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Masse cardiaque de découverte fortuite ... à quoi penser?
  • Perrine Vande Berg, Olivier Marcovitch, Auriane Ceulemans, Marc Alkhori, Ron Cytryn, Antoine de Meester

Introduction

Les masses cardiaques sont rares. Le myxome est la tumeur primitive (bénigne) la plus connue; les lésions cancéreuses primitives ou secondaires sont exceptionnelles. Beaucoup sont découvertes de manière fortuite à l'échocardiographie. Le diagnostic différentiel avec des caillots ou des végétations est parfois difficile. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) et le scanner cardiaque sont devenus des examens essentiels - avec l'échographie transoesophagienne - pour l'analyse morphologique et fonctionnelle de ces masses. De plus, un cardiologue expérimenté est souvent de bon conseil dans le diagnostic. L'exérèse chirurgicale est souvent le seul traitement possible. Nous présentons un cas rare de tumeur cardiaque secondaire d'origine néoplasique et proposons quelques images caractéristiques de ces masses.

Cas clinique

Un patient de 83 ans se présente aux Urgences pour dyspnée, d'apparition récente, sans aucune autre plainte cardiorespiratoire. Il n'est pas fébrile et le reste de son anamnèse systématique est sans particularité. Il n'a pas de facteur de risque cardiovasculaire. Il a souffert d'un adénocarcinome prostatique traité par curiethérapie. Son traitement comporte du bisoprolol et de l'aspirine. À l'examen clinique, il est légèrement hypertendu et afébrile. Son auscultation cardiopulmonaire est sans particularité et on note l'absence d'oedème des membres inférieurs ou d'un autre signe de décompensation cardiaque.

Sa prise de sang montre une formule sanguine complète sans particularité, l'absence d'un syndrome inflammatoire et une légère insuffisance rénale aigue avec une créatinine à 1,4 mg/dl (N: 0,8-1,2 mg/dl). Il n'y a pas de foyer infectieux à la radiographie de thorax et la scintigraphie pulmonaire ventilation/ perfusion ne montre pas d'embolie pulmonaire. Le bilan de dyspnée est complété par une échographie cardiaque transthoracique montrant une volumineuse masse dans l'oreillette droite, se prolabant dans le ventricule droit au travers de la valve tricuspide. L'échographie cardiaque transoesophagienne confirme cette masse échodense de 61 x 21 mm, bien délimitée et pédiculée (figure 1). Elle semble être attachée sur la partie inférieure du septum auriculaire. L'IRM cardiaque confirme cette tumeur mobile, pédiculée à la base du septum interauriculaire avec un contour lobulé et net (figure 2). La masse est homogène, isointense, léger rehaussement finement hétérogène en T1 et légèrement hyperintense, finement hétérogène en T2. Il existe une discrète insinuation dans la veine cave.

Un scanner abdominal injecté, réalisé pour un épisode de rectorragie, montre la masse intracardiaque qui rehausse de manière hétérogène en phase artérielle et, un processus expansif intra-parenchymateux du foie avec un envahissement de la veine cave inférieure et de la veine sushépatique moyenne. La masse sera biopsiée: l'anatomo-pathologie confirme un hépatocarcinome. Le PET-scan montre des caractéristiques comparables de la masse de l'oreillette droite et celle au niveau hépatique: il n'y a pas d'autres foyers hypermétaboliques. Après concertation médico-chirurgicale, le patient sera opéré de cette masse cardiaque. L'anatomo-pathologie de la masse cardiaque sera compatible avec une masse d'un hépatocarcinome.

Généralités

Les masses cardiaques peuvent être symptomatiques, de découverte fortuite ou découvertes à l'autopsie. Il est important de faire le diagnostic différentiel avec les thrombus intracardiaques et les végétations (figures 3-5). Dans ces cas, un contexte évocateur est souvent présent comme une fibrillation auriculaire, un antécédent d'infarctus du myocarde, une dysfonction ventriculaire ou une pathologie valvulaire préalable ...

Les masses cardiaques les plus fréquentes sont les tumeurs secondaires. L'incidence exacte est inconnue, car non recherchée systématiquement; les données sont basées sur des autopsies. Souvent, la néoplasie primaire est connue. L'incidence des métastases cardiaques a tendance à augmenter suite à une meilleure performance des appareils d'échographie et l'espérance de vie plus longue des patients cancéreux. Des données plus récentes de 2008 montrent une incidence de métastases cardiaques dans 2,3 % des autopsies dans la population générale, et dans 7,1 % des autopsies sur une sélection de patients cancéreux.

