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La fin annoncée de l'ECG d'effort?
  • Christiaan Vrints

L'électrocardiogramme d'effort (ECG) est en Belgique l'examen diagnostique le plus utilisé pour le dépistage de l'ischémie myocardique chez les patients présentant des symptômes faisant suspecter une angine de poitrine. Chaque cabinet de cardiologie dispose d'un vélo ergonomètre qui, en raison de sa disponibilité immédiate, est (trop?) fréquemment utilisé.

En comparaison avec d'autres méthodes d'examen, la valeur diagnostique de l'ECG d'effort est extrêmement faible; par conséquent, il convient de remettre sérieusement en question son utilisation quasi-routinière dans le diagnostic de la coronaropathie obstructive chez les patients présentant des plaintes faisant suspecter une angine de poitrine. Chez les patients qui, sur la base de leur âge, de leur sexe et de l'anamnèse de leurs symptômes, présentent une probabilité pré-test comprise entre 30 et 50 %, la probabilité post-test de coronaropathie obstructive en cas d'épreuve d'effort négative varie entre 20 et 40 % (figure 1). Dans cette catégorie de patients, si aucun examen complémentaire doté d'une sensibilité plus élevée n'est réalisé, il est fort probable que le diagnostic de coronaropathie obstructive soit négligé. Les résultats du dépistage sont encore plus mauvais dans la catégorie des patients présentant une probabilité pré-test comprise entre 50 et 85 %; chez ces patients, la probabilité post-test de coronaropathie obstructive en cas d'épreuve d'effort négative atteint 40 à 77 %. Pour cette raison et à très juste titre, les recommandations stipulent que le diagnostic de coronaropathie obstructive ne doit pas être exclu sur la seule base d'une épreuve d'effort négative.

L'angiographie coronaire par tomodensitométrie (CCTA) est utilisée de façon croissante dans le diagnostic de coronaropathie obstructive, car cet examen fournit des informations anatomiques précises sur la sévérité et l'étendue de l'athérosclérose coronaire, et ce avec un haut degré de sensibilité et de spécificité. Par rapport au diagnostic par scintigraphie de perfusion du myocarde ou échocardiographie de stress - soit des examens diagnostiques fonctionnels permettant de dépister une ischémie myocardique inductible avec un haut degré de sensibilité et de spécificité -, la stratégie reposant sur l'utilisation de la CCTA en tant qu'examen diagnostique de première ligne n'a été associée à aucun bénéfice pronostique dans le cadre de l'étude PROMISE1. En outre, l'utilisation de la CCTA s'est avérée inciter plus fréquemment à réaliser une angiographie coronaire invasive, souvent suivie d'une intervention de revascularisation. Dans l'étude SCOT-HEART, dans laquelle le dépistage de l'ischémie myocardique reposait uniquement sur l'ECG d'effort classique, l'utilisation de la CCTA a donné lieu à un diagnostic plus précis et à un traitement plus efficace2. La stratégie ayant recours à la CCTA en premier lieu étant associée à une absence d'amélioration du résultat clinique et à un risque d'utilisation accrue de l'angiographie coronaire invasive et d'interventions de revascularisation, nous avons demandé dans le passé3 à ce que les patients présentant des plaintes faisant suspecter une angine de poitrine et ayant un risque intermédiaire de coronaropathie soient en premier lieu soumis à des examens fonctionnels, avec une nette préférence pour l'échocardiographie de stress, puisque cet examen est à la disposition de tout cardiologue et n'est associé à aucune exposition aux rayonnements ionisants.

Lors du congrès récent de l'ECS à Munich, les chercheurs ont présenté les résultats cliniques obtenus après cinq ans chez les patients inclus dans l'étude SCOT-HEART4. Après un suivi d'une durée de 5 ans, l'utilisation de la CCTA en sus du diagnostic classique par l'ECG d'effort a induit une diminution significative (figure 2) du critère d'évaluation clinique combiné (décès d'origine cardiaque ou infarctus du myocarde non fatal), sans augmentation de l'utilisation de l'angiographie coronaire ou de nouvelles interventions de revascularisation. Un meilleur diagnostic de la sévérité et l'étendue de la coronaropathie, la réalisation précoce et plus fréquente d'interventions de revascularisation, et, surtout, l'adoption plus fréquente de mesures de prévention cardiovasculaires efficaces (un nombre significativement plus élevé de patients a été traité par une statine) sont autant de facteurs qui ont contribué à l'amélioration du résultat clinique au bout de cinq ans chez les patients ayant subi un examen par CCTA. Environ la moitié des patients du sous-groupe CCTA qui avaient subi un nouvel infarctus du myocarde non fatal ont présenté une coronaropathie non obstructive. Il est possible que la mise en évidence par CCTA de l'athérosclérose coronaire - même non obstructive - constitue un incitant important, tant pour le cardiologue que pour le patient, à la mise en place et à la poursuite d'un traitement préventif approprié.

