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Cardiomyopathie ischémique: CABG ou PCI???
  • Christiaan Vrints

La prise en charge plus efficace des facteurs de risque cardiovasculaire et des syndromes coronariens aigus a permis d'améliorer nettement la survie des patients souffrant de maladies coronariennes. De ce fait, les cardiopathies ischémiques sont plus souvent une affection chronique, avec une prévalence croissante d'insuffisance cardiaque et de fibrillation auriculaire consécutives à une cardiomyopathie ischémique.

Des preuves scientifiques solides indiquent que la chirurgie de pontage coronarien (CABG) constitue un traitement efficace pour les patients présentant des plaintes d'angor sévères. Comparativement aux médicaments, le CABG améliore significativement l'espérance de vie des patients présentant des maladies coronariennes pluritronculaires étendues et une nette dysfonction ventriculaire gauche. Ces preuves sont issues d'études conduites il y a plus de 40 ans, au moment où on ne disposait pas encore du traitement médicamenteux optimal pour les cardiopathies ischémiques et l'insuffisance cardiaque, actuellement utilisé. Bien que ces études soient dépassées sous bien des aspects, elles forment toujours la base des recommandations modernes pour une revascularisation myocardique.

Dans ces anciennes études cliniques, les patients souffrant de maladies coronariennes étendues sévères et/ou d'une diminution sévère de la fonction ventriculaire gauche et/ou d'insuffisance cardiaque symptomatique étaient le plus souvent exclus. Grâce à l'amélioration de la cardio-anesthésie et de la cardioprotection, de plus en plus de patients souffrant d'insuffisance cardiaque avec diminution de la fonction ventriculaire gauche sont adressés en vue d'un CABG, souvent combiné avec la correction chirurgicale d'une insuffisance valvulaire mitrale associée à l'insuffisance cardiaque.

Les résultats à long terme de l'étude STICH (Surgical Treatment for Ischemic Heart Failure) ont été publiés récemment.1 Lors d'une période de suivi clinique allant jusqu'à 10 ans après l'étude originale, on a observé une diminution significative (-21 %) de la mortalité cardiovasculaire et du nombre d'hospitalisations chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une dysfonction ventriculaire gauche sévère (fraction d'éjection inférieure à 35 %), traités par CABG, comparativement aux patients bénéficiant d'un traitement médicamenteux seul. Contrairement aux études de revascularisation antérieures, les patients inclus dans l'étude STICH, qui ont subi un CABG, ont reçu un greffon LIMA au lieu d'un bypass veineux sur l'IVA. Ils recevaient par ailleurs un traitement médical optimal incluant des statines, ce qui a vraisemblablement contribué au bon résultat clinique jusqu'à 10 ans après l'intervention. Sur la base de l'étude STICH, il faut assurément mettre en balance l'important avantage pronostique d'une revascularisation myocardique chirurgicale par rapport au risque opératoire chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une dysfonction ventriculaire gauche sévère.

De nombreuses études ont comparé l'utilité d'une intervention coronaire percutanée (PCI) avec celle d'un CABG, chez des patients ayant des plaintes d'angor stable, présentant une maladie pluritronculaire. À l'exception des diabétiques, on n'a pas observé de différences sur le plan de la mortalité cardiovasculaire et de l'incidence d'infarctus myocardique aigu entre les deux méthodes de revascularisation. Initialement, ces études avaient été conduites avec des stents nus, mais plus tard avec des stents médicamenteux de la première génération. Entre-temps, suite à l'amélioration technologique des stents médicamenteux, la plupart des études cliniques ayant comparé une PCI et un CABG chez des patients souffrant de maladies pluritronculaires sont déjà dépassées. Les stents médicamenteux actuels, munis d'entretoises beaucoup plus minces, recouverts d'un polymère biocompatible et libérant de l'évérolimus ou du zotarolimus de manière beaucoup plus contrôlée, sont infiniment meilleurs que ceux de la première génération. Ces stents sont plus flexibles, de sorte qu'ils peuvent être placés facilement, même dans l'anatomie coronaire la plus complexe; il en existe de plus longs, ce qui permet de couvrir de longs segments coronariens atteints, sans compromettre le flux vers les branches latérales; ils sont associés à une très faible incidence de resténose coronaire et de thrombose aiguë du stent. L'utilisation croissante d'un abord radial, l'indication posée sur la base de l'impact fonctionnel des sténoses coronaires via une mesure de la réserve coronaire fractionnelle, un soutien hémodynamique périprocédural dans les groupes à très haut risque et l'utilisation d'antithrombotiques très puissants, tant périprocédurale qu'après le traitement, favorisent tant la sécurité que l'efficacité d'une PCI, non seulement en cas de maladies monotronculaires simples, mais aussi de maladies pluritronculaires complexes. De ce fait, le recours au CABG diminue à vue d'oeil...

