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Mise à niveau
  • Olivier Gurné

Les lignes directrices consacrées au diagnostic et au traitement de l'insuffisance cardiaque (IC) sont relativement récentes ; elles datent en effet de 2021. Ces deux dernières années, plusieurs études d'envergure ont été publiées, ce qui justifie une mise à jour de ces recommandations, laquelle a été présentée lors de la dernière réunion de la Société européenne de cardiologie à Amsterdam et publiée dans la foulée. En 2021, pour l'IC chronique, les inhibiteurs du SGLT2 n'étaient recommandés que dans le cadre de l'HFrEF ou l'IC à fonction ventriculaire gauche réduite (FE < 40 %). Peu de temps après la publication de ces lignes directrices, l'étude EMPEROR-Preserved avec l'empagliflozine et l'étude DELIVER avec la dapagliflozine ont montré l'intérêt de ces médicaments chez des patients avec une fraction d'éjection supérieure à 40 %. Dans l'étude EMPEROR-Preserved, près de 6 000 patients présentant une IC avec une FE > 40 % et des taux de NT-proBNP majorés ont été randomisés. Dans l'étude DELIVER, un peu plus de 6 000 patients ont été randomisés, avec des critères d'inclusion assez similaires et présentant donc également des taux de NT-proBNP majorés. Une réduction de 20 % du critère d'évaluation principal (hospitalisation pour IC et mortalité cardiovasculaire) était observée, bénéfice qui portait essentiellement sur les hospitalisations pour IC. On voit donc que l'effet favorable des inhibiteurs du SGLT2 est démontré chez tous les patients en IC, indépendamment de la fraction d'éjection. La mise à jour des lignes directrices mentionne donc une recommandation IA (soit le plus haut niveau) pour ces deux médicaments, tant dans l'HFmrEF (FE comprise entre 41 et 50 %) que dans l'HFpEF (FE > 50 %). Concernant les conditions de remboursement INAMI, on est de nouveau, en Belgique, dans une situation spéciale : seule l'empagliflozine est actuellement remboursée, pour les patients en IC chronique NYHA 2 à 4 qui ont une fraction d'éjection supérieure ou égale à 40 %, sans autre justification. En d'autres termes, aucune justification du diagnostic d'IC ne doit être fournie par le cardiologue, qui lui seul peut demander « en son âme et conscience » le remboursement : pas de référence à des critères échographiques, ni au dosage du NT-proBNP puisqu'il n'est toujours pas remboursé dans notre pays, bien malheureusement.

Dans ce contexte, alors que le traitement de l'HFrEF repose sur quatre piliers, la mise à jour des lignes directrices étend ce concept à l'HFmrEF, mais on voit que le degré de recommandation est nettement moindre : IIB plutôt que IA (figure 1). En effet, dans cette indication, l'utilisation tant des IECA/ARNi/ARA que des bêtabloquants, ou encore des antagonistes de l'aldostérone, ne découle pas directement d'études randomisées, mais plutôt d'analyses post hoc d'anciennes études. Cela explique aussi que le degré d'évidence ne soit pas IA, comme on en a pris l'habitude avec les larges études randomisées, mais C, qui est le degré de l'opinion des experts et/ou basé sur de petites études ou des études rétrospectives. En ce qui concerne l'HFpEF (figure 1), on se retrouve avec trois recommandations de classe I, à savoir les diurétiques pour la rétention hydrosodée, les inhibiteurs du SGLT2 et le traitement de l'étiologie (si possible) ainsi que des comorbidités, cardiovasculaires ou non.

Dans l'IC aiguë, les diurétiques ont été étudiés e.a. dans le cadre des études ADVOR et CLOROTIC. Dans l'étude ADVOR, réalisée en Belgique, 519 patients en décompensation cardiaque aiguë, présentant des signes de surcharge volémique (oedèmes, épanchement pleural, ascite) et des taux majorés de NT-proBNP ou de BNP, ont été randomisés entre acétazolamide (500 mg IV/jour) et placébo, en plus du traitement classique par diurétiques de l'anse par voie IV. Le critère d'évaluation principal (succès de la décongestion, défini comme l'absence de signes de surcharge volémique trois jours après la randomisation) était atteint chez 42,2 % des patients sous acétazolamide, contre 30,5 % des patients sous placébo (p < 0,001), ceci permettant de raccourcir d'un jour la durée de séjour. Reconnaissant l'intérêt potentiel de l'ajout de l'acétazolamide au traitement diurétique conventionnel, les lignes directrices recommandent toutefois de collecter des données complémentaires en termes de sécurité et de devenir des patients, afin de mieux définir la place de ce traitement. En revanche, l'étude CLOROTIC, qui a étudié l'intérêt de l'hydrochlorothiazide chez 230 patients en IC aiguë, a montré une plus grande réduction du poids à 72 heures, mais sans amélioration de la dyspnée et avec une élévation de la créatinine plus fréquente avec l'hydrochlorothiazide (46,5 %) par rapport au placébo (17,2 %). Aucune amélioration de la durée de l'hospitalisation et de la fréquence de réhospitalisation n'a été observée. Les lignes directrices n'ont donc logiquement pas formulé de recommandation concernant l'usage de l'hydrochlorothiazide.

