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Compte rendu de la session pour/contre lors du symposium du BeHRA: AF-ablation is now ready for primetime in patients with heart failure and atrial fibrillation
  • Katarina Van Beeumen 

Pour: Dr Mathias Forkmann (Cobourg), en remplacement du Dr Johannes Brachmann

Introduction

La fibrillation auriculaire (FA) et l'insuffisance cardiaque (IC) sont deux entités cliniques clairement intercorrélées. Ainsi, de nombreux facteurs de risque pour le développement d'une FA et d'une IC sont identiques, comme l'hypertension, le diabète, une cardiopathie ischémique et des maladies valvulaires. La FA augmente le risque d'AVC, d'insuffisance cardiaque et de décès. Environ la moitié des patients souffrant d'insuffisance cardiaque développeront tôt ou tard une FA et, d'autre part, le risque de développer de l'insuffisance cardiaque est également considérablement plus élevé chez les patients souffrant de FA. En outre, le pronostic de l'insuffisance cardiaque est moins bon si elle est associée à une FA. L'ablation par cathéter (AC) ciblée sur l'isolation des veines pulmonaires est nettement supérieure au traitement médicamenteux pour le maintien du rythme sinusal et l'amélioration des symptômes, raison pour laquelle l'ESC, l'AHA et la HRS recommandent l'AC comme traitement de première ligne, après un essai de traitement par antiarythmiques. Le but d'une ablation de FA est en premier lieu d'améliorer les symptômes, plutôt que de réduire la morbi-mortalité. Bon nombre d'études randomisées au sujet de l'AC portent en effet sur des patients relativement 'sains', souffrant de FA paroxystique. Une méta-analyse récente a démontré que la plupart des études randomisées ayant inclus ces patients généralement relativement 'sains' n'avaient pas la puissance nécessaire pour démontrer une diminution de la morbi-mortalité1.

Toutefois, ces dernières années, plusieurs études randomisées ont également évalué l'effet de l'ablation par cathéter d'une FA chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque systolique. Ces différentes études indiquent que, chez ces patients plus atteints, souffrant d'insuffisance cardiaque, l'AC améliore le pronostic, la fraction d'éjection ventriculaire gauche (FEVG) et la qualité de vie, et qu'elle allonge même la survie.

Aperçu des études portant sur l'ablation par cathéter chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque

La première étude est l'étude CAMTAF2, une petite étude (55 patients) concernant des patients souffrant de FA persistante et d'insuffisance cardiaque symptomatique, ayant une FEVG initiale de 32 % en moyenne. Les patients ont été randomisés entre une AC et un contrôle de la réponse ventriculaire via des médicaments. On notait une cardiopathie ischémique sous-jacente chez 23 % et 29 % des patients, respectivement. 81 % des patients du groupe AC étaient indemnes de FA au bout de 6 mois (plusieurs ablations possibles). Dans le groupe ablation, la FEVG était significativement plus élevée que dans le groupe contrôle (40 ± 12 % vs 31 ± 13 %, p = 0,015). La capacité fonctionnelle était également significativement meilleure que dans le groupe contrôle, et les symptômes d'IC réduits.

La deuxième étude est l'étude AATAC3, concernant