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Bêtabloquants et insuffisance cardiaque : quelles recommandations de la Société Européenne de Cardiologie ?
  • Olivier Gurné, Philippe Van de Borne, Philippe Van de Borne, Philippe Van de Borne

La place des bêtabloquants dans le traitement de l'insuffisance cardiaque a été clarifiée lors des recommandations 2021 de la société européenne de cardiologie. En 2018, The Lancet présentait une étude sur l'incidence de l'insuffisance cardiaque en Angleterre comparée aux pays de l'Union Européenne.1 Cette étude est basée sur des codes ICD lors d'hospitalisations. 2014 a été comparé à 2002. Cette étude montre que l'incidence de l'insuffisance cardiaque augmente avec le vieillissement à partir de 40 ans, et atteint son apogée entre 75 et 84 ans. Lorsque l'on rapporte l'incidence de l'insuffisance cardiaque normalisée pour la population, elle diminue de 7 % en 2014 par rapport à 2002. Toutefois, le nombre absolu de patients insuffisants cardiaques augmente de 12 % en raison de l'augmentation du nombre d'habitants et de leur vieillissement. Ceci correspondait à environ 20 000 cas d'insuffisance cardiaque supplémentaires par an pour un pays comme l'Angleterre. Ces patients sont de surcroit généralement plus âgé et présentent plus de comorbidités. Cette étude est donc intéressante en ce qu'elle montre que l'effets favorable d'une meilleure prise en charge ne permet pas de compenser les effets du vieillissement et d'une population plus nombreuse conduisant, in fine, à plus d'admissions pour insuffisance cardiaque.

En présence de symptômes (accompagnés éventuellement de signes) d'insuffisance cardiaque, la société européenne de cardiologie subdivise les patients en différentes catégories selon la fraction d'éjection ventriculaire gauche (insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (< 40 %), modérément réduite 41-49 % ou fraction d'éjection préservée (> 50 %).2 Cette dernière entité nécessite la présence d'anomalie cardiaque structurelle où fonctionnelle compatibles avec une élévation de la pression ventriculaire gauche diastolique (augmentation des peptides natriurétiques, dilatation de l'oreillette gauche, des arguments en faveur d'une hypertension pulmonaire ou encore signes échographiques d'augmentation des pressions de remplissage).

L'incidence de différentes formes d'insuffisance cardiaque à fort changé.3 L'étude, dénommée 'Framingham Heart and CardioVascular Health Study' compare la période 2000 et 2009 à 1990 à 1999. On retrouve dans cette étude que l'incidence de l'insuffisance cardiaque (toutes catégories confondues) diminue chez les sujets masculins. L'insuffisance cardiaque est moins fréquente chez les femmes, et la réduction sur la période d'observation est également moins marquée. Si à présent nous répartissions les patients en deux catégories suivant que la fraction d'éjection ventriculaire gauche est < ou > à 50 %, il devient clair que chez les hommes, l'insuffisance cardiaque avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche < 50 % diminue, mais l'incidence des insuffisances cardiaques avec une fraction d'éjection ventriculaire gauche > à 50 % augmente. Cette tendance est également observée chez les femmes, mais dans une moindre proportion.

En ce qui concerne la mortalité endéans les 5 années du diagnostic d'insuffisance cardiaque, elle reste fort élevée : 67 % des patients décèdent durant cette période, 33 % dans le cadre d'une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection < 50 % et 29 % lorsque la fraction d'éjection ventriculaire est > 50 %. Cette étude ne montre pas de changements majeurs dans les risques de décès (total, cardiovasculaire et non cardiovasculaire) sur la période de suivi. On peut cependant faire remarquer qu'entre 2009 et 2022 il y a eu des avancées thérapeutiques significatives et que ces chiffres doivent être actualisés.

Les traitements pharmacologiques recommandés par la société européenne de cardiologie.2 pour réduire la mortalité des patients avec une insuffisance cardiaque à fonction réduite, sont au nombre de quatre : un inhibiteur d'enzyme de conversion ou du valsartan associé à du sacubitril, un bêtabloquant, dont nous allons parler plus longuement, la spironolactone et un inhibiteur SGLT 2. Un diurétique n'est recommandé qu'en présence d'une surcharge volémique, permettant de réduire les hospitalisations et la mortalité.