Contrairement aux métastases cardiaques, les tumeurs primitives sont extrêmement rares. Les tumeurs primitives bénignes sont les plus fréquentes, dont plus de 80 % sont des myxomes. La deuxième tumeur primitive la plus fréquente est le fibro-élastome. Notons qu'actuellement, on en trouve de plus en plus souvent grâce à la technologie d'échocardiographie plus performante. Comme autres tumeurs primitives, mais plus rares, nous notons les fibromes, les lipomes et les rhabdomyomes. Les tumeurs cardiaques primitives malignes sont plus rares que les bénignes. Elles comportent essentiellement les sarcomes dans plus de 90 % et, plus rarement, des lymphomes.

Présentation clinique

Les patients sont le plus souvent asymptomatiques. Les symptômes (dyspnée, précordialgie, syncope …) dépendent surtout de la localisation plus que de l'histologie: en effet, une tumeur bénigne peut avoir plus de répercussions cliniques qu'une tumeur maligne. Il peut y avoir des signes de décompensation cardiaque droite, gauche ou globale, liés à une dysfonction valvulaire, une obstruction du flux cardiaque et une altération de la contractilité. On craint essentiellement des embolisations vers le système nerveux central ou systémique. Lorsqu'il y a une invasion du muscle cardiaque, des troubles du rythme peuvent apparaître avec syncope, palpitations ou même mort subite.

Examens complémentaires

L'examen technique de référence est l'échographie cardiaque transthoracique. Elle est simple, non invasive, facile d'accès et peu couteuse. Elle confirme la présence d'une masse, sa morphologie, sa localisation, sa mobilité, les conséquences hémodynamiques, l'aspect potentiellement embolique, son contenu et sa vascularisation. Le scanner et l'IRM seront (surtout) réalisés si un traitement chirurgical est envisagé. Au scanner, on analyse plus finement la résolution spatiale avec l'invasion du myocarde ou non, la vascularisation. Notons que l'IRM est moins irradiante et est plus performante quant à l'analyse du tissu de la masse. Nous la conseillons si celle-ci est disponible. Les différentes séquences en T1 et T2 permettent d'affiner le diagnostic. Les biopsies par cathétérisme droit ne sont plus réalisées, car il y a un risque non négligeable d'embolisation.

Tumeur primitive

Le myxome cardiaque est la tumeur primitive bénigne du coeur la plus fréquente (figures 6-8). C'est une masse souvent solitaire qui peut atteindre des dimensions importantes (1-15 cm). Elle se situe le plus fréquemment dans l'oreillette gauche et émane du septum interauriculaire, proche du foramen ovale. Mise à part la symptomatologie cardiorespiratoire liée à sa localisation, sa taille et sa mobilité, le myxome peut s'accompagner de symptômes constitutionnels comme une perte de poids, de la fièvre … À l'échographie, la masse est pédonculée, lisse et lobulée. On décrit classiquement trois formes: une forme polypoïde, villeuse et papillaire. Notons que les deux dernières ont un risque embolique plus important. Les myxomes peuvent contenir des kystes et de rares calcifications. Le myxome est hétérogène au scanner et il est hyperintense en T2 à l'IRM. Il y a également une prise de contraste hétérogène. Le traitement est chirurgical, car il y a un risque d'embolisation, de complications cardiovasculaires et de mort subite. La chirurgie donne de très bons résultats et les récidives sont rares mis à part les myxomes rentrant dans le cadre d'une maladie autosomique dominante: le complexe de Carney (myxomes multiples, atteinte cutanée, tumeur neuroendocrines) qui présentent jusque 13 % de risque de récidive. Une série de 11 myxomes et de six autres tumeurs (rhabdomyome, lipome, fibrosarcome, rhabdomyosarcome, sarcome péricardique) réséqués montre l'absence de récidive après 55 mois, sans mortalité tardive.

