NL | FR
The journey to improved outcomes in transthyretin amyloid cardiomyopathy
  • Michiel Delesie , Philippe Junior Timmermans 

Compte rendu du congrès de l'ESC

L'amylose cardiaque (CA) est causée par un dépôt extracellulaire de protéines mal repliées dans le tissu cardiaque, principalement par agrégation de chaînes légères d'immunoglobulines (amylose à chaînes légères [AL]), ou par la protéine transthyrétine mal repliée (ATTR).1 L'ATTR se présente sous une forme héréditaire (hATTR) ou acquise (wtATTR). Ces dernières années, l'intérêt porté à la CA n'a fait que croître en raison de l'important impact pronostique pour le patient et de la mise à disposition de traitements stabilisateurs de la maladie. Lors du congrès 2023 de l'ESC, un nombre considérable de sessions ont été organisées autour de la CA, dont le symposium 'The journey to improved outcomes in transthyretin amyloid cardiomyopathy'. La session était présidée par Pablo García-Pavia (Espagne), Perry Elliot (Royaume-Uni), Thibaud Damy (France) et Nina Ajmone Marsan (Pays- Bas).

Prévalence et impact de l'amylose ATTR

Alors que le nombre de patients atteints d'AL-CA est resté stable (incidence annuelle de 1/100 000), le nombre de diagnostics d'ATTR-CA a augmenté ces dernières années.2 Il est à ce jour difficile de se prononcer avec certitude sur la prévalence exacte de l'ATTR-CA, mais elle est présumée supérieure à celle de l'AL-CA. L'ATTR-CA toucherait ainsi 13 % des patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique, 16 % des plus de 65 ans ayant subi une implantation de valve aortique par voie percutanée (TAVI) et 18 % des plus de 65 ans atteints d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée.3-7

Le diagnostic tardif d'une ATTR-CA a d'importantes implications sur le pronostic. Les patients qui ne sont pas traités développent une maladie évolutive grave, associée à une mortalité élevée (survie moyenne comprise entre 2,5 et 4 ans) et à de fréquentes hospitalisations.8, 9

Identification des patients atteints d'amylose cardiaque

La présentation clinique de l'amylose (ATTR-)CA peut être très variable et comprend des syncopes récurrentes, une intolérance aux bêtabloquants en cas de nouveau diagnostic d'insuffisance cardiaque, des troubles intestinaux et des douleurs neuropathiques inexpliquées (en l'absence de diabète).1 Un antécédent de syndrome du canal carpien bilatéral, de rupture atraumatique du tendon du biceps et de sténose du canal lombaire doit toujours faire penser à une CA.1

Les anomalies visibles à l'électrocardiogramme sont, entre autres, des microvoltages (sans concordance avec la gravité de l'épaisseur pariétale du ventricule gauche), un tableau de pseudo-infarctus (jusqu'à 70 % des cas), des arythmies auriculaires (surtout une fibrillation auriculaire) et des troubles de la conduction auriculo-ventriculaire (bloc AV complet parfois jusqu'à 22 % des cas).1, 2, 10

L'évaluation échocardiographique révèle une hypertrophie ventriculaire gauche (ou droite), une sténose aortique, un remplissage diastolique restrictif, un épanchement péricardique discret, une dilatation biauriculaire et, plus spécifiquement, un modèle d'épargne apicale sur le strain longitudinal global.

Une élévation de biomarqueurs cardiaques, tels que (NT-pro)BNP et troponine T/I, est également possible en cas de CA (p. ex. élévation disproportionnelle du NT-proBNP au regard de la gravité clinique de l'insuffisance cardiaque) et présente aussi une importance pronostique dans le suivi de ces patients.1, 10, 11

Diagnostic d'amylose cardiaque

En cas de suspicion de CA, il est important de poser rapidement un diagnostic, car l'instauration précoce du traitement a un impact significatif sur la survie du patient. Un algorithme diagnostique a été proposé par l'ESC Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases et est repris dans les premières recommandations 2023 ESC guidelines for the management of cardiomyopathies.1, 12

Dans cette mise au point, l'exclusion d'une AL-CA au moyen d'analyses hématologiques revêt une importance primordiale. Pour ce faire, trois dosages protéiques doivent être réalisés : dosage des chaînes légères libres sériques (ratio kappa/lambda), dosage de l'électrophorèse des protides sériques et urinaires avec immunofixation pour détecter une immunoglobuline monoclonale et/ou une chaîne légère monoclonale. Ces trois tests sont indispensables pour l'identification d'une AL-CA avec une sensibilité de 99 %.10, 13 Si l'interprétation de ces résultats n'est pas claire (p. ex. chez un patient atteint d'insuffisance rénale chronique), l'hématologue doit être consulté immédiatement.

