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Genetics in the (congenital) heart clinic - applications for daily practice
  • Antoine Bondue, Julie De Backer, Sophie Piérard

1 Indications for referral to genetics in cardiology - Quand le cardiologue doit-il adresser son patient au généticien?

Professeur Dhavendra Kumar - University Hospital of Wales, RU

Le Professeur Kumar était notre orateur étranger pour cette session. Il travaille à l'université de Galles du Sud, à Cardiff, en tant que généticien clinique et professeur de génétique, et il s'intéresse tout particulièrement à la génétique cardiaque, domaine dans lequel il excelle.

Il est (co)auteur de plusieurs publications influentes et de chapitres d'ouvrages consacrés à ce domaine, et organise tous les 2 ans une importante réunion dédiée à la cardiogénétique, à Cardiff.

Le Professeur Kumar nous a présenté un aperçu pratique des indications rencontrées en pratique cardiologique clinique, qui doivent nous inciter à réorienter nos patients en vue d'un conseil génétique, éventuellement suivi d'un testing génétique moléculaire.

Le spectre des cardiopathies héréditaires (inherited cardiac conditions ou ICC) s'est fortement développé au cours de la dernière décennie, et peut pour le moment être subdivisé en plusieurs catégories, à savoir:

  • Troubles du développement: anomalies de la chambre de chasse ventriculaire gauche, anomalies valvulaires auriculo-ventriculaires, anomalies septales, anomalies des gros vaisseaux
  • Anomalies structurelles du myocarde: CMP hypertrophique, CMP restrictive, CMP dilatée, noncompaction du ventricule gauche, CMP ventriculaire arythmogène
  • Troubles de conduction
  • Arythmies: QT long, Brugada, TVPC
  • Myopathies primaires: CMP dilatée, pathologies liées à la dystrophine
  • Maladies de surcharge métaboliques
  • Autres malformations rares

Pour chacune de ces catégories, il existe divers types d'anomalies génétiques, et il faut donc également distinguer différents types d'hérédité, parmi lesquels aneuploïdie, déséquilibre génomique (microdélétions), affections mendéliennes (AD, AR, XLR), affections mitochondriales (phénotypes des CMD), CNV (troubles du développement) et associations SNP-maladies complexes (études d'association pangénomiques (GWAS) pour les maladies coronariennes et l'hypertension, e.a.).

La distinction entre ces différentes catégories et leur diagnostic ne sont pas toujours simples, mais ils constituent la tâche principale des centres de cardiogénétique clinique, et sont donc un motif de réorientation des patients. À cette fin, le service de cardiogénétique clinique va effectuer un phénotypage approfondi chez le proband, ainsi qu'un bilan détaillé et une interprétation de l'anamnèse familiale et une évaluation du risque chez le proband. En cas d'indication, et si le patient le souhaite et l'accepte, on envisagera ensuite un conseil génétique et un testing éventuel du proband et des membres de sa famille. Il va de soi qu'il faut prévoir des rendez-vous adéquats, y compris pour la communication du résultat. Étant donné qu'il s'agit souvent d'affections complexes, le service de cardiogénétique clinique prendra le plus souvent contact avec les départements cliniques respectivement concernés, qui font partie d'une équipe pluridisciplinaire. Celleci englobe généralement un généticien clinique, un conseiller génétique et un cardiologue.

Au Royaume-Uni, plusieurs associations et groupes de travail spécialisés en cardiogénétique ont été créés, lesquels aident à rédiger des recommandations et des objectifs pour la prise en charge des patients et des familles souffrant d'ICC.

Le Professeur Kumar a présenté plusieurs organigrammes, tant généraux que spécifiques de la maladie, pour réorienter les patients et les familles souffrant d'ICC en vue du bilan. Sur ce plan, il a souligné l'importance des conseillers génétiques.

Il a également brièvement évoqué le thème de la mort subite inexpliquée (SUDS), dans lequel la génétique joue un rôle de plus en plus important, tant sur le plan du conseil de la famille que de l'autopsie dite moléculaire.

Enfin, il a énuméré les indications suivantes incitant à adresser les patients à la clinique de cardiogénétique:

  • Cas index avec ICC confirmée < 40 ans
  • Suspicion d'une ICC avec anamnèse familiale positive, avec ou sans mutation familiale
  • ICC en cas de SUDS
  • Parents au premier degré (symptomatiques) d'une personne appartenant aux catégories susmentionnées
  • Demande de recherche de mutations ICC
  • Explications d'analyses effectuées dans des laboratoires dits 'direct to consumer' (laboratoires commerciaux - cf. 23&me)
  • Membre de la famille d'un patient porteur d'une mutation prouvée
  • Deuxième avis

2 Que faire du résultat d'un test génétique?

Pr Antoine Bondue - CUB Erasme - Bruxelles

Le résultat d'un test génétique n'est pas un simple résultat de laboratoire. Il convient de lui donner un sens pour le patient et ses proches. Ceci se concrétise à travers une démarche appelée 'conseil génétique'. Le conseil génétique est un processus par lequel un patient souffrant d'une maladie potentiellement héréditaire bénéficie d'une information concernant cette maladie, dont sa nature, les mécanismes physiopathologiques sous-jacents et facteurs de risque ou de protection identifiables pour cette maladie. En particulier, les conséquences du diagnostic pour le patient et ses proches y sont abordées, incluant les modalités de transmission du risque, et les moyens potentiellement disponibles pour identifier et contrôler ce risque. Par définition, cette activité démarre du patient référé en consultation, puis s'étend secondairement aux membres de la famille. C'est à travers cette dimension familiale que la génétique opère, tant pour obtenir un diagnostic que pour mesurer l'impact du résultat obtenu.

