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L'insuffisance mitrale secondaire: toujours difficile à traiter …
  • Guy Van Camp

L'insuffisance mitrale (IM) secondaire est due à une dilatation et une dysfonction du ventricule gauche. Il ne s'agit donc pas d'une affection valvulaire en soi, mais bien d'une affection ventriculaire gauche qui entraîne une fuite au niveau de la valve mitrale. Nous observons souvent un anneau dilaté, mais aussi un déplacement apical et latéral de l'appareil sous-valvulaire, et ce, contrairement à l'IM avec dilatation de l'anneau chez les patients souffrant de fibrillation auriculaire, dont les dimensions et la fonction du ventricule gauche sont préservées. Conjointement à une diminution des forces de fermeture (closing forces) due à la diminution de la fonction ventriculaire gauche, ceci explique que la malcoaptation - associée ou non à une mauvaise apposition des feuillets valvulaires - occasionne une fuite valvulaire.1

La quantification de l'insuffisance mitrale n'est pas simple, et elle sort du cadre de cet article, mais il est clair que l'échographiste a fort à faire pour se prononcer au sujet de la sévérité de la valvulopathie via une approche intégrant des paramètres quantitatifs et semi-quantitatifs, complétés éventuellement d'une IRM. Le fait que les recommandations européennes et américaines divergent au sujet de la limite entre une IM secondaire modérée et sévère constitue une difficulté supplémentaire. L'IM secondaire sévère est définie dans les recommandations 2017 de la Société européenne de Cardiologie (ESC) comme un EROA > 20 mm2 et un volume refluant > 30 ml (à partir de cette valeur, le pronostic de ces patients est nettement moins bon), tandis que les recommandations 2017 de l'American Society of Echocardiography fixent la limite pour une IM sévère à un EROA > 40 mm2. Mais un EROA > 30 mm2 peut également signifier une IM sévère, si des paramètres additionnels l'étayent, comme un reflux en systole dans les veines pulmonaires. L'incertitude au sujet de la définition de l'IM secondaire sévère résulte d'une part du fait que chaque forme d'IM a un impact sur le pronostic de ces patients, et d'autre part du fait qu'il n'existe pour le moment aucun traitement pour l'IM qui ait un impact sur le pronostic de ces patients.

Un quart des patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (HFrEF) présente une IM secondaire sévère et l'existence de cette importante fuite valvulaire est associée à une mortalité de 40-50 % à 3 ans. On ne sait pas clairement si l'IM secondaire est seulement un 'marqueur' de dysfonction sévère du VG, dès lors associée à une mortalité élevée, ou si elle est responsable d'un mauvais pronostic en soi, y compris parce que cette affection valvulaire ne peut encore être traitée efficacement. Jusqu'à présent, tant une correction chirurgicale que les techniques percutanées n'ont pas d'effet bénéfique prouvé sur la survie de ces patients.

Pour toutes les raisons susmentionnées, les guidelines ne peuvent donner qu'un faible niveau de preuve à leurs recommandations pour le traitement de l'IM secondaire (le plus souvent, un niveau de preuve C). La base du traitement de cette valvulopathie est toujours constituée par le traitement médical optimal de l'insuffisance cardiaque, avec titration progressive des doses d'IECA (inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine), de bêtabloquants et d'antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes, ainsi que des diurétiques, pour atteindre un statut de remplissage optimal. Le traitement de resynchronisation cardiaque pour les patients ayant un BBG avec des QRS > 130 ms est également indiqué, étant donné que, chez les répondeurs, le remodelage inverse du VG et le rétablissement de la contraction synchrone des muscles papillaires augmentent les closing forces de la valve mitrale, ce qui peut faire régresser l'IM secondaire. La réparation chirurgicale de la valve (ou son remplacement, si l'anatomie empêche une réparation) est indiquée chez les patients qui doivent également subir un CABG, et qui présentent une IM sévère (niveau de recommandation: I). Chez les patients ayant une FEVG < 30 %, la chirurgie peut être envisagée si une revascularisation est possible, et si la viabilité est assurée (IIa). Chez les patients n'ayant pas d'indication de revascularisation et présentant une FEVG > 30 %, on peut envisager la chirurgie ou un traitement transcathéter, en fonction du risque chirurgical et de l'anatomie (IIb). Chez les patients ayant une FEVG < 30 %, qui restent symptomatiques en dépit d'un traitement médical optimal, l'équipe cardiaque doit se prononcer au sujet des options thérapeutiques possibles, telles qu'un dispositif d'assistance ventriculaire gauche, une transplantation cardiaque, une réparation de la valve mitrale et une réparation transcathéter 'edge-to-edge', le MitraClip, et ce, sur une base individuelle (IIb).

