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Etude LoDoCo2: 'Teaching an old drug new tricks'
  • Frederik Van Durme

Congrès de l'ESC 2020

Compte rendu de la hot line session

Le 31 août 2020, le Dr Mark Nidorf (Perth, Australie) a présenté les résultats de l'étude LoDoCo21, lors de la première session Hotline de cette version virtuelle du congrès 2020 de l'ESC. Les conclusions de cette étude étaient très attendues, dans la foulée des résultats générateurs d'hypothèses de l'étude LoDoCo2, qui avait déjà postulé en 2012 que l'effet anti-inflammatoire de la colchicine pourrait potentiellement réduire les complications de l'athérosclérose (qui reste la principale cause de décès chez les hommes et les femmes adultes) chez les patients souffrant d'une maladie coronarienne stable (ou d'une maladie coronarienne chronique).

Le Dr Nidorf a tout d'abord rappelé qu'en 2017, l'étude CANTOS3 avait montré que l'effet anti-inflammatoire spécifique du canakinumab (anticorps monoclonal humain bloquant l'action de l'interleukine 1β) était associé à une réduction du nombre d'accidents cardiovasculaires dans un contexte de coronaropathie ischémique avec des caractéristiques à haut risque, mais au prix d'une incidence plus élevée d'infections fatales par rapport au groupe placebo. En revanche, la colchicine est un médicament anti-inflammatoire à large spectre qui est facilement disponible. L'année dernière, l'étude COLCOT4 avait déjà mis en évidence les effets bénéfiques d'une faible dose de colchicine sur un critère d'évaluation combiné constitué des accidents cardiovasculaires chez des patients ayant récemment (dans les 30 jours) présenté un infarctus myocardique. Cependant, jusqu'à présent, il n'existait que des preuves limitées au sujet des effets bénéfiques de la colchicine chez les patients atteints de maladies coronariennes stables chroniques.

L'étude LoDoCo2 portait sur l'évaluation de l'effet d'un traitement par colchicine à une dose de 0,5 mg par jour sur le développement de complications cardiovasculaires chez des patients souffrant d'une maladie coronarienne chronique. L'étude, conduite à l'initiative de l'investigateur, en double aveugle, contrôlée par placebo, était guidée par la survenue d'un nombre prédéterminé d'accidents. L'inclusion a débuté en Australie (GenesisCare) en 2014 et a été étendue aux Pays-Bas (Dutch Network for Cardiovascular Research) en 2016 (dernière inclusion le 4 novembre 2018). Le protocole permettait d'inclure des patients âgés de 35 à 82 ans, souffrant d'une coronaropathie ischémique connue, stables depuis plus de 6 mois. Après une période d'inclusion 'ouverte' au cours de laquelle tous les participants ont reçu une dose quotidienne de 0,5 mg pendant 30 jours, les sujets qui toléraient bien le traitement ont été randomisés vers un traitement par 0,5 mg de colchicine par jour ou un placebo, en plus de leur traitement standard. On avait décidé de mettre fin à l'étude 12 mois après l'inclusion du dernier patient, à condition qu'un total de 331 critères d'évaluation primaire soient survenus, dans le but de détecter une diminution de 30 % du critère d'évaluation primaire combiné avec une puissance statistique supérieure à 90 %.

Le critère d'évaluation primaire consistait en une combinaison de décès d'origine cardiovasculaire, d'infarctus myocardiques, d'accidents vasculaires cérébraux ischémiques et de nécessité de revascularisation coronarienne (guidée par l'ischémie). Par ailleurs, plusieurs critères d'évaluation secondaire ont été enregistrés, notamment la combinaison de décès d'origine cardiovasculaire, d'infarctus myocardiques, d'accidents vasculaires cérébraux ischémiques, en plus des différentes composantes individuelles, ainsi que la mortalité totale.

