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FFR-CT: diagnostic anatomique et physiologique chez les patients souffrant d'une maladie coronarienne stable - The best of both worlds?
  • Guy Van Camp

Le débat au sujet de l'utilisation correcte des tests démontrant l'ischémie n'a jamais été aussi actuel, sans doute parce que la gamme de techniques d'imagerie capables de démontrer une ischémie s'est fortement élargie ces dernières années. La 'bonne vieille' cycloergométrie n'est pas devenue tout à fait obsolète, mais son rôle s'est nettement réduit, surtout parce que sa sensibilité et sa spécificité sont faibles, en l'occurrence respectivement 45-50 % et 85-90 %. L'imagerie non invasive a acquis une place importante: échocardiographie de stress, scintigraphies de stress, MDCT (scanner multidétecteurs) et IRM.

En ce qui concerne la détection d'une maladie coronarienne (CAD: coronary artery disease), il faut distinguer deux situations: la présence d'athéromatose, le processus pathologique, d'une part, et la présence d'une maladie coronarienne obstructive, potentiellement source d'ischémie, d'autre part. En outre, nous devons déterminer à l'avance la probabilité prétest qu'un patient individuel puisse souffrir d'une maladie coronarienne, étant donné que la plus-value diagnostique d'un test d'ischémie dépend fortement de la probabilité prétest que le patient puisse souffrir d'une maladie coronarienne significative (théorie de Bayes).

Compte tenu de ces données, l'ESC propose de distinguer deux grands groupes: les patients courant un risque faible à intermédiaire et ceux courant un risque intermédiaire à élevé.1 Dans le premier cas, il faudrait se cibler sur la détection de l'athérosclérose, dans le deuxième cas, sur celle de l'ischémie. Dans le premier cas, le MDCT 'se taille la part du lion' (CAC, calcul du score calcique, et angiographie coronaire non invasive); dans le deuxième cas, on peut utiliser un examen d'imagerie pour démontrer l'ischémie. L'ESC ne précise pas vraiment quel test est préférable pour démontrer l'ischémie, ce qui est compréhensible, étant donné que tous ces tests ont une précision avoisinant 85 %. Cela signifie que ces tests donnent une réponse erronée dans 15 % des cas, ce qui constitue un motif pour ne pas utiliser de techniques d'imagerie non invasives pour la détection de l'ischémie chez des patients courant un très faible risque et chez ceux courant un risque très élevé, étant donné que la probabilité est grande que le test donne davantage de réponses erronées que si on ne pratiquait pas de test complémentaire.

Quelques réflexions sur ces premières recommandations

Il va de soi que la question relative à la présence éventuelle d'une maladie coronarienne a pour point de départ la situation clinique d'un patient qui consulte en raison de douleurs thoraciques. La réalité clinique n'est donc pas que le patient (se) demande s'il souffre d'athérosclérose, mais bien qu'il a mal dans la poitrine et se demande si c'est dû à un problème coronarien. En fait, cela signifie qu'il (se) demande s'il souffre d'une maladie coronarienne significative avec ischémie inductible en cas de stress/d'effort. L'utilité du score CAC additionnel (score calcique coronaire) seul, sans angiographie-MDCT, chez un patient à faible risque, me semble dès lors très limitée: s'il y a des facteurs de risque cardiovasculaire, nous devons les traiter énergiquement, et un score CAC ne changera pas la triste réalité, à savoir que bon nombre de ces facteurs de risque ne sont pas (suffisamment) traités.

Le résultat d'un test d'ischémie ne donnera d'informations utiles que lorsque ses conséquences - une coronarographie et une revascularisation - déboucheront sur une meilleure survie et, ici, le bât blesse. La littérature suggère qu'une revascularisation n'est bénéfique que dans le groupe de patients souffrant d'ischémie étendue, mais on ne dispose jusqu'à présent pas d'études randomisées à ce sujet.2, 3 De ce fait, actuellement, le résultat de ces tests doit être interprété en fonction de l'étendue de l'ischémie avant que le patient ne soit réorienté en vue d'une coronarographie et d'une revascularisation.4

Il est important de continuer à évaluer de manière critique l'efficacité de cette imagerie non invasive. En pratique quotidienne, parvenons-nous à adresser les 'bons' patients en vue d'une angiographie coronaire? Ici aussi, le bât blesse: plusieurs études indiquent que beaucoup de choses restent à améliorer. Ainsi, Platel et al. ont démontré que, sur 661 063 patients ayant subi une coronarographie, 386 003 (58,4 %) ne présentaient pas de maladie coronarienne obstructive.

Les questions essentielles restent donc 1) de savoir si une technique d'imagerie non invasive est bien la bonne méthode pour détecter une ischémie, pour sélectionner les patients qui doivent subir une coronarographie en vue d'une revascularisation et 2) de savoir si les tests de stress non invasifs que nous connaissons actuellement sont bien adaptés à cet effet. étant donné que de vastes études telles que COURAGE, BARDOT et BARI ont démontré qu'un traitement médical était équivalent à une revascularisation, lorsqu'on utilisait des tests d'ischémie classiques, la réponse semble plutôt négative.5-7 L'étude ISCHEMIA donnera peut-être une réponse plus précise. Ici, avant l'angiographie, les patients sont randomisés vers une PCI avec traitement médical optimal ou vers un traitement médical optimal seul, sur la base d'une stratégie d'imagerie non invasive dans laquelle seuls les patients courant un risque élevé, déterminé par une ischémie à tout le moins modérée à sévère, sont inclus.