La réparation valvulaire mitrale percutanée 'edge-to-edge' (MitraClip) est une alternative à la réparation valvulaire chirurgicale pour soulager les symptômes des patients, améliorer la capacité fonctionnelle et l'hémodynamique cardiaque et réduire le nombre d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque. De nouvelles techniques transcathéter sont développées pour le traitement de l'IM secondaire: les dispositifs Carillion, Cardioband et Mitralign sont développés pour réduire les dimensions de l'anneau. Plusieurs systèmes de remplacement valvulaire mitral transcathéter sont attendus: Tendyne, CardiAQ-Edwards, Neovasc, Tiara, Intrepid, Caisson, HighLife, MValve System et NCSI NaviGate Mitral. Il est important de retenir qu'aucune de ces méthodes thérapeutiques transcathéter, pas plus que le remplacement chirurgical de la valve mitrale ou sa réparation, ne peuvent témoigner d'un impact bénéfique prouvé sur le pronostic de ces patients souffrant d'insuffisance cardiaque avec IM secondaire sévère. La mortalité de ces patients reste colossale: 14-20 % à 1 an.

Pour toutes ces raisons, nous avons absolument besoin d'études randomisées pour démontrer l'impact positif espéré de ces nouvelles méthodes thérapeutiques sur la symptomatologie et la survie de ces patients, et ce, comparativement au traitement médical optimal. C'est pourquoi la communauté cardiologique guettait l'étude MITRAFR, présentée lors du récent congrès de l'ESC, et publiée simultanément dans The New England Journal of Medicine.2

à 1 an, il n'y avait pas de différence statistique entre les deux stratégies thérapeutiques sur le plan du critère d'évaluation primaire.

Les auteurs concluent dès lors qu'avec l'actuelle sélection des patients, un traitement percutané n'est pas associé à un bénéfice en termes de survie et que le driver primaire de la mortalité est donc sans doute la cardiomyopathie, et non l'IM.

Bien que cette étude suscite également des questions au sujet de certains manquements, qui sont d'ailleurs décrits dans l'article, de nombreux cardiologues - moi le premier - ne sont pas véritablement surpris de ce résultat négatif. Pourquoi une technique percutanée apporterait-elle un bénéfice pronostique - et pas la technique chirurgicale, dont le résultat est meilleur -, en cas de fuite valvulaire dont l'origine est la cardiomyopathie et lors de laquelle le résultat est moins bon après un traitement percutané qu'après une réparation chirurgicale? Ceci ne pourrait être expliqué que parce qu'une mortalité interventionnelle moindre diminue en effet significativement le pronostic de ces patients, en dépit du fait que le résultat de la technique est moins optimal. Ceci semble peu vraisemblable… Ou bien la sélection de la population d'étude n'était pas optimale?

L'encre de cet article n'était pas encore sèche qu'un nouvel article était publié in extremis à ce sujet. L'étude COAPT, tout juste parue dans The New England Journal of Medicine3, a été présentée lors du congrès TCT. Cette fois, l'étude indique une différence significative entre un traitement médical optimal avec et sans MitraClip en ce qui concerne la mortalité ou les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. La mortalité 'toutes causes' était également significativement plus faible dans le groupe MitraClip.

Il n'est pas simple d'expliquer ces différences, et il nous faudra plus de temps pour comparer en détail ces deux études, mais il est déjà clair que l'étude COAPT a suivi les recommandations américaines pour une IM sévère, et non les recommandations européennes (comme dans l'étude MITRA-FR), et que les patients de l'étude COAPT ont vraisemblablement été traités plus tôt durant le processus de leur maladie, étant donné que les dimensions télédiastoliques ventriculaires gauches étaient nettement plus faibles dans l'étude COAPT, comparativement à l'étude MITRA-FR (101 vs 135 ml/m²). Par ailleurs, les résultats sur la diminution de l'IM étaient également meilleurs dans l'étude COAPT (dans l'étude MITRA-FR, 9 % n'ont pas eu de clip, vs 5 % dans COAPT. Dans MITRA-FR, 9 % avaient une IM résiduelle ≥ 3+ après le clipping, vs 5 % dans COAPT).

De nouvelles études avec le MitraClip ou d'autres dispositifs devront donc démontrer quels sont les patients souffrant d'IM secondaire qui tirent le plus de bénéfices d'un traitement par dispositif, et précisément quand cette technique peut donner le meilleur résultat durant le processus de leur maladie. L'étude COAPT semble suggérer que nous devons utiliser un dispositif chez un patient recevant un traitement médical optimal pour l'insuffisance cardiaque, avant que le VG soit très fortement dilaté - donc plus tôt dans le processus de la maladie - et qu'il faut tendre à un résultat optimal (IM résiduelle ≤ 2+).

L'étude COAPT ajoute donc une note positive à cet article! L'article du professeur Claeys à lire plus loin dans ce numéro donne plus de détails sur ces études.

Références

  1. Lavall, D., Hagendorff, A., Schirmer, S.H., Böhm, M., Borger, M.A., Laufs, U. Mitral valve interventions in heart failure. ESC Heart Fail, 2018, 5, 552-561.
  2. Obadia, J.-F., Messika-Zeitoun, D., Leurent, G., Iung, B., Bonnet, G., Piriou, N., et al. Percutaneous Repair or Medical Treatment for Secondary Mitral Regurgitation. N Engl J Med, 2018, 27, DOI: 10.1056/NEJMoa1805374.
  3. Stone, G.W., Lindenfeld, J.A., Abraham, W.T., Kar, S., Lim, D.S., Mishell, J.M., et al., for the COAPT Investigators. Transcatheter Mitral-Valve Repair in Patients with Heart Failure. N Engl J Med, 2018, DOI: 10.1056/ NEJMoa1806640.

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