en cas d'anomalies congénitales ou de prothèse biologique de la valve tricuspide, où les sondes transveineuses sont impossibles ou indésirables.

4e perspective. Gestion du cycle de vie

Ce que nous réserve l'avenir en la matière est moins clair. Les autopsies nous ont appris que la plupart des dispositifs sans fil s'encapsulent complètement après l'implantation. De nouveaux instruments d'extraction, par dissection ou cautérisation, sont en cours de développement. Dans le même temps, des expériences sont menées en vue d'empêcher la migration de fibroblastes par traitement au laser de la surface de la capsule, même s'il pourrait en résulter un risque accru d'infection.

Une deuxième possibilité consiste à allonger la durée de vie de la batterie au moyen de transducteurs électromagnétiques, piézo-électriques ou électrostatiques qui transforment les mouvements du coeur, des gradients de la pression sanguine ou du flux sanguin en énergie ou en la rechargeant par voie transthoracique. à ce jour, la science correspondante se limite à la faisabilité technique et n'a pas encore été testée in vivo.11

5e perspective. Coût et remboursement

Les stimulateurs sans fil sont actuellement deux à trois fois plus chers que les pacemakers conventionnels et ne bénéficient d'aucun régime de remboursement spécifique. La question du business model à appliquer si les dispositifs fonctionnent 20 ans (leasing ou achat, par exemple) fait également l'objet de nombreux débats.

6e perspective. Qu'est-ce qui nous attend, par-delà l'horizon?

Quand Antonio Meucci a inventé le téléphone dans les années 1850, il ne pouvait pas s'imaginer que, 150 ans plus tard, le monde entier serait connecté sans fil. L'avenir de la stimulation cardiaque est sûrement sans fil, lui aussi, avec les atouts majeurs que représentent la réduction de l'infection et la capacité à surmonter les obstacles anatomiques. Dans un futur proche, les systèmes VVI devraient être rejoints par des systèmes VVD(R), AAI(R) et, plus tard, DDD(R) et CRT-P/D. Les plus grands défis relèvent de la gestion du cycle de vie et de la compression des coûts.

Conclusion

Comme pour toute technologie de rupture, une série de questions restent sans réponse. Les études randomisées permettront d'établir si la stimulation sans fil est effectivement plus sûre et aussi efficace que la stimulation conventionnelle. Quoi qu'il en soit, l'avenir est prometteur.

Références

  1. Udo, E.O., Zuithoff, N.P., van Hemel, N.M., de Cock, C.C., Hendriks, T., Doevendans, P.A., et al. Incidence and predictors of short- and long-term complications in pacemaker therapy: the FOLLOWPACE study. Heart rhythm, 2012, 9(5), 728-735.
  2. Kancharla, K., Deshmukh, A.J., Friedman, P.A. Leadless Pacemakers - Implant, Explant and Long-Term Safety and Efficacy Data. J Atr Fibrill, 2017, 10 (2), 1581.
  3. Reddy, V.Y., Exner, D.V., Cantillon, D.J., Doshi, R., Bunch, T.J., Tomassoni, G.F. et al. Percutaneous Implantation of an Entirely Intracardiac Leadless Pacemaker. N Engl J Med, 2015, 373 (12), 1125-1135.
  4. Piccini, J.P., Stromberg, K., Jackson, K.P., Laager, V., Duray, G.Z., El-Chami, M., et al. Long-term outcomes in leadless Micra transcatheter pacemakers with elevated thresholds at implantation: Results from the Micra Transcatheter Pacing System Global Clinical Trial. Heart rhythm, 2017, 14 (5), 685-691.
  5. Reynolds, D., Duray, G.Z., Omar, R., Soejima, K., Neuzil, P., Zhang, S., et al. A Leadless Intracardiac Transcatheter Pacing System. N Engl J Med, 2016, 374 (6), 533-541.
  6. Duray, G.Z., Ritter, P., El-Chami, M., Narasimhan, C., Omar, R., Tolosana, J.M., et al. Long-term performance of a transcatheter pacing system: 12-Month results from the Micra Transcatheter Pacing Study. Heart rhythm, 2017, 14 (5), 702-709.
  7. Roberts, P.R., Clementy, N., Al Samadi, F., Garweg, C., Martinez-Sande, J.L., Iacopino, S., et al. A leadless pacemaker in the real-world setting: The Micra Transcatheter Pacing System Post-Approval Registry. Heart rhythm, 2017, 14 (9), 1375-1379.
  8. Reddy, V.Y., Miller, M.A., Neuzil, P., Sogaard, P., Butter, C., Seifert, M., et al. Cardiac Resynchronization Therapy With Wireless Left Ventricular Endocardial Pacing: The SELECT-LV Study. JACC, 2017, 69 (17), 2119-2129.
  9. Tjong, F.V.Y., Brouwer, T.F., Kooiman, K.M., Smeding, L., Koop, B., Soltis, B., et al. Communicating Antitachycardia Pacing-Enabled Leadless Pacemaker and Subcutaneous Implantable Defibrillator. JACC, 2016, 67 (15), 1865-1866.
  10. Kypta, A., Blessberger, H., Kammler, J., Lambert, T., Lichtenauer, M., Brandstaetter, W., et al. Leadless Cardiac Pacemaker Implantation After Lead Extraction in Patients With Severe Device Infection. J Cardiovascul Electrophysiol, 2016, 27 (9), 1067-1071.
  11. Pfenniger A, Jonsson M, Zurbuchen A, Koch VM, Vogel R. Energy harvesting from the cardiovascular system, or how to get a little help from yourself. Ann Biomed Eng, 2013, 41 (11), 2248-2263.

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