Dans une récente étude observationnelle rétrospective portant sur des patients souffrant d'une maladie pluritronculaire et d'une dysfonction ventriculaire gauche sévère (fraction d'éjection ≤ 35 %), sélectionnés au départ des registres de PCI et de CABG de l'État de New York, on a comparé les résultats cliniques durant une période de 4 ans après une revascularisation par PCI avec un stent libérant de l'évérolimus par rapport à un CABG classique.2 La mortalité à long terme ne différait pas significativement entre les deux groupes. On notait moins d'AVC après une PCI (-43 %), mais plus d'infarctus myocardiques (+116 %) et de nouvelles revascularisations (+154 %) qu'après un CABG. Ce résultat suggère qu'une PCI avec des stents médicamenteux modernes peut être une alternative valable à un CABG chez les patients souffrant d'une cardiomyopathie ischémique sévère et d'une maladie pluritronculaire. Étant donné le risque d'AVC et peut-être aussi de décès plus faible, associé à l'intervention initiale, et la convalescence plus rapide, la PCI constitue peut-être la stratégie de choix pour un grand nombre de patients souffrant d'une maladie pluritronculaire et d'une dysfonction ventriculaire gauche sévère, surtout lorsqu'une revascularisation complète est possible. Dans l'étude récente, on a noté, dans ce dernier groupe, une nette tendance à une diminution de la mortalité (-12 %) et de l'incidence d'infarctus myocardiques aigus (-42 %). Bien qu'un CABG garantisse initialement une revascularisation plus complète, il faut s'attendre à ce que le risque d'infarctus à plus long terme (> 4 ans) soit peut-être plus élevé qu'après une PCI, en raison de l'occlusion progressive des greffons veineux. Dans l'étude REGISTRY, on n'a obtenu de revascularisation complète que chez un cinquième des patients traités par PCI. On peut toutefois escompter qu'à l'avenir, une PCI permette d'obtenir une revascularisation complète chez un nombre croissant de patients, grâce aux progrès techniques et aux meilleures chances de succès des interventions coronaires en cas d'occlusions totales chroniques.

Une grande partie des patients souffrant d'une cardiomyopathie ischémique présentent une régurgitation mitrale hémodynamiquement significative, qu'elle soit fonctionnelle par dilatation de l'anneau, due à une rétraction postinfarctus d'un feuillet valvulaire mitral ou à une atteinte dégénérative associée de l'appareil valvulaire mitral. Pour le moment, ces patients tirent encore avantage d'une revascularisation myocardique chirurgicale combinée avec une chirurgie valvulaire mitrale correctrice.3

Les résultats obtenus avec la pose de clips sur la valve mitrale sont toutefois très prometteurs, et ces interventions sont peu ou pas invasives pour les patients. Cette technique supplantera donc également de plus en plus la chirurgie, surtout chez les patients souffrant d'une cardiomyopathie ischémique, chez qui le risque opératoire immédiat est très élevé.4 D'ici les 5 à 10 prochaines années, il faut également s'attendre à une percée dans le remplacement percutané de la valve mitrale - peut-être sous la forme d'une intervention cardiochirurgicale-cardiologique hybride via une minithoracotomie. La chirurgie valvulaire mitrale classique risque dès lors aussi de disparaître en grande partie.5, 6

En résumé, une revascularisation par PCI avec les stents médicamenteux modernes de la deuxième génération semble être une alternative valable à la revascularisation myocardique chirurgicale, y compris chez des patients souffrant d'une maladie pluritronculaire et d'une dysfonction ventriculaire gauche sévère. Parallèlement aux nouvelles techniques percutanées pour la correction et le remplacement de la valve mitrale en cas de régurgitation mitrale associée, l'avenir de la cardiochirurgie semble encore plus menacé ...

Références

  1. Velazquez, E.J., Lee, K.L., Jones, R.H., Al-Khalidi, H.R., Hill, J.A., Panza, J.A. et al. Coronary-Artery Bypass Surgery in Patients with Ischemic Cardiomyopathy. N Engl J Med, 2016, 374 (16), 1511-1520.
  2. Bangalore, S., Guo, Y., Samadashvili, Z., Blecker, S., Hannan, E.L. Revascularization in Patients With Multivessel Coronary Artery Disease and Severe Left Ventricular Systolic Dysfunction: Everolimus-Eluting Stents Versus Coronary Artery Bypass Graft Surgery. Circulation, 2016, 133 (22), 2132-2140.
  3. Goldstein, D., Moskowitz, A.J., Gelijns, A.C., Ailawadi, G., Parides, M.K., Perrault, L.P. et al. Two-Year Outcomes of Surgical Treatment of Severe Ischemic Mitral Regurgitation. N Engl J Med, 2016, 374 (4), 344-353.
  4. Feldman, T., Kar, S., Elmariah, S., Smart, S.C., Trento, A., Siegel, R.J. et al. Randomized Comparison of Percutaneous Repair and Surgery for Mitral Regurgitation5-Year Results of EVEREST II. J Am Coll Cardiol, 2015, 66 (25), 2844-2854.
  5. Figulla, H.R., Webb, J.G., Lauten, A., Feldman, T. The transcatheter valve technology pipeline for treatment of adult valvular heart disease. Eur Heart J, 2016, [Epub ahead of print].
  6. Nishimura, R.A., Vahanian, A., Eleid, M.F., Mack, M.J. Mitral valve disease—current management and future challenges. Lancet, 2016, 387 (10025), 1324-1334.

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