En effet, obtenir un résultat convainquant n'est pas facile. Le génome humain comprend environ 3 000 000 000 de paires de base (unités d'information), et 20 000 gènes. Dans les régions codantes, nous présentons tous 30-60 000 variants, dont 200 potentiellement pathogènes. Cette importante variabilité interindividuelle sous-tend les différences entre chaque individu, mais rend compte aussi de la difficulté pour le généticien d'identifier un signal significatif parmi une importante variabilité. Sortir un signal du bruit de fond représente un des défis majeurs en génétique clinique.

Dans ce contexte, on identifie aisément deux types de déterminants génétiques, sur base de leur fréquence:

  • Des variants génétiques 'rares' (prévalence < 1/10 000 dans une population contrôle), dont la fréquence est nettement plus élevée dans une population de patients malades, et qui ségrégent au sein de plusieurs familles avec la maladie considérée. On les appelle alors des mutations. Ces mutations confèrent à elles seules un risque (odds ratio) significatif pour une maladie donnée. On est alors dans le spectre des maladies 'monogéniques', pour lesquelles il existe une transmission du risque de génération en génération.
  • Des variants fréquents, qui à l'extrême font partie des éléments sous-tendant la variabilité entre les individus. Certains d'entre eux peuvent néanmoins avoir un rôle pathogène, mais le risque relatif (odds ratio) qu'ils confèrent seul à seul pour une maladie est en général faible. C'est alors l'accumulation de plusieurs de ces variants chez un individu qui lui confère un risque significatif pour une maladie donnée. Dans ce cas, les facteurs 'exogènes' dont l'environnement et le mode de vie jouent un rôle souvent comparable aux facteurs génétiques, et on parle donc de maladies multifactorielles. L'hérédité est alors dite 'complexe', non-mendélienne, et se traduit par une absence de transmission évidente du risque de génération en génération, mais plutôt par une 'histoire familiale de …', nettement moins prononcée que pour les maladies rares.

En réalité, il existe un spectre entre ces deux extrêmes, rendant la situation particulièrement complexe. De plus des mécanismes moléculaires autres (dont épigénétiques) peuvent venir moduler l'expression des variants identifiés. Des recommandations internationales ont donc été établies en génétique, permettant de classer les variants selon leur degré de 'pathogénicité', et il existe pour le généticien une frontière floue entre le 'normal' et le 'pathologique'. En pratique, augmenter le nombre de gènes étudiés revient souvent à augmenter un peu le rendement diagnostic d'un test génétique (diminuant le nombre de tests 'négatifs'), mais au prix d'une détection importante de variants dont le rôle pathogène n'est pas certain à l'heure actuelle (variants de signification incertaine - ou VUS), et entraînant un coût technique qui peut augmenter fortement selon la quantité d'information que l'on souhaite obtenir. Il est donc particulièrement important de discuter avec le patient des limites du test génétique, et du rôle que les proches pourront potentiellement jouer pour valider un résultat en cas de résultat incertain. Il convient également de rester vigilant à l'état des connaissances et de la littérature car les connaissances concernant ces différents variants évoluent à grande vitesse. Aussi, ceci explique pourquoi, en première intention, il est important de référer en consultation de génétique un patient présentant une maladie bien caractérisée et potentiellement sévère, justifiant la démarche pour lui et ses proches.

Les implications du résultat du test génétique peuvent être multiples. Pour le patient, le résultat peut contribuer au diagnostic, en particulier dans des situations où peu de gènes bien définis sont responsables d'un phénotype donné, et où il existe un chevauchement entre différentes maladies (comme notamment dans les QT long, le syndrome de Marfan, les cardiomyopathies hypertrophiques). La génétique permet alors d'affiner la précision diagnostique. Le résultat peut aussi avoir des implications pronostiques et permettre d'adapter la prise en charge thérapeutique des patients (comme dans les QT long, les aortopathies, certaines cardiomyopathies …). Pour les proches, le résultat va potentiellement permettre de mettre en place une stratégie 'en cascade', partant du cas index vers le reste de la famille, permettant à l'aide du test génétique de stratifier leur risque de développer la maladie considérée. Il s'agit alors parfois d'une approche 'pré-symptomatique', pour laquelle les implications de l'obtention du résultat doivent être bien discutées. À l'avenir, il est possible que nous aurons accès à des thérapies ciblées permettant d'éviter la survenue de maladies chez des individus potentiellement à risque.