En tout, 6 528 sujets ont été inclus, dont 91,3 % avaient bien toléré le traitement lors de la période d'inclusion. 5 522 patients ont finalement été randomisés vers le bras thérapeutique ou le bras placebo. Le suivi médian atteignait 29 mois et, dans les deux groupes, 90,3 % des participants ont poursuivi le traitement. Dans les deux bras, 3,4 % des patients ont arrêté le traitement en raison d'effets indésirables. à la fin de l'étude, les critères d'évaluation étaient connus chez tous les patients sauf un. Les caractéristiques initiales n'étaient pas significativement différentes dans les deux groupes, et elles étaient typiques d'une population de patients souffrant d'une coronaropathie ischémique chronique: l'âge moyen était de 66 ans, et l'immense majorité des patients étaient des hommes. La moitié des patients souffraient d'hypertension artérielle, plus de 15 % étaient diabétiques et un peu plus de 10 % étaient des fumeurs actifs. Plus de 80 % avaient déjà subi une revascularisation coronaire. En outre, plus de 80 % des patients avaient déjà souffert d'un infarctus myocardique, survenu toutefois plus de 2 ans avant l'inclusion chez plus de 65 % des patients. Plus de 90 % des sujets recevaient un traitement médical optimal comprenant à la fois des antiagrégants (s'ils n'étaient pas traités, il y avait une indication pour un anticoagulant) et des statines (6 % étaient intolérants).

Le critère d'évaluation primaire combiné (décès d'origine cardiovasculaire, infarctus myocardiques, accidents vasculaires cérébraux ischémiques et revascularisation coronarienne guidée par l'ischémie) est survenu chez 9,6 % des patients du groupe placebo. Le nombre d'accidents était assez constant au cours de l'étude: 3,6 accidents pour 100 personnes-années. En revanche, on a constaté une diminution statistiquement significative du nombre de critères d'évaluation dans le bras thérapeutique, soit 6,8 % ou un nombre d'accidents de 2,5 pour 100 personnes-années: le rapport de risque atteignait 0,69, avec un intervalle de confiance à 95 % entre 0,57 et 0,83 selon l'analyse ITT (P < 0,001) (figure 1). La figure montre que l'effet de la colchicine était précoce et qu'il était cumulatif tout au long de la période d'étude. De même, la survenue du critère d'évaluation secondaire combiné constitué des décès d'origine cardiovasculaire, des infarctus myocardiques et des accidents vasculaires cérébraux ischémiques était statistiquement significativement plus faible dans le bras traité par colchicine: rapport de risque de 0,72 (intervalle de confiance à 95 % entre 0,57 et 0,92 (P < 0,007)). Les patients du bras colchicine obtenaient également des résultats statistiquement significativement meilleurs à l'analyse de cinq des autres critères d'évaluation secondaire. Lorsque les accidents vasculaires cérébraux ischémiques, la mortalité totale et la mortalité cardiovasculaire ont été analysés en tant que critère d'évaluation isolé, aucune différence significative n'a été observée entre les deux bras. Les résultats étaient cohérents lors de l'analyse de plusieurs sous-groupes préalablement spécifiés (plus ou moins de 65 ans, hypertendus ou non, dose plus ou moins élevée de statine...).

On n'a pas noté de différences statistiquement significatives sur le plan de la survenue d'événements indésirables tels qu'un nouveau diagnostic de cancer, une hospitalisation pour infection, pneumonie ou pour un motif gastro-intestinal, une neutropénie et une myotoxicité (tableau 1). L'incidence des décès non cardiovasculaires était faible dans les deux groupes (1,9 % dans le bras colchicine et 1,3 % dans le bras placebo) et elle n'était pas statistiquement significativement différente. Cependant, le rapport de risque de 1,51 (intervalle de confiance à 95 % de 0,99 à 2,31) incite à la prudence.