Outre ces analyses hématologiques, la scintigraphie cardiaque (acide 3,3-diphosphono-1,2-propanedicarboxylique [DPD], pyrophosphate [PYP] ou hydroxyméthylène diphosphonate [HMDP] marqué au technétium99m) joue un rôle important dans le diagnostic de l'ATTR-CA. Si la scintigraphie révèle une fixation myocardique de grade 2 ou 3 du radiotraceur, après exclusion d'une AL-CA, le diagnostic d'ATTR-CA peut être confirmé. Un dépistage génétique est ensuite exécuté pour faire la distinction entre la forme acquise et la forme héréditaire d'ATTR.

Si la suspicion de CA persiste, une IRM cardiaque (IRMc) peut être effectuée en cas de scintigraphie et d'analyses hématologiques négatives. L'implication du coeur dans l'AL-CA peut, elle aussi, être confirmée par une IRMc.

Après une scintigraphie de grade 1, une biopsie de tissu cardiaque (ou extracardiaque dans les centres d'expertise) doit être prélevée pour confirmation histologique avec visualisation des fibrilles amyloïdes par coloration au rouge Congo. La fixation cardiaque à la scintigraphie associée à une valeur anormale à l'un des trois dosages protéiques peut indiquer une amylose ATTR avec MGUS concomitante, une amylose AL ou la concomitance d'une amylose tant AL qu'ATTR.

Traitement

L'AL-CA constitue une urgence médicale qui exige une orientation directe vers l'hématologue pour la mise en place d'une chimiothérapie et, si possible, d'une greffe de cellules souches.14

En ce qui concerne l'ATTR-CA, des traitements ciblés efficaces sont disponibles depuis peu tant pour l'hATTR que pour la wtATTR. Un diagnostic rapide est essentiel, étant donné que le traitement est plus efficace sur les manifestations neurologiques, cardiaques et systémiques aux premiers stades de la maladie.

Le tafamidis est un stabilisateur de la TTR ; il induit un ralentissement de la dissociation de son tétramère en monomères, qui entraînent la formation de fibrilles amyloïdes.15 Ce traitement stabilisateur à usage oral peut être prescrit pour les formes tant wtATTR-CA que hATTR-CA. L'étude ATTR-CT, publiée en 2018, a montré que le traitement par tafamidis résultait en une réduction de la mortalité toutes causes (réduction du risque relatif de 30 % sur 30 mois), une diminution des hospitalisations pour motif cardiovasculaire (réduction du risque relatif de 32 % sur 30 mois) et une amélioration de la qualité de vie (différence de 14 points au score KCCQ-OS) par rapport au placebo.16 Une différence significative durable en termes de mortalité a encore été constatée après cinq années de suivi de cette cohorte.17

Les nouveaux traitements stabilisateurs font en revanche une distinction entre les formes wtATTR et hATTR de la maladie, le patisiran (ARNm interférent avec réduction des taux de TTR) et l'inotersen (qui inhibe la production hépatique de TTR) pouvant être associés en présence d'une polyneuropathie. Ces deux traitements font l'objet d'études complémentaires dans la CA et ne sont pas encore remboursées en Belgique.

Le traitement de la CA consiste aussi à prévenir les complications liées à cette affection. Ces complications impliquent, entre autres, le traitement d'une sténose aortique, la détection d'une fibrillation auriculaire avec l'instauration d'une prophylaxie thromboembolique, la vigilance à l'égard de troubles de la conduction AV nécessitant l'implantation d'un stimulateur cardiaque et l'évitement de certains traitements spécifiques de l'insuffisance cardiaques (IECA/ARA/bêtabloquants) qui, souvent, ne sont pas bien tolérés (hypotension).

Conclusion

Il est essentiel de poser le diagnostic de CA à temps, de manière à pouvoir démarrer au plus vite le traitement adéquat. La présence de signes cliniques (extra)cardiaques et d'anomalies caractéristiques à l'électro/échocardiographie doit également faire penser à une CA. Enfin, le tafamidis a un effet favorable démontré dans le traitement de l'ATTR-CA en termes de mortalité, d'hospitalisations pour motif cardiovasculaire et de qualité de vie.