Les résultats favorables à long terme obtenus dans le cadre de l'étude SCOT-HEART incitent à revoir la stratégie diagnostique appliquée chez les patients présentant des symptômes faisant suspecter une angine de poitrine. Ces résultats confirment en tous points le fait qu'une stratégie diagnostique reposant uniquement sur l'ECG d'effort est totalement obsolète. Compte tenu du caractère problématique de la valeur diagnostique de l'ECG d'effort, comme expliqué plus haut, il est préférable de ne plus utiliser cet examen pour le diagnostic de coronaropathie - comme l'avaient déjà préconisé antérieurement les recommandations NICE5 - mais de l'utiliser uniquement à des fins pronostiques. De nouvelles recommandations de l'ESC pour la prise en charge de la coronaropathie chronique sont en cours d'élaboration. Au vu des résultats récents de l'étude SCOT-HEART, je m'attends à ce que la CCTA soit recommandée comme examen diagnostique de première ligne chez les patients présentant un risque faible à intermédiaire de coronopathie (probabilité pré-test comprise entre 15 et 50 %). En cas de doute quant à la gravité fonctionnelle des lésions coronaires observées à la CCTA, un examen d'imagerie fonctionnel doit être réalisé dans un deuxième temps (échocardiographie de stress ou scintigraphie de perfusion par SPECT ou PET, si la qualité d'image de l'échocardiographie est trop mauvaise), afin de déterminer la sévérité et l'étendue de l'ischémie myocardique inductible (figure 3). Chez les patients présentant un risque de coronopathie intermédiaire à élevé (probabilité pré-test comprise entre 50 et 85 %), une approche diagnostique reposant sur des examens fonctionnels continuera probablement à être privilégiée. Si ces examens mettent en évidence une ischémie myocardique inductible étendue, une angiographie coronaire, qui peut être pratiquée via l'artère radiale sur une base quasi-ambulatoire, constitue l'étape logique suivante. Chez les patients pour lesquels les examens fonctionnels produisent des résultats équivoques quant à l'ischémie myocardique inductible, une évaluation de l'anatomie coronaire au moyen d'une CCTA est recommandée dans un deuxième temps, la CCTA étant l'examen le plus efficace pour exclure une coronaropathie significative (valeur prédictive négative très élevée).

Avant de mettre au rebut un grand nombre de nos vélos ergonomètres, nous devons veiller à disposer de suffisamment d'alternatives. Prescrire une CCTA à chaque patient par l'intermédiaire du médecin traitant est une pratique qui est d'une part irréalisable en termes logistiques, et qui d'autre part néglige l'importance pronostique de la mise en évidence de l'étendue et de la sévérité de l'ischémie inductible, laquelle ne peut se faire que via les techniques d'imagerie fonctionnelles. Il est important de savoir que la réalisation et l'interprétation d'une échocardiographie de stress - stimulée par un produit pharmacologique ou par l'effort - relèvent des compétences de base du cardiologue général. En attendant que chaque hôpital mette en oeuvre un programme complet d'échocardiographie de stress et dispose d'un appareil de tomodensitométrie cardiaque réservé à cette population de patients, l'ECG d'effort classique doit être utilisé avec la prudence qui s'impose (c.-à-d. uniquement chez les patients présentant une faible probabilité pré-test [15 à 30 %]). Si l'ECG d'effort n'est pas encore complètement abandonné, on assiste à la fin de son statut d'instrument diagnostique standard pour le diagnostic de la cardiopathie ischémique.

Références

  1. Douglas, P.S., Hoffmann, U., Patel, M.R., et al. Outcomes of Anatomical versus Functional Testing for Coronary Artery Disease. N Engl J Med, 2015, 372 (14), 1291-1300.
  2. The SCOT-HEART investigators. CT coronary angiography in patients with suspected angina due to coronary heart disease (SCOTHEART): an open-label, parallel-group, multicentre trial. Lancet, 2015, 385, 2383-2391.
  3. Vrints, C.J., Senior, R., Crea, F., et al. Assessing suspected angina: requiem for coronary computed tomography angiography or exercise electrocardiogram? Eur Heart J, 2017, 38 (23), 1792-1800.
  4. The SCOT-HEART investigators. The SCOTHEART investigators. Coronary CT Angiography and 5-Year Risk of Myocardial Infarction. N Engl J Med, 2018, 379 (10), 924-933.
  5. NICE. 2010. Available from: https://www.nice.org.uk/guidance/cg95/ chapter/Recommendations

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