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Myocardite et cardiomyopathie dilatée: nouvelles notions issues de la cardiologie moléculaire
  • Ward Heggermont , Marc Vanderheyden 

Introduction

La myocardite et la cardiomyopathie dilatée (CMD) ne sont pas les affections les plus fréquentes dans le spectre des pathologies cardiovasculaires. Elles méritent toutefois toute notre attention, car les patients qui sont confrontés à ces tableaux cliniques sont souvent très jeunes.1 Les conséquences à long terme ne sont pas négligeables, tant sur le plan de la morbidité que de la mortalité. La myocardite est une affection inflammatoire, qui attaque le tissu musculaire cardiaque.2, 3 Une myocardite peut provoquer une insuffisance cardiaque aiguë et une mort subite chez des patients jeunes, auparavant en parfaite santé. Bien que cette affection puisse avoir des causes diverses, ce sont surtout les infections virales qui provoquent une myocardite (MV). Environ 12 % des cas de mort subite chez des patients de moins de 40 ans sont dus à une myocardite, et on pose un diagnostic de myocardite dans environ 10 % des biopsies prélevées chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque inexpliquée.1 Le tableau clinique de laMV est d'une part très hétérogène, ce qui explique qu'il est très difficile de prouver le diagnostic de manière irréfutable. D'autre part, il y a également des patients qui consultent en raison de plaintes et de symptômes d'insuffisance cardiaque, chez qui on constate une dilatation du ventricule gauche associée à une diminution de la fonction. Bien qu'une cardiopathie ischémique puisse être exclue assez rapidement et adéquatement, l'étiologie de la cardiomyopathie dilatée non ischémique est également très hétérogène et complexe.4

Myocardite et CMD: une étiologie commune?

Les virus cardiotropes sont souvent des pathogènes très banals, tels que des entérovirus (virus Coxsackie B3), des virus de rhumes (common cold) tels que le parainfluenza et le rhinovirus, ainsi qu'un certain nombre de pathogènes spécifiques tels que le virus herpès humain de type 6, le parvovirus B19, le virus Epstein-Barr (EBV) ou le cytomégalovirus (CMV). L'influenza ou le VIH sont moins souvent à l'origine d'une myocardite. Les virus en question déclenchent une réaction inflammatoire intense qui vise à détruire les pathogènes viraux dans le coeur. Toutefois, pour une raison encore insuffisamment expliquée, cette réaction inflammatoire 's'emballe' dans certains cas, ce qui peut entraîner des dommages myocardiques sévères. Ces dommages sont essentiellement provoqués par l'infiltration excessive et non contrôlée de cellules inflammatoires dans le myocarde, surtout les neutrophiles, les cellules T et les macrophages.3 Ces cellules provoquent non seulement une nécrose myocardique, mais également une transformation fibrotique (un substrat pour les arythmies ventriculaires) et de l'insuffisance cardiaque. Jusqu'à présent, on n'a pas encore compris pourquoi certains patients présentent une réaction inflammatoire intense avec des dommages cardiaques sévères, tandis que d'autres ne souffrent que de symptômes transitoires légers (comme une vague gêne thoracique) et ne consultent même pas.

Environ 50%des patients souffrant d'une myocardite guérissent spontanément dans les deux à quatre semaines suivant l'apparition des premières plaintes, avec une préservation complète de la fonction cardiaque. Une minorité de patients (entre 12 et 25 %) sont hémodynamiquement instables et doivent être hospitalisés en unité cardiaque intensive en vue d'un soutien hémodynamique. Dans des cas extrêmes, une transplantation cardiaque urgente est indiquée. Entre ces deux types de présentations, on trouve un autre groupe (25 à 38 %) qui développera une myocardite chronique. Ces patients présentent parfois une présence virale latente et/ou des cellules immunitaires résidentes, et le processus est parfois associé à la formation d'auto-anticorps qui entretiennent également l'inflammation. En tout cas, ces patients ont tous une inflammation myocardique chronique qui peut entraîner une fibrose, une dysfonction cardiaque, de l'insuffisance cardiaque et une

La cardiomyopathie dilatée (CMD) est une entité clinique qui combine une diminution de la fonction systolique avec des signes de dilatation du ventricule gauche. L'étiologie de la CMD est variée, et l'affection survient dans un contexte de prédisposition génétique.6, 7 Toutefois, la myocardite est une importante étiologie possible de CMD. En outre, on ignore pourquoi certains patients guérissent spontanément de leur myocardite, tandis que d'autres développent une CMD. étant donné le lien étiologique entre la MV et la CMD, il faut toujours penser à un épisode précédent de MV lorsqu'un patient se présente pour la première fois avec un phénotype de CMD.