Considérant les affections pour lesquelles il existe un risque vital ou de morbidité importante, une approche de stratification de risque peut également être proposée en situation prénatale (y compris préconceptionnelle, également appelée 'préimplantatoire'). Le conseil génétique prénatal prend alors une dimension multidisciplinaire avec les psychologues et les acteurs des services d'obstétrique.

3 Recurrence risk and Prenatal diagnostics for cardiac diseases

Pr Maryse Bonduelle - UZ Brussels, Bruxelles

La troisième partie de cette session portait sur le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic génétique préimplantatoire (DPI). Le but de cette présentation était de redéfinir ces processus, d'en rappeler les étapes, d'illustrer à qui ils s'adressent, et enfin d'en montrer les résultats.

Tant le DPN que le DPI s'inscrivent comme l'une des étapes essentielles du conseil génétique comme décrit précédemment dans cet article.

En effet, lorsqu'un des deux parents est atteint d'une maladie cardiaque sévère, l'information sur la reproduction et les possibilités qui s'offrent à eux en termes de risque de transmission de l'affection génétique doivent être explicitées clairement. Parmi celles-ci, citons 1) le fait de courir le risque que les enfants soient atteints, 2) à l'inverse, le choix délibéré de ne pas avoir d'enfant de peur qu'ils soient atteints, 3) utiliser des donneurs de gamètes (oeufs, spermes, embryon), 4) le recours au diagnostic prénatal qu'il soit invasif ou non-invasif et 5) le diagnostic préimplantatoire.

Le diagnostic prénatal se fait, comme son nom l'indique, une fois que la grossesse a commencé et avant la naissance. Lorsqu'il est non-invasif, il concerne les aneuploïdies chromosomiques telles que la trisomie 21 et consiste à analyser, via une prise de sang chez la mère à 12 semaines d'aménorrhée, l'ADN foetal. Le diagnostic prénatal invasif par biopsie de chorion à 11-12 semaines permet quant à lui une analyse des chromosomes, une analyse moléculaire et biochimique, ou une analyse génétique permettant ainsi d'identifier s'il y a eu transmission du risque dès les stades initiaux de la grossesse.

Le diagnostic 'préimplantatoire' a quant à lui pour but de contrôler la transmission du risque, sans prendre le risque de recourir à une éventuelle interruption de grossesse, mais au prix d'une procédure de fécondation in vitro. Bien que théoriquement accessible à la plupart des affections monogéniques ou aux anomalies chromosomiques, cette démarche lourde ne se pratique qu'en cas de pathologies cardiaques sévères, entraînant potentiellement un risque vital, et pour lesquelles une mutation ou une anomalie chromosomique sont clairement identifiées. À l'UZ Bruxelles, les principales situations où le DPI est le plus demandé sont la dystrophie myotonique, la dystrophie musculaire de Duchenne, la maladie de Marfan et le syndrome de Brugada.

Comme son nom l'indique, le diagnostic se fait avant l'implantation de l'embryon. Cela nécessité donc une fécondation in vitro, ce qui engendre un cout et un impact psychologique non-négligeables. Mais ce procédé peut s'avérer particulièrement utile en cas d'échec de grossesse antérieure, de refus d'interruption de grossesse ou lors de troubles associés de la fertilité. Chaque situation est évaluée au cas par cas. Le processus du DPI est complexe. Il nécessite que les oeufs soient obtenus par stimulation hormonale. Il faut au moins 10 ovocytes fécondés. S'ensuit une maturation surveillée jusqu'au moment des biopsie sur embryon précoce, qui se font généralement au jour 5. Les embryons sans mutation génétique retrouvée sont alors transférés, un par un en général.

Le Professeur M. Bonduelle nous rapporte un taux de succès satisfaisant, puisqu'entre 1993 et 2016, il a été de 50 % de grossesse par transfert d'embryon lorsque la biopsie était réalisée à J5 dans son centre. Toujours dans leur série, lorsque l'on considère le devenir des enfants, il n'y a pas de différences en termes de malformation majeure, d'âge gestationnel, de prématurité et de poids de naissance entre les enfants nés après DPI et ceux nés par injection intracytoplasmique de spermatozoïde (ICSI). Les données psychologiques sont également équivalentes. Elle signale un faible taux de 0,5 % d'erreur pour les mutation monogéniques et 0,3 % pour les FISH.

En conclusion, une des étapes essentielles du conseil génétique est l'information quant aux possibilités de réduire le risque de transmission d'une affection génétique aux futurs enfants. Parmi ces possibilités, le DPI en est une qui est importante et qui peut être offerte aux patients porteurs d'une cardiopathie lourde de conséquences, pour autant qu'il existe une mutation identifiée. Le taux de succès est plus que satisfaisant et le devenir des enfants rassurant. La génétique prend progressivement une place de plus en plus importante en cardiologie, et notre working group belge se propose d'en préciser les pratiques.

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