Devons-nous donc changer de cap? La réponse vient peut-être du monde de la FFR. En effet, les études susmentionnées n'ont jamais utilisé la FFR pour décider d'une revascularisation, mais uniquement l'imagerie non invasive. La réserve coronaire (FFR, fractional flow reserve) est définie comme le rapport entre le flux maximal en présence d'une sténose et le flux maximal si cette sténose n'était pas présente. La FFR quantifie l'importance de la limitation du flux sanguin myocardique suite à une sténose épicardique, et une valeur < 0,80 indique une sténose susceptible d'induire de l'ischémie lors d'un stress. L'étude DEFER a démontré qu'il est sûr de ne pas revasculariser une lésion si la FFR n'est pas pathologique.8 L'étude FAME I a montré qu'une revascularisation basée sur la FFR est supérieure à une revascularisation angiographique en cas de maladie pluritronculaire.9 L'étude FAME II a illustré, chez des patients souffrant d'une maladie coronarienne stable, que la revascularisation guidée par la FFR donnait un meilleur résultat (critère d'évaluation combiné de mortalité toutes causes, d'infarctus myocardique non fatal ou de revascularisation urgente dans les 2 ans) que le traitement médical.10 La FFR semble donc constituer la technique adéquate pour combler le vide laissé par les tests de stress non invasifs: l'ischémie détectée par la FFR débouche sur une stratégie thérapeutique qui améliore la survie des patients.

L'inconvénient de la FFR pratiquée durant l'angiographie est bien évidemment que la valeur est déterminée au cours d'une procédure invasive. Toutefois, peut-être l'angiographie-MDCT avec mesure de la FFR offre-t-elle ici la solution idéale: une procédure non invasive qui reflète l'anatomie (angiographie-MDCT classique) associée à une mesure de la FFR pour chaque lésion détectée. On a déjà démontré que cette méthode permet de déterminer précisément la valeur de la FFR.11 En revanche, il faut encore prouver que cette méthode entraîne également la même revascularisation ciblée, optimale, avec des résultats bénéfiques sur le plan de la survie, que les valeurs de FFR mesurées de manière invasive.

Ce débat au sujet de l'utilisation correcte de tests chez les patients coronariens est passionnant. Il ne suffit plus de montrer de beaux clichés, quelle que soit l'imagerie utilisée, il ne suffit même pas de pouvoir démontrer une bonne sensibilité et une bonne spécificité, nous devons pouvoir prouver que l'utilisation de tests additionnels chez nos patients est également couplée à un meilleur résultat thérapeutique, et de préférence à une meilleure survie. Qui va l'emporter? Les résultats de l'étude ISCHEMIA, versus les résultats des études sur la FFR-CT. Même si, en tant qu'échocardiographiste passionné, je donnerais largement la préférence aux tests de stress non invasifs, la FFR-CT me semble être un examen très attrayant, doté d'un très grand potentiel pour le futur.

Références

  1. Montalescot et al. 2013 ESC guidelines on the management of stable coronary artery disease: the Task Force on the management of stable coronary artery disease of the European Society of Cardiology. Eur Heart J, 2013, 34 (38), 2949-3003.
  2. Hachamovitch et al. Comparison of the short-term survival benefit associated with revascularization compared with medical therapy in patients with no prior coronary artery disease undergoing stress myocardial perfusion single photon emission computed tomography. Circulation, 2003, 107 (23), 2900-2907.
  3. Mark et al. Continuing Evolution of Therapy for Coronary Artery Disease Initial Results From the Era of Coronary Angioplasty. Circulation, 1994, 89 (5), 2015-2025.
  4. Shaw et al. Comparative Definitions for Moderate-Severe Ischemia in Stress Nuclear, Echocardiography, and Magnetic Resonance Imaging. JACC Cardiovasc Imaging, 2014, 7 (6), 593-604.
  5. Boden et al. Optimal medical therapy with or without PCI for stable CAD. N Engl J Med, 2007, 356 (15), 1503-16.
  6. Zellweger et al. Progression to overt or silent CAD in asymptomatic patients with diabetes mellitus at high coronary risk: main findings of the prospective multicenter BARDOT trial with a pilot randomized treatment substudy. JACC Cardiovasc Imaging, 2014, 7 (10), 1001-1010.
  7. Frye et al. A Randomized Trial of Therapies for Type 2 Diabetes and Coronary Artery Disease. The BARI 2D Study Group. N Engl J Med, 2009, 360 (24), 2503-2515.
  8. Pijls et al. Percutaneous Coronary Intervention of Functionally Nonsignificant Stenosis 5-Year Follow-Up of the DEFER Study. J Am Coll Cardiol, 2007, 49 (21), 2105-2111.
  9. Tonino et al. Fractional Flow Reserve versus Angiography for Guiding Percutaneous Coronary Intervention. N Engl J Med, 2009, 360 (3), 213-224.
  10. De Bruyne et al. Fractional Flow Reserve-Guided PCI for Stable Coronary Artery Disease. N Engl J Med, 2014, 371 (13), 1208-1217.
  11. Kishi et al. Fractional Flow reserve estimated at coronary CT angiography in intermediate lesions: Comparison of Diagnostic Accuracy of Different Methods to Determine Coronary Flow Distribution. Radiology, 2018, 287 (1), 76-84.

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