Le Dr Nidorf a conclu qu'un traitement par colchicine chez des patients souffrant d'une coronaropathie chronique, recevant déjà un traitement médical optimal impliquant des antiagrégants plaquettaires et des statines, réduit de manière significative le risque de critères d'évaluation cardiovasculaire composites et isolés, avec des effets assez cohérents dans plusieurs sous-groupes. Le traitement était généralement bien toléré et s'est avéré assez sûr. Par conséquent, l'étude LoDoCo2 fournit une base solide pour envisager un traitement par colchicine en prévention secondaire chez les patients souffrant d'une coronaropathie chronique.

Par la suite, le Pr Massimo Imazio (Turin), pionnier dans l'utilisation de la colchicine chez les patients souffrant d'une péricardite aiguë, a mis les résultats de l'étude LoDoCo2 en perspective avec ceux des études LoDoCo et COLCOT. La colchicine est un anti-inflammatoire efficace et sûr pour les patients présentant des plaques athéromateuses. Outre son effet inhibiteur sur la polymérisation des microtubules dans les globules blancs, elle a également la capacité d'inhiber l'activation de l'inflammasome NLRP3, responsable de la génération de cytokines telles que l'interleukine1.

L'étude LoDoCo2 fournit donc des preuves convaincantes indiquant que la colchicine peut être instaurée efficacement en prévention secondaire chez les patients souffrant de syndromes coronariens chroniques, à condition d'être administrée à faible dose: 0,5 mg par jour. Il convient de noter que 10 % des patients ne toléreront pas le traitement en raison d'effets indésirables gastro-intestinaux. Il faut également prêter attention aux effets indésirables et aux interactions potentielles (p. ex. avec les statines) et surveiller l'hémogramme, les transaminases et le taux de créatine phosphokinase.

De la discussion animée par le Pr Filippo Crea (Rome) et le Pr Stephan Achenbach (Erlangen), retenons les points suivants: en ce qui concerne les différences entre les cohortes australienne et néerlandaise, on a avancé qu'il y avait plus de similitudes que de différences et que le hasard a peut-être joué un rôle. Bien que de nombreux patients de l'étude LoDoCo2 aient déjà présenté un infarctus myocardique, il convient de souligner que, chez la majorité des patients, cet événement aigu s'était produit plus de deux ans avant l'inclusion. Contrairement à l'étude COLCOT, qui avait inclus des patients dans les 30 jours suivant un infarctus myocardique, l'étude LoDoCo2 a montré que, dans une population de patients souffrant d'une coronaropathie chronique, un traitement par colchicine entraînait une diminution significative du nombre de critères d'évaluation cardiovasculaire. Contrairement à l'étude CANTOS, la survenue d'infections fatales ou non n'a pas constitué un problème dans l'étude LoDoCo2. Toutefois, la prudence s'impose en raison des interactions entre la colchicine et les statines, par exemple, en particulier chez les patients souffrant d'insuffisance rénale chronique, bien que l'incidence de la myotoxicité ait été faible dans l'étude. Enfin, soulignons la différence - peut-être non significative - sur le plan des décès non cardiovasculaires, qui peut être due au hasard, étant donné que dans l'étude COLCOT, on n'avait pas constaté de différences entre le bras thérapeutique et le bras placebo1.

Références

  1. Nidorf, S.M., Fiolet, A.T.L., Mosterd, A. et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease. N Engl J Med, 2020. DOI: 10.1056/ NEJMoa2021372.
  2. Nidorf, S.M., Eikelboom, J.W., Budgeon, C.A. et al. Low-dose colchicine for secondary prevention of cardiovascular disease. J Am Coll Cardiol, 2013, 61, 404-10.
  3. Ridker, P.M., Everett, B.M., Thuren, T. et al. Antiinflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. N Engl J Med, 2017, 377, 1119-1131.
  4. Tardif, J-C., Kouz, S., Waters, D.D. et al. Efficacy and safety of low-dose colchicine after myocardial infarction. N Engl J Med, 2019, 381, 2497-5050.

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