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Le pneumomédiastin. Panique pour un peu d'air ...
  • François Dachy, Charles Etobou, Michel Tafforeau, Guy Jouret

Le pneumomédiastin fait partie du diagnostic différentiel large et complexe des douleurs thoraciques. Si les très rares formes secondaires peuvent engager le pronostic vital par la cause sous-jacente, le pneumomédiastin qualifié de spontané, appelé aussi primaire, s'avère être une pathologie bénigne affectant plutôt une population d'adolescents et de jeunes adultes. À travers d'un cas clinique, cet article vise à définir et rappeler au praticien cette entité diagnostique rare et bénigne.

Cas clinique

La survenue d'une dyspnée d'apparition brutale lors d'une montée d'escaliers, accompagnée d'une douleur thoracique irradiant dans la mâchoire, très anxiogène, justifie l'admission en salle d'urgences d'un jeune patient de 15 ans, sans antécédents particuliers.

Une évaluation clinique, radiologique et biologique rassurante permet un retour rapide au domicile.

Le lendemain, un second contact en salle d'urgences est motivé par la persistance de la symptomatologie. La radiographie de thorax reste négative (figure 1). Les épreuves fonctionnelles respiratoires s'avèrent normales.

Trois jours plus tard, le patient souffre d'un malaise lipothymique sévère à l'école, affolant parents et enseignants et conduisant à une nouvelle admission en salle d'urgences.

L'échographie transthoracique suspecte la présence d'air de part et d'autre du manchon aortique et le scanner thoracique pose le diagnostic formel de pneumomédiastin.

L'évolution clinique fut rapidement favorable sous simples antalgiques de 1ère classe administrés en ambulatoire. Le suivi du jeune patient est banal avec normalisation complète de l'imagerie thoracique (figure 2).

Discussion

Le pneumomédiastin ou emphysème médiastinal définit la présence d'air dans les tissus mous médiastinaux.2 Il est dit spontané en l'absence de cause évidente telle qu'un traumatisme, une infection ou une étiologie iatrogène.7

Les premières descriptions de pneumomédiastin remontent à René Laennec (1781-1826).7

Il s'agit d'une entité rare dont l'incidence est estimée à 1/25 000 entre 5 et 34 ans, avec 1/44 500 des accidents ou admissions en salle d'urgence. Le sex-ratio est en moyenne de 9 hommes pour 1 femme.3, 7 Certains auteurs avancent que cette incidence est sous-estimée par un défaut diagnostique et une attribution trop fréquente des douleurs thoraciques à une étiologie musculo-squelettique.7

Le mécanisme le plus souvent incriminé est une élévation de la pression endobronchique avec majoration du gradient séparant les alvéoles de leur environnement. Ce barotraumatisme causé par un effort de toux, de vomissement ou toute autre manoeuvre de Valsalva conduit à l'éclatement alvéolaire et à la fuite d'air le long des axes broncho-vasculaires convergeant vers les hiles pulmonaires et le médiastin (figure 3).1, 2, 6

Cette hypothèse porte le nom d'effet Macklin en référence à M.T. Macklin et C.C. Macklin l'ayant décrit les premiers en 1944.

Dans le syndrome d'Hammam, initialement décrit chez une patiente en post-partum, la présence d'emphysème sous-cutané cervical et/ou thoracique complète le tableau (un pneumomédiastin affecterait environ une parturiente pour environ 100 000 naissances par voie basse).3, 7

On rapporte de nombreux facteurs favorisants parmi lesquels l'asthme, la BPCO, la néoplasie pulmonaire, les corps étrangers, les voies aériennes mais également l'anorexie mentale, l'inhalation de fumées toxiques, la plongée sous-marine, la consommation de drogues récréatives, en particulier la cocaïne et l'ecstasy.4, 7

La physiopathologie reste parfois incomprise comme les premières associations de pneumomédiastin aux polymyosites ou dermatomyosites décrites en 1986 et le syndrome de fuite d'air thoracique (Thoracic air leak Syndrome - TALS) défini par Franquet et al., associé à une maladie du greffon contre l'hôte.5, 6

La présentation clinique comprend une douleur thoracique rétrosternale avec ou sans dyspnée et une toux sèche dans 60 à 70 % des séries.1, 2, 7 L'apparition est souvent brutale ou suit les exacerbations d'une maladie chronique telle que l'asthme ou la BPCO. D'autres symptômes sont décrits impliquant une gêne cervicale, une dysphagie ou des vomissements.