Les recommandations nous demandent également de donner les doses maximales tolérables de ces 4 classes de traitement. Ainsi, l'énalapril devrait être administré à concurrence de 10 à 20 mg deux fois par jour, le captopril 50 mg trois fois par jour, l'association sacubitril/ valsartan deux fois 97/103 mg/jour, le carvédilol 25 mg deux fois par jour, le bisoprolol 10 mg/jour, le nébivolol 10 mg/jour, la spironolactone 50 mg/jour et la dapagliflozine/empagliflozine 10 mg/jour. Ces associations et ces dosages sont toutefois rarement prescrits. Dans le registre CHAMP-HF, par exemple, la proportion de patients qui recevaient un bêtabloquant et un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou un antagoniste de l'angiotensine ou l'association du sacubitril/ valsartan était < 10 %.4 Ce % variait peu suivant que la pression systolique du patient était < ou > à 110 mmHg. 11 % des patients recevaient la dose maximale d'inhibiteur d'enzyme de conversion ou d'antagoniste de l'angiotensine, 2 % la dose maximale de sacubitril/valsartan et 19 % la dose maximale de bêtabloquant. La société européenne de cardiologie a établi des recommandations pratiques sur l'initiation et l'augmentation des doses de bêtabloquant dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite. L'objectif est ici d'améliorer les symptômes, de réduire de risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et d'améliorer la survie. Ce traitement doit être débuté le plus tôt possible, ensemble avec un inhibiteur du système rénine angiotensine la dapagliflozine/ empagliflozine et la spironolactone, chez un patient dont l'insuffisance cardiaque est stabilisée. L'asthme et un bloc auriculoventriculaire du second et du troisième degré sont des contre-indications aux bêtabloquants (en l'absence d'un stimulateur cardiaque). La prudence est de mise si le patient présente une insuffisance cardiaque sévère de classe IV de la NYHA, si une aggravation de l'insuffisance cardiaque est en cours ou date d'il y a moins de 4 semaines, en cas de bloc auriculoventriculaire, de bradycardie, de signes de congestion persistante d'une hypotension artérielle (pression systolique < 90 mmHg), de veines jugulaires turgescentes, d'ascite, d'oedème périphérique important. Dans ces conditions, il est préférable de réduire la congestion et de rétablir une euvolémie avant de débuter le traitement bêtabloquant. Ensuite, il faut débuter le traitement bêtabloquant par une faible dose (p.ex. bisoprolol 1,25 mg/j, carvédilol 3,125 mg 2*/j, nébivolol 1,25 mg/j) et doubler cette dose toutes les deux semaines, parfois plus lentement, et tenter d'atteindre ainsi la dose maximale tolérable par le patient. Il est aussi important d'assurer une bonne information au patient, qui doit informer le médecin d'une détérioration des symptômes (asthénie, fatigue, dyspnée, oedème, prise de poids) qui peut nécessiter d'adapter les doses des autres médicaments. Il est recommandé au patient de se peser tous les jours, et d'augmenter la dose de diurétique si leur poids augmente deux jours à la suite, de plus de 1,5 à 2 kg. Réduire temporairement la dose du bêtabloquant est une option, de même en cas de bradycardie excessive. Il faut aussi revoir les indications de traitements moins utiles dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite, tels que les dérivés nitrés, les anticalciques et des médicaments hypotenseurs autres que ceux qui sont recommandés lorsque la fonction systolique ventriculaire gauche est diminuée

Références

  1. Conrad, N., Judge, A., Tran, J., Mohseni, H., Hedgecotte, D., Crespillo, A.P. et al. Temporal trends and patterns in heart failure incidence: a population-based study of 4 million individuals.The Lancet, 2018, 391 (10120), 572-580.
  2. McDonagh, T.A., Metra, M., Adamo, M., Gardner, R.S., Baumbach, A., Böhm, M. et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J, 2021, 42, 3599-3726.
  3. Tsao, C.W., Lyass, A., Enserro, D., Larson, M.G., Ho, J.E., Kizer, J.R. et al. Temporal Trends in the Incidence of and Mortality Associated With Heart Failure With Preserved and Reduced Ejection Fraction. JACC, 2018, 6 (8), 678-685.
  4. Peri-Okonny, P.A., Mi, X., Khariton, Y., Patel, K.K., Thomas, L., Fonarow, G.C. et al. Target Doses of Heart Failure Medical Therapy and Blood Pressure: Insights From the CHAMP-HF Registry. JACC HF, 2019, 7 (4), 350-358.

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