La cardiologie moléculaire comme outil diagnostique

Compte tenu des classiques, mais obsolètes critères anatomopathologiques de Dallas signant une myocardite, il doit exister un infiltrat cellulaire inflammatoire dans le myocarde, associé ou non à une nécrose myocardique non typique d'un événement ischémique. Cela signifie qu'une biopsie endomyocardique est nécessaire pour poser le diagnostic de myocardite.2, 8 C'est notamment pour cette raison que la myocardite n'est de toute évidence pas toujours diagnostiquée, et que sa prévalence est vraisemblablement plus élevée que ce qui est mentionné dans la littérature. En ce qui concerne l'identification de la cause d'une cardiomyopathie dilatée, l'arsenal de possibilités est également plutôt restreint: on recherche un certain nombre de mutations génétiques, et une biopsie endomyocardique permet d'exclure des affections infiltrantes telles que l'amyloïdose ou la sarcoïdose. C'est surtout dans le domaine de l'imagerie qu'on a enregistré des progrès considérables, avec l'importance de l'IRM cardiaque, et de nouveaux paramètres lors des échocardiographies transthoraciques, tels que le 'global longitudinal strain' (GLS).

Bien que nous plaidions absolument pour un faible seuil de réalisation de biopsies endomyocardiques, de préférence même dans le ventricule gauche, étant donné leur précision diagnostique supérieure, de plus amples études sont nécessaires au sujet de méthodes non invasives pour pouvoir poser le diagnostic de MV. Le document de consensus du Working Group on Myocardial and Pericardial Disease de l'ESC souligne l'importance de l'IRMcardiaque pour le diagnostic de la myocardite. Les séquences de rehaussement tardif (LGE, 'late gadolinium enhancement', (figure 1) permettent notamment - mais pas exclusivement - de mieux mettre en évidence la fibrose et l'inflammation.1, 5Ces observations peuvent d'ailleurs être utilisées pour mieux cibler l'endroit de prélèvement des biopsies, à savoir au niveau des zones enflammées.

On a démontré assez récemment que le microARN-221/-222 présente une forte régulation positive chez les souris souffrant de myocardite (induite en infectant ces animaux par le virus Coxsackie B3) (figure 2). L'expression de ce 'cluster' de microARN-221/-222 a également été clairement démontrée dans des fragments myocardiques de patients souffrant d'une myocardite.9 De plus amples études sont nécessaires pour voir si la régulation positive de ces micro-ARN dans les biopsies, et éventuellement dans le sang ou le sérumdes patients, peut être utilisée comme biomarqueur diagnostique, ou si elle pourrait éventuellement avoir une valeur pronostique pour le développement d'une CMD.

Un autre défi consiste à confirmer la persistance de la présence virale et de l'activité du virus dans le myocarde de patients souffrant deCMD. Chez ces patients, un traitement anti-inflammatoire ou antiviral pourrait s'avérer utile pour mettre fin au remodelage négatif. à cet effet, on mène actuellement des recherches au sujet de biomarqueurs génétiques plutôt universels, des gènes qui sont exprimés lorsque les cellules sont infectées par des virus. La recherche de pathogènes viraux pourrait ainsi être plus ciblée.

