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Compte rendu de la session Hot line 4 - congrès de l'ESC 2019
  • Tijs Bringmans

Dans cet article, j'analyserai les principaux résultats de l'étude BB-meta-HF et de l'étude 'SYNTAX extended survival', ainsi que les résultats à 2 ans de l'étude MITRA-FR. Ces études ont été présentées lors de la 'Hot Line session 4' du congrès de la ESC à Paris.

BB-meta-HF - Beta-blockers are effective in high-risk heart failure patients with reduced ejection fraction and moderately-severe renal dysfunction

Exposé de Dipak Kotecha (Birmingham, Royaume-Uni).

Le Beta-Blockers in Heart Failure Collaborative Group (étude BB-meta-HF) examine l'effet d'une dysfonction rénale sur la mortalité chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (HFrEF), en utilisant les données individuelles de 16 740 patients souffrant d'insuffisance cardiaque, inclus dans 11 études randomisées contrôlées ayant comparé des bêtabloquants avec un placebo. Les chercheurs voulaient savoir si les bêtabloquants réduisent la mortalité en cas d'HFrEF associée à une dysfonction rénale modérée (45-59 ml/ min) ou modérée-sévère (30-44 ml/min).

Lors d'un suivi médian de 1,3 an, on a observé une relation très négative entre le degré de dysfonction rénale et la mortalité. Un patient souffrant d'HFrEF ayant une clairance de 35 ml/min court un risque de mortalité doublé par rapport à un patient ayant une clairance de 60 ml/ min, et la mortalité augmente de 12 % pour chaque diminution de clairance de 10 ml/min (IC à 95 % 10-15 %; p < 0,001). Par rapport au placebo, on n'a pas observé de relation avec une plus ample dégradation de la fonction rénale; en d'autres termes, les bêtabloquants n'ont pas d'effet néfaste sur la fonction rénale.

En rythme sinusal, les bêtabloquants étaient associés à une réduction significative de la mortalité (27 % de RR pour une insuffisance rénale modérée et 29 % de RR pour une insuffisance rénale modérée-sévère). Il ne faut traiter que 21 patients pour éviter 1 décès, ce qui est comparable au groupe ayant une fonction rénale normale (en dépit de la fréquence plus élevée de comorbidités). Comme on dispose encore de données insuffisantes lorsque la clairance est < 30 ml/min, on ne peut encore se prononcer à ce sujet. En cas de FA, on n'a pas observé d'effet sur la mortalité. Comparativement au rythme sinusal, la FA est toutefois associée à une clairance significativement plus faible (-4 ml/min) et à une mortalité plus élevée (+5 %). De ce fait, il est important de prévenir le développement d'une FA en cas d'HFrEF, notamment grâce à l'utilisation du traitement de l'insuffisance cardiaque à des doses correctes.

Enfin, comparativement au placebo, les bêtabloquants n'engendrent pas plus d'effets indésirables nécessitant l'arrêt du traitement, ce qui a permis la titration adéquate du traitement chez la plupart des patients.

Le Dr Kotecha a conclu que la dysfonction rénale est souvent considérée à tort comme un seuil pour instaurer un traitement de l'HFrEF conforme aux recommandations. Les bêtabloquants améliorent en effet le pronostic, et le bénéfice absolu est aussi important que lorsque la fonction rénale est préservée, sans différence au niveau du nombre de patients arrêtant les bêtabloquants pour cause d'effets indésirables, par rapport au placebo.

SYNTAX-ES - Ten-Year Survival after Coronary Artery Bypass Grafting versus Percutaneous Coronary Intervention: The SYNTAX Extended Survival study

Exposé de Daniel THUIJS (Rotterdam, Pays-Bas).

L'étude SYNTAX-ES (Synergy between PCI with Taxus and Cardiac Surgery - Extended Survival) montre les résultats, 10 ans après une randomisation entre une intervention coronaire percutanée (PCI) avec des stents médicamenteux de première génération versus un CABG en cas de maladie de 3 vaisseaux et de sténose sévère du tronc commun.1 Le cas de chaque patient avait été discuté en Heart Team, et le patient avait pu être randomisé s'il n'y avait pas de préférence absolue pour une PCI (n = 903) ou un CABG (n = 897). Les résultats précédents avaient montré une séparation des courbes de survie au bout d'un an, avec une dissociation additionnelle jusqu'à 5 ans de suivi, toutefois sans signification statistique.2, 3

Au bout de 10 ans, il n'y avait pas de différence significative sur le plan de la survie entre une PCI et un CABG dans l'ensemble de la cohorte (HR 1,17, IC à 95 % 0,97-1,41; p = 0,092). En ce qui concerne une maladie de 3 vaisseaux, on a bien observé un bénéfice de survie significatif avec un CABG (HR 1,41 pour la PCI; IC à 95 % 1,10-1,80; p = 0,006). Ceci était notamment valable en cas d'anomalies coronaires complexes (score Syntax > 33) (HR 1,41 pour la PCI; IC à 95 % 1,05-1,89). à cet égard, il faut savoir que les patients ayant un score Syntax élevé avaient déjà été exclus de l'étude, suite au fait que les membres de la Heart Team avaient opté pour un CABG (score Syntax moyen 37,8).

Dans le sous-groupe présentant une sténose du tronc commun, on n'a pas observé de différences de survie (HR 0,90; IC à 95 % 0,68-1,20; p = 0,47). Par ailleurs, il était quelque peu surprenant de voir que les diabétiques avaient une survie à 10 ans comparable. Cet effet pourrait s'expliquer par le nombre relativement faible de diabétiques (n = 452) et par le fait que le diabète constitue un effect modifier en cas de maladie pluritronculaire, mais pas en cas d'atteinte isolée du tronc commun.

Le Dr Thuijs a conclu qu'un CABG est préférable en cas de maladie de 3 vaisseaux, surtout si elle est associée à un score Syntax élevé. En cas d'atteinte significative du tronc commun, une PCI est une alternative équivalente au CABG, et il en va de même en cas de maladie pluritronculaire 'simple' avec des scores Syntax faibles. Bien entendu, la Heart Team doit également inclure d'autres paramètres non étudiés dans la décision de revascularisation, comme le risque d'infarctus myocardique, d'AVC, de thrombose du stent, d'occlusion de la greffe et les comorbidités. Sur la base des résultats actuels, le diabète n'a aucune conséquence directe sur la décision de la Heart Team.

MITRA-FR - 2 years follow-up of the MITRA-FR study: a randomized controlled trial evaluating the effectiveness of percutaneous mitral valve repair in secondary mitral regurgitation

Exposé de Jean-François Obadia (Lyon-Bron Cedex, France).

En cas d'insuffisance cardiaque avancée, le ventricule se dilate, ce qui entraîne une insuffisance mitrale (IM) secondaire. Les résultats à 1 an de l'étude MITRA-FR n'avaient pas montré d'effet sur la mortalité, comparativement à un traitement médical optimal.4 En revanche, au bout de 2 ans de suivi dans l'étude COAPT, on a observé un effet bénéfique significatif sur le plan du critère d'évaluation combiné de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque et de mortalité.5

Au bout de 2 ans de suivi également, il n'y a pas de différence significative sur le plan du critère d'évaluation combiné de mortalité et d'hospitalisation non prévue pour insuffisance cardiaque (64,2 % Mitraclip vs 68,6 % traitement médicamenteux; HR 1,04; IC à 95 % 0,76-1,42).6 Même lorsque chaque critère d'évaluation était analysé séparément, on n'a pu noter aucune différence sur le plan de la mortalité (33,9 % vs 35 %; HR 0,99; IC à 95 % 0,64-1,52) et des hospitalisations non prévues pour insuffisance cardiaque (59,7 % vs 63,5 %; HR 1,03; IC à 95 % 0,74-1,43). Le Prof. Obadia a conclu que, sur la base de la présente analyse, il n'y a pas de valeur ajoutée pour le groupe de patients étudié pour le traitement percutané de l'IM secondaire comparativement au traitement médicamenteux seul, du moins sur le plan de la mortalité et des hospitalisations non prévues pour insuffisance cardiaque. Une analyse des événements survenus entre 12 et 24 mois a par contre suggéré une diminution du nombre de premières hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe intervention (HR 0,47; IC à 95 % 0,22-0,98), ce qui concordait avec le nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque (159 vs 186; HR 0,87; IC à 95 % 0,56-1,35).

Le Prof. Obadia affirme que la différence notable par rapport à l'étude COAPT peut être expliquée par la sélection postulée des patients. Les différences sur le plan des critères d'inclusion ont induit un grade d'IM plus prononcé, un remodelage ventriculaire gauche moins marqué, des pressions pulmonaires moindres et une meilleure fonction ventriculaire droite dans l'étude COAPT par rapport au groupe MITRA-FR.

Ensuite, le Dr Hahn a expliqué que l'étude MITRA-FR a traité un grand groupe de patients souffrant d'IM sévère, proportionnelle au degré de dilatation ventriculaire gauche. En revanche, l'étude COAPT a essentiellement traité des patients souffrant d'IM sévère, non proportionnelle au degré de dilatation ventriculaire gauche, suite à quoi l'IM n'était donc pas exclusivement générée par la dysfonction du ventricule - une intervention valvulaire pouvait dès lors avoir un impact maximal sur le pronostic. Ce concept d'IM proportionnelle ou non est vraisemblablement le facteur responsable de la différence sur le plan des critères d'évaluation entre ces deux études. De plus amples études seront nécessaires pour sélectionner une population chez qui le Mitraclip a un effet bénéfique clair. Par ailleurs, elle a souligné l'importance du traitement médicamenteux optimal, ce qui explique peutêtre les chiffres de mortalité plus élevés dans le groupe témoin de l'étude COAPT, comparativement à MITRA-FR (resp. 46 % vs 34 %). Ainsi, les inhibiteurs du SRAA étaient plus fréquemment prescrits dans l'étude MITRA-FR que dans l'étude COAPT (84,7 % vs 67,1 %).

Elle a conclu que les populations de ces deux études ne doivent pas uniquement être considérées comme un continuum de la maladie, mais aussi comme un continuum du traitement médical, que les deux études sont concordantes et que l'utilité additionnelle d'une réparation edge-to-edge en plus d'un traitement médicamenteux optimal devra encore être prouvée à l'avenir.

Références

  1. Thuijs, D., Kappetein, AP., Serruys, P., Mahr, F.W., Marice, M.C., Mack, M., et al. Percutaneous coronary intervention versus coronary artery bypass grafting in patients with three-vessel or left main coronary artery disease: 10-year follow-up of the multicenter randomized controlled SYNTAX trial. Lancet, 2019, doi: 10.1016/S0140- 6736(19)31997-X
  2. Serruys, P.W., Morice, M.C., Kappetein, A.P., Colombo, A., Holmes, D.R., Mack, M.J., et al. Percutaneous coronary intervention versus coronary-artery bypass grafting for severe coronary artery disease. N Engl J Med, 2009, 360 (10), 961-972.
  3. Mohr, F., Morice, M.C., Kappetein, A.P., Feldman, T.E., Stahle, E., Colombo, A., et al. Coronary artery bypass graft surgery versus percutaneous coronary intervention in patients with three-vessel disease and left main coronary disease: 5-year follow-up of the randomized, clinical SYNTAX trial. Lancet, 2013, 381 (9867), 629-638.
  4. Obadia, J.F., Messika-Zeitoun, D., Leurent, G., Iung, B., Bonnet, G., Piriou, N., et al. Percutaneous Repair or Medical Treatment for Secondary Mitral Regurgitation. N Engl J Med, 2018, 379 (24), 2297-2306.
  5. Stone, G.W., Lindenfield, J., Abraham, W.T., Kar, S., Lim, D.S., Mishell, J.M., et al. Transcatheter Mitral-Valve Repair in Patients with Heart Failure. N Engl J Med, 2018, 379 (24), 2307-2318.
  6. Iung, B., Armoiry, X., Vahanian, A., Boutitie, F., Mewton, N., Trochu, JN., et al. Percutaneous Repair or Medical Treatment for Secondary Mitral Regurgitation: Outcomes at 2 years. Eur J Heart Fail, 2019, doi: 10.1002/ ejhf.1616.

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