Références

  1. Garcia-Pavia, P., Rapezzi, C., Adler, Y., Arad, M., Basso, C., Brucato, A. et al. Diagnosis and treatment of cardiac amyloidosis. A position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur J Heart Fail, 2021, 23 (4), 512-526.
  2. Siddiqi, O.K., Ruberg, F.L. Cardiac amyloidosis: An update on pathophysiology, diagnosis, and treatment. Trends Cardiovasc Med, 2018, 28 (1), 10-21.
  3. González-López, E., López-Sainz, A., Garcia-Pavia, P. Diagnosis and Treatment of Transthyretin Cardiac Amyloidosis. Progress and Hope. Rev Esp Cardiol (Engl Ed), 2017, 70 (11), 991-1004.
  4. Tini, G., Sessarego, E., Benenati, S., Vianello, P.F., Musumeci, B., Autore, C. et al. Yield of bone scintigraphy screening for transthyretin-related cardiac amyloidosis in different conditions: Methodological issues and clinical implications. Eur J Clin Invest, 2021, 51 (12), e13665.
  5. Maurizi, N., Rella, V., Fumagalli, C., Salerno, S., Castelletti, S., Dagradi, F. et al. Prevalence of cardiac amyloidosis among adult patients referred to tertiary centres with an initial diagnosis of hypertrophic cardiomyopathy. Int J Cardiol, 2020, 300, 191-195.
  6. Castano, A., Narotsky, D.L., Hamid, N., Khalique, O.K., Morgenstern, R., DeLuca, A. et al. Unveiling transthyretin cardiac amyloidosis and its predictors among elderly patients with severe aortic stenosis undergoing transcatheter aortic valve replacement. Eur Heart J, 2017, 38 (38), 2879-2887.
  7. Bennani Smires, Y., Victor, G., Ribes, D., Berry, M., Cognet, T., Méjean, S. et al. Pilot study for left ventricular imaging phenotype of patients over 65 years old with heart failure and preserved ejection fraction: the high prevalence of amyloid cardiomyopathy. Int J Cardiovasc Imaging, 2016, 32 (9), 1403-1413.
  8. Hawkins, P.N., Ando, Y., Dispenzeri, A., Gonzalez-Duarte, A., Adams, D., Suhr, O.B. Evolving landscape in the management of transthyretin amyloidosis. Ann Med, 2015, 47 (8), 625-638.
  9. Nativi-Nicolau, J., Judge, D.P., Hoffman, J.E., Gundapaneni, B., Keohane, D., Sultan, M.B. et al. Natural history and progression of transthyretin amyloid cardiomyopathy: insights from ATTR-ACT. ESC Heart Fail, 2021, 8 (5), 3875-3884.
  10. Maurer, M.S., Elliott, P., Comenzo, R., Semigran, M., Rapezzi, C. Addressing Common Questions Encountered in the Diagnosis and Management of Cardiac Amyloidosis. Circulation, 2017, 135 (14), 1357-1377.
  11. Gillmore, J.D., Damy, T., Fontana, M., Hutchinson, M., Lachmann, H.J., Martinez- Naharro, A. et al. A new staging system for cardiac transthyretin amyloidosis. Eur Heart J, 2018, 39 (30), 2799-2806.
  12. Arbelo, E., Protonotarios, A., Gimeno, J.R., Arbustini, E., Barriales-Villa, R., Basso, C. et al. 2023 ESC Guidelines for the management of cardiomyopathies. Eur Heart J, 2023, ehad194.
  13. Kittleson, M.M., Ruberg, F.L., Ambardekar, A.V., Brannagan, T.H., Cheng, R.K., Clarke, J.O. et al. 2023 ACC Expert Consensus Decision Pathway on Comprehensive Multidisciplinary Care for the Patient With Cardiac Amyloidosis: A Report of the American College of Cardiology Solution Set Oversight Committee. J Am Coll Cardiol, 2023, 81 (11), 1076-1126.
  14. Bianchi, G., Zhang, Y., Comenzo, R.L. AL Amyloidosis: Current Chemotherapy and Immune Therapy Treatment Strategies: JACC: CardioOncology State-of-the-Art Review. JACC CardioOncol, 2021, 3 (4), 467-487.
  15. Ruberg, F.L., Grogan, M., Hanna, M., Kelly, J.W., Maurer, M.S. Transthyretin Amyloid Cardiomyopathy: JACC State-of-the-Art Review. J Am Coll Cardiol, 2019, 73 (22), 2872-2891.
  16. Maurer, M.S., Schwartz, J.H., Gundapaneni, B., Elliott, P.M., Merlini, G., Waddington-Cruz, M. et al. Tafamidis Treatment for Patients with Transthyretin Amyloid Cardiomyopathy. N Engl J Med, 2018, 379 (11), 1007-1016.
  17. Elliott, P., Drachman, B.M., Gottlieb, S.S., Hoffman, J.E., Hummel, S.L., Lenihan, D.J. et al. Long-Term Survival With Tafamidis in Patients With Transthyretin Amyloid Cardiomyopathy. Circ Heart Fail, 2022, 15 (1), e008193.

Aucun élément du site web ne peut être reproduit, modifié, diffusé, vendu, publié ou utilisé à des fins commerciales sans autorisation écrite préalable de l’éditeur. Il est également interdit de sauvegarder cette information par voie électronique ou de l’utiliser à des fins illégales.