La sémiologie peut comporter un emphysème sous-cutané (présence jusqu'à 70 % des cas) ou une rhinolalie (voix sinusale causée par l'infiltration d'air dans le palais mou).7 On décrit classiquement le signe d'Hammam, rare mais spécifique, comme des crépitants synchrones au rythme cardiaque auscultés à la pointe du coeur ou le long du bord gauche du sternum.1

Si la radiographie du thorax conventionnelle apporte déjà de nombreux éléments, c'est la tomographie computérisée qui s'avère l'examen le plus précieux au diagnostic. Elle permet en outre une évaluation plus complète des structures environnantes révélant aussi toute comorbidité ou facteur causal éventuel.2

Les complications sont rares. Certains cas de pneumomédiastin compressif ont été décrits, mimant alors un tableau de tamponnade. La pneumatose épidurale ou pneumorachis correspond à l'air autour de l'espace épidural. Bien qu'exceptionnelle, elle est une complication bénigne du pneumomédiastin spontané et ne requiert ni investigations supplémentaires ni traitement ciblé.4

Le traitement est essentiellement symptomatique. Les antalgiques de 1ère classe sont administrés, avec ou sans anxiolytique et traitement antitussif.7 L'administration d'oxygène en salle d'urgence semble controversée. L'antibiothérapie n'est quant à elle pas indiquée.

Conclusion

Au départ d'un cas clinique caractéristique de pneumomédiastin spontané chez un jeune adolescent, nous revoyons cette entité nosologique qui s'avère au total être une condition bénigne, même si parfois très bruyante cliniquement, probablement sous-diagnostiquée, exigeant surtout d'exclure une étiologie grave dictant une prise en charge spécifique. Le diagnostic est confirmé par le scanner thoracique.

Le traitement se résume à une thérapie antalgique, repos et patience … Une surveillance ambulatoire confirme généralement la régression spontanée de la pathologie.

Références

  1. Avaro, J.P., D'Journo, X.B., Hery, G., Marghli, A., Doddoli, C., Peloni, J.M., Miltgen, J., Bonnet, D. Pneumomédiastin spontané du jeune adulte : une entité clinique bénigne. Rev Mal Respir, 2006, 23, 79-82.
  2. Caviezel, C., Fachinger, P., Gambazzi, F. Pneumomédiastin, généralement beaucoup de bruit pour un peu d'air. Forum Med Suisse, 2014, 14 (34), 613-616.
  3. Khurram, D., Patel, B., Waseem Farra, M. Hamman's Syndrome : A Rare Cause of Chest Pain in a Postpartum Patient. Case Reports in Pulmonology, 2015, doi:10.1155/2015/201051.
  4. Clause, A.L., Coche, E., Hantson, P., Jacquet, L.M. Spontaneous pneumomediastinum and epidural pneumatosis after oral ecstasy consumption. Acta Clinica Belgica, 2014, 69 (2), 146-148.
  5. Barvaux, V.A., Van Mullem, X., Pieters, T.H., Houssiau, F. Persistent pneumomediastinum and dermatomyositis : a case report and review of the literature. Clin Rheumatol, 2001, 20 (5), 359-361.
  6. Colin, G.C., Ghaye, B., Coche, E. Tension pneumomediastinum secondary to thoracic air-leak syndrome in chronic graft versus host disease. Diagn Interv Imaging, 95 (3), 317-319.
  7. Kouritas, V.K., Papagiannopoulos, K., Lazaridis, G., Baka, S., Mpoukovinas, I., Karavasilis, V., et al. Pneumomediastinum. J Thorac Dis, 2015, 7 (S1), S44-S49.

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