La deuxième tumeur primitive bénigne la plus fréquente est le fibro-élastome papillaire. Cette masse est souvent plus petite, inférieure à un centimètre. Elle est également solitaire et est le plus souvent localisée au niveau des valves, surtout sur la valve aortique. Elle a une croissance lente mais un risque embolique élevé. En échographie la tumeur est petite, pédonculée et peut parfois avoir un aspect d'anémone. L'échographie cardiaque transoesophagienne est primordiale. Notons que l'IRM ou le scanner ne sera que réalisé en pré-opératoire. Le traitement est chirurgical si la tumeur est large et mobile. Eventuellement s'il y a atteinte du coeur droit avec un shunt droit-gauche, une atteinte hémodynamique significative ou une évidence d'embolisation. Si un fibro-élastome est présent au niveau du coeur gauche, une abstention thérapeutique peut être préconisée si la tumeur est petite et non mobile. Un traitement antiplaquettaire est toutefois conseillé.

Plus rare sont les lipomes. Ces masses émanent le plus souvent de la surface épicardique. Parfois elles sont sous-endocardiques petites et sessiles, parfois elles sont valvulaires ou péricardiques. La masse est homogène et encapsulée. La nature graisseuse est bien visualisée au scanner ou à l'IRM. Le traitement est potentiellement chirurgical, car ces masses sont souvent symptomatiques et peuvent grandir rapidement.

Les tumeurs cardiaques primitives malignes sont plus rares ; la néoplasie la plus fréquente est le sarcome, de localisation variable mais le plus souvent du côté gauche (figure 9). Leur évolution est rapide. L'angiosarcome est le type histologique le plus fréquent. L'aspect échographique ne change pas selon le type histologique et le traitement reste semblable. La masse présente un rehaussement en phase artérielle lors de l'injection de produit de contraste au scanner et à l'IRM. Les métastases pulmonaires sont fréquentes et associées à un mauvais pronostic. Le traitement est chirurgical si une résection complète est possible, ... et fonction de l'état et du pronostic du patient.

Tumeurs secondaires

Tout cancer peut métastaser au niveau cardiaque, mais il n'y a pas de cancer qui métastase préférentiellement au niveau cardiaque (figure 10). La métastase atteint, le plus fréquent, le péricarde. La clinique est variable selon le site envahi, mais la plupart des cas décrits concerne des métastases diagnostiquées après le décès du patient. La morphologie est variée, ainsi que son mécanisme d'invasion. L'atteinte du péricarde peut être focale, massive ou diffuse avec ou sans fibrine ou effusions hémorragiques.

Il n'y a pas de localisation préférentielle dans l'atteinte du myocarde. Notons l'aspect parfois typique des lymphomes, car le tissu néoplasique tend à remplacer le tissu myocardique avec l'apparition du tissu gris homogène, moins contractile. L'atteinte de l'endocarde est souvent au niveau du coeur droit; l'atteinte valvulaire est plutôt rare. Il faut y penser chez un patient cancéreux avec apparition de symptômes cardiovasculaires, d'une cardiomégalie, d'un souffle, ou en présence d'arythmies. La métastase cardiaque est rarement la première manifestation de la maladie. Une résection chirurgicale est conseillée si la métastase est unique. La résection améliore la survie. Il faut bien sélectionner les patients. La radiothérapie est parfois conseillée à visée symptomatique. Le pronostic reste sombre, même en cas de résection chirurgicale complète.

Conclusion

Ce cas clinique permet de faire un bref rappel des néoplasies cardiaques et de l'apport de l'imagerie. L'échographie cardiaque est primordiale dans le diagnostic et la caractérisation de la masse cardiaque. L'IRM et le scanner ne sont que conseillés que si un traitement chirurgical est envisagé. Rappelons qu'un diagnostic différentiel se pose avec un thrombus ou une végétation. Les tumeurs primitives sont rares et le plus souvent bénignes. Le traitement est le plus souvent chirurgical. Les tumeurs primitives malignes sont plus rares et le plus souvent des sarcomes. Ceux-ci sont souvent déjà à un stade avancé et ont un pronostic effroyable. Les métastases cardiaques sont les néoplasies cardiaques les plus fréquentes: il faut y penser lors d'apparition de symptômes cardiovasculaires chez un patient avec une affection néoplasique connue. Il n'y a pas de consensus quant à leur traitement, contrairement aux tumeurs primitives qui sont plus rares que les métastases.

Références

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