Les options thérapeutiques pour la MV et la CMD

Les recommandations actuelles de l'ESC, relatives à la MV et à la CMD, ne cautionnent que le traitement de la dysfonction ventriculaire, en se calquant sur les recommandations relatives à l'insuffisance cardiaque. Bien que l'activation du système immunitaire joue un rôle important dans la survenue de dommages myocardiques, une inhibition large et aspécifique du système immunitaire n'est pas toujours corrélée avec une amélioration clinique! En revanche, l'action ciblée sur des voies très spécifiques semble utile pour réduire les dommages cardiaques excessifs et accélérer l'élimination virale.1, 3

Il semble évident que, dans un contexte de myocardite sévère, un traitement antiviral puisse apporter une valeur ajoutée, en plus du traitement aspécifique de l'insuffisance cardiaque. Ceci nécessite toutefois que le diagnostic soit posé à temps, et que l'agent viral soit identifié adéquatement, ce qui est souvent un problème en pratique. Pour cette raison, on ne dispose jusqu'à présent pas d'études cliniques ayant évalué l'utilité d'un traitement antiviral en cas de myocardite.

Les patients souffrant de CMD présentent souvent des symptômes classiques d'insuffisance cardiaque, et sont dès lors traités en conséquence. Toutefois, lorsque la dilatation ventriculaire gauche persiste, en dépit d'une décharge hémodynamique, il n'existe pas beaucoup d'autres options pour stimuler le remodelage positif du ventricule gauche. On instaure classiquement des bêtabloquants, des inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC-A) et des antagonistes de l'aldostérone. Par ailleurs, dans le sous-groupe de patients qui entrent en ligne de compte pour un traitement de resynchronisation cardiaque, selon les recommandations en vigueur, cette option doit évidemment être évoquée.

Certains patients souffrant d'une myocardite ou d'une CMD présentent des arythmies importantes, parfois potentiellement mortelles. Lors d'une étude électrophysiologique, une partie de ces patients sont facilement inductibles. Toutefois, chez ces patients, il ne semble pas toujours indiqué d'implanter immédiatement un DCI ou un TRC-D, sur la base de l'inductibilité, dans un contexte d'inflammation myocardique active. S'il est possible de contrer l'inflammation active, par exemple au moyen d'une association de prednisolone et d'azathioprine, on peut adopter une attitude attentiste à l'égard de l'implantation de défibrillateurs au cours des premières semaines. En revanche, si le patient développe une tachycardie ventriculaire symptomatique, il faut évaluer soigneusement la pertinence de l'implantation d'un dispositif. Comme nous l'avons indiqué précédemment, l'inhibition large et aspécifique du système immunitaire à moyen terme n'est pas une bonne option thérapeutique chez ces patients. Par contre, il est clairement démontré que l'élimination ciblée desmacrophages pro-inflammatoires (présents en nombre) dans le tissu myocardique est bénéfique pour limiter les dommages myocardiques et améliorer l'évolution, du moins dans des modèles animaux expérimentaux.10 Le défi consiste à traiter l'inflammation des patients de manière ciblée, afin d'améliorer de la sorte leur évolution à long terme.

Le débat au sujet de la nécessité ou de la pertinence d'un traitement antiviral en cas de myocardite n'est pas encore clos. Dans certains cas, un traitement antiviral semble évident, si on tient compte des complications qu'entraînerait l'absence de traitement (p. ex. myocardite due au CMV ou au VIH). Toutefois, chez l'immense majorité des patients souffrant de MV, il est très difficile de déterminer l'agent viral en cause. En outre, il n'existe pas de traitement antiviral efficace pour des virus tels que le Coxsackie B3. Enfin, les patients souffrant de MV consultent souvent leur cardiologue lorsque les plaintes durent déjà depuis un certain temps. à ce moment, le coupable n'est plus la réplication virale en elle-même, mais bien l'inflammation excessive non contrôlée, à l'origine de la nécrose myocardique, et la présence éventuelle d'auto- anticorps qui entretiennent le processus inflammatoire.

Conclusion

La myocardite et la cardiomyopathie dilatée sont des affections intéressantes au sein du spectre de l'insuffisance cardiaque. Des développements récents en cardiologie moléculaire peuvent accélérer et affiner le diagnostic de cette pathologie. En outre, l'élucidation de la physiopathologie de la myocardite pourra déboucher sur la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques permettant une prise en charge ciblée de lamyocardite autant que de la cardiomyopathie dilatée.

Références

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