Outre la question du traitement médicamenteux, la manière dont le patient en IC aiguë est pris en charge a été soulignée e.a. par l'étude STRONG. En effet, la période qui suit une hospitalisation est particulièrement à risque pour le patient. Les lignes directrices quant au traitement de l'IC insistent particulièrement sur l'initiation rapide et l'optimisation des doses des piliers du traitement. Dans cette étude STRONG, on a analysé, par rapport à une attitude plus « conventionnelle », une approche basée sur l'initiation et le titrage du traitement médicamenteux oral dans les deux jours précédant la sortie du patient, ceci dans le but d'atteindre au moins la moitié des doses recommandées. En outre, un suivi rapproché après la sortie de clinique, visant à atteindre la dose maximale recommandée des médications en deux semaines, était également organisé. Les patients étaient ainsi revus à une, deux, trois et six semaines, avec examen physique et contrôle de la biologie incluant le NT-proBNP. Les patients randomisés à ce suivi intensif recevaient plus souvent que le groupe contrôle les doses maximales recommandées, et ce, de façon très significative. L'étude a été stoppée précocement, vu le bénéfice clinique majeur : le taux de réhospitalisation ou de mortalité à 180 jours était de 15,2 % dans le groupe intensif, contre 23,3 % dans le groupe conventionnel, comme le montre la figure 2. En se basant sur l'étude STRONG, une approche intensive pour initier et augmenter rapidement les doses, avec un suivi rapproché durant les six premières semaines, est recommandée dans les nouvelles lignes directrices (IB).

Le diagnostic et le traitement de la carence en fer (ferritine < 100 μg/L ou saturation transferrine < 20 %) étaient déjà recommandés dans les lignes directrices. L'étude IRONMAN, récemment publiée, a utilisé le dérisomaltose ferrique plutôt que le carboxymaltose ferrique et randomisé des patients en IC avec une fraction d'éjection inférieure ou égale à 45 %. Cette étude portait sur des patients principalement ambulatoires, bien que 14 % aient été randomisés durant une hospitalisation et que 18 % aient été hospitalisés pour IC durant les six mois précédents. Le critère d'évaluation principal composite (hospitalisation pour IC et mortalité cardiovasculaire) tendait à diminuer de 18 % (p = 0,085). Néanmoins, en regroupant les dix études randomisées réalisées sur le traitement IV par du fer (dont IRONMAN), portant sur 3 373 patients avec une IC et une carence martiale, une réduction de 25 % d'un indice composite (hospitalisation pour IC ou mortalité cardiovasculaire) était observée (p < 0,01). Aucun effet sur la mortalité n'était en revanche constaté. Sur la base de ces données, le traitement par du fer IV (dériso- ou carboxymaltose ferrique) est à présent recommandé non seulement chez les patients présentant une HFrEF, mais aussi chez ceux ayant une HFmrEF avec une carence en fer, dans le but de soulager les symptômes et d'améliorer la qualité de vie (IA). Ce traitement peut en outre être envisagé afin de réduire les hospitalisations pour IC (IIA).

En conclusion, cette mise à jour des précédentes lignes directrices datant de 2021 va dans la même direction et confirme plus particulièrement la place des inhibiteurs du SGLT2 dans le traitement des patients en IC, quelle que soit leur fraction d'éjection. Changement de paradigme, donc, pour un médicament qui avait été développé pour le diabète. Concernant les patients hospitalisés en raison d'une IC aiguë, cette mise à jour renforce une stratégie intensive de suivi lors de la sortie de clinique, pour optimiser rapidement le traitement. La mise en route de ce protocole devrait être précisée dans un trajet de soins, avec un relais vers le médecin traitant à organiser. L'importance des comorbidités, avec comme exemple la carence martiale, est également soulignée.

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