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Le contrôle précoce du rythme améliore le résultat chez les patients atteints de fibrillation atriale
  • Maxime Tijskens 

Congrès de l'ESC 2020

Compte rendu de la hot line session

Lors du congrès virtuel de l'ESC 2020, le professeur Kirchhof (Universités de Hambourg et de Birmingham) a présenté les résultats de l'étude EAST-AFNET 4. Cette étude visait à évaluer si une stratégie de contrôle précoce du rythme dans la fibrillation atriale influençait le résultat clinique de manière positive (risque plus faible d'accidents cardiovasculaires), par rapport à la prise en charge habituelle. Les résultats ont été publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine1.

Les études précédentes ayant comparé la stratégie de contrôle du rythme et de la fréquence dans la fibrillation atriale n'ont jusqu'à présent pas permis de mettre en évidence un avantage de la stratégie de contrôle du rythme en ce qui concerne le résultat clinique2-4. Le professeur Kirchhof a souligné que l'étude EAST-AFNET 4 se distinguait des études précédentes pour deux raisons majeures. Premièrement, l'ablation par cathéter était une option de la stratégie de contrôle du rythme et, deuxièmement, le traitement a été instauré peu de temps après le diagnostic de fibrillation atriale.

L'étude EAST-AFNET 4 était un essai prospectif, randomisé, ouvert et en double aveugle (PROBE), dans lequel un total de 2 789 patients, répartis sur 135 centres dans 11 pays d'Europe, ont été inclus au cours de la période allant du 28 juillet 2011 au 30 décembre 2016. Pour être inclus, les patients devaient être atteints de fibrillation atriale récemment diagnostiquée (première documentation par ECG moins d'un an auparavant) et présenter un risque accru d'accidents cardiovasculaires (score CHA2DS2-VASc supérieur ou égal à 2). Les patients ont ensuite été randomisés (1:1) pour suivre la « stratégie de contrôle précoce du rythme » (anticoagulants, contrôle de la fréquence et contrôle du rythme sous forme d'antiarythmiques et/ou d'une ablation par cathéter) ou la « prise en charge habituelle » (anticoagulants et contrôle de la fréquence ; le contrôle du rythme n'a été ajouté qu'en cas de symptômes persistants malgré un traitement optimal de contrôle de la fréquence).

L'étude EAST-AFNET 4 présentait deux critères d'évaluation primaires : d'une part, un critère composite comprenant le décès cardiovasculaire, un accident vasculaire cérébral (ischémique ou hémorragique), une hospitalisation pour cause d'insuffisance cardiaque ou de syndrome coronarien aigu ; d'autre part, le nombre de nuits d'hospitalisation par an. Le critère de sécurité primaire était également un critère composite comprenant le décès (toutes causes), un accident vasculaire cérébral et des effets indésirables graves de la stratégie de contrôle du rythme. 1 395 patients ont finalement été randomisés pour faire partie du bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » et 1 394 pour faire partie du bras « prise en charge habituelle ». Tous ces patients ont été inclus dans l'analyse primaire. La durée médiane de suivi était de 5,1 ans.

Les patients des deux bras de l'étude étaient comparables : l'âge moyen était de 70 ans, un peu plus de la moitié des patients étaient des hommes et le score CHA2DS2-VASc moyen était de 3,4. Le Prof. Kirchhof a précisé que les patients inclus étaient atteints de fibrillation atriale à un stade précoce. Plus d'un tiers des patients ont été inclus immédiatement après la première documentation de fibrillation atriale. La durée médiane entre le diagnostic et l'inclusion était de 36 jours. 30 % des patients étaient entièrement asymptomatiques (score EHRA 1). Environ 90 % des patients étaient sous anticoagulants oraux. Le traitement des comorbidités était excellent : deux tiers des patients prenaient un inhibiteur de l'ACE, un sartan ou de la néprilysine/du valsartan.

Dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme », 94,8 % des patients à l'inclusion et 65,1 % après deux ans ont été effectivement traités au moyen d'une stratégie de contrôle du rythme. Chez 8 %, la stratégie initiale de contrôle du rythme était une ablation par cathéter, et 19,4 % des patients ont subi une telle ablation par cathéter après deux ans. Dans le bras « prise en charge habituelle », 7 % des patients ont subi une ablation par cathéter après deux ans (figure 1). Dans ce bras de l'étude, 85,4 % des patients n'avaient encore reçu aucun traitement de contrôle du rythme après deux ans.

Le critère d'évaluation primaire composite comprenant le décès de cause cardiovasculaire, un accident vasculaire cérébral, une hospitalisation pour cause d'insuffisance cardiaque ou de syndrome coronarien aigu a eu lieu chez 249 patients dans le bras « stratégie de contrôle précoce » (incidence de 3,9 % par an), contre 316 patients dans le bras « prise en charge habituelle » (incidence de 5 % par an). Il en résulte un ratio de risque (p = 0,005) significatif de 0,79. Nous pouvons voir à la figure 2 que les deux courbes se séparent tôt et que la différence entre les deux augmente avec le temps de suivi. En outre, une analyse de 19 sous-groupes prédéfinis (sur la base de l'âge, du sexe, des comorbidités, des symptômes, de l'insuffisance cardiaque et de la FEVG, entre autres) a montré un effet cohérent en ce qui concerne l'avantage de la stratégie de contrôle précoce du rythme. Aucune différence significative n'a été observée pour le deuxième critère d'évaluation primaire : le nombre moyen de nuits d'hospitalisation était de 5,8 ± 21,9 dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » de l'étude, et de 5,1 ± 15,5 dans le bras « prise en charge habituelle ».

Après deux ans, 82,1 % des patients du bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » étaient en rythme sinusal, contre 60,0 % des patients du bras « prise en charge habituelle ». Après deux ans, la majeure partie de ces patients demeurait asymptomatique, sans différence significative entre les deux bras de l'étude (74,3 % contre 72,6 %). Aucune différence significative n'a été observée entre les deux bras de traitement en ce qui concerne les critères de sécurité primaires composites (16,6 % contre 16 %).

Si nous examinons les composants individuels, nous voyons toutefois que les accidents vasculaires cérébraux étaient significativement moins fréquents dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » (2,9 % contre 4,4 %). Les décès (toutes causes) étaient également moins fréquents dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » (9,9 % contre 11,8 %), mais cette différence ne s'est pas avérée significative. Comme prévu, un nombre significativement plus élevé d'effets indésirables liés au traitement de contrôle du rythme sont survenus dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme », étant donné que ce groupe a été plus largement traité à l'aide de cette thérapie. Il convient toutefois de noter que ces effets indésirables étaient rares (4,9 % contre 1,4 %).

Le Pr Kirchhof a terminé par la conclusion suivante : l'instauration précoce du traitement de contrôle du rythme (antiarythmiques et/ou ablation par cathéter) chez les patients atteints depuis peu de fibrillation atriale permet d'obtenir un meilleur résultat sans impact sur le nombre de nuits d'hospitalisation. Comme prévu, cette stratégie s'accompagne d'un plus grand nombre d'effets indésirables liés au traitement. Néanmoins, la sécurité générale était comparable à celle de la prise en charge habituelle.

Lors de la discussion ultérieure, les résultats ont été accueillis de manière particulièrement positive. La Pr Potpara (Université de Belgrade) a néanmoins formulé quelques observations critiques. Elle a ainsi fait remarquer que les patients de l'étude EAST-AFNET 4 n'étaient pas gravement malades, comme le montrent les faibles scores CHA2DS-VASc, principalement déterminés par l'hypertension artérielle, le sexe féminin et l'âge. Le surpoids et l'obésité étaient cependant très fréquents parmi la population de l'étude (80 %). Les cardiopathies structurelles sous-jacentes des patients étaient également peu nombreuses, comme le révèle le choix des antiarythmiques et les paramètres de l'échocardiographie. La Pr Potpara a également insisté sur le fait que les incidences faibles pouvaient être le résultat d'un très bon respect des directives actuelles (90 % des patients étaient sous anticoagulants et le contrôle des facteurs de risque et des comorbidités faisait l'objet d'une grande attention). En outre, le suivi était plus poussé dans le bras « stratégie de contrôle précoce du rythme » de l'étude : les patients trans mettaient un électrocardiogramme deux fois par semaine, voire plus lorsque des symptômes survenaient, et en cas d'anomalie, une réévaluation clinique anticipée était prévue (bien que les 300 000 ECG réalisés n'aient entraîné que de 200 consultations anticipées). Les bons résultats pourraient dès lors s'expliquer dans une certaine mesure par le suivi structuré plus global, et pourraient ne pas être entièrement imputables à la stratégie de contrôle précoce du rythme. La Pr Potpara a donc nuancé les résultats de l'étude et a conclu qu'une stratégie de contrôle précoce du rythme combinée à un suivi structuré chez les patients atteints depuis peu de fibrillation atriale permettait d'obtenir un meilleur résultat. Le rôle précis de la stratégie de contrôle précoce du rythme sur la différence observée en termes d'incidence reste toutefois à éclaircir. L'étude EAST-AFNET 4 a néanmoins montré qu'une stratégie de contrôle précoce du rythme associée à un suivi structuré chez les patients atteints depuis peu de fibrillation atriale était sûre, du moins chez les patients présentant une cardiopathie structurelle sous-jacente inexistante à modérée.

Références

  1. Kirchhof, P. et al. Early Rhythm-Control Therapy in Patients with Atrial Fibrillation. N Engl J Med, 2020, 383 (14), 1305-1316.
  2. Packer, D. et al. Effect of Catheter Ablation vs Antiarrhythmic Drug Therapy on Mortality, Stroke, Bleeding, and Cardiac Arrest Among Patients With Atrial Fibrillation. JAMA, 2019, 321 (13), 1261.
  3. Wyse, D.G. et al. A Comparison of Rate Control and Rhythm Control in Patients with Atrial Fibrillation. N Engl J Med, 2020, 347 (23), 1825-1833.
  4. Van Gelder, I.C. et al. A Comparison of Rate Control and Rhythm Control in Patients with Recurrent Persistent Atrial Fibrillation. N Engl J Med, 2002, 347 (23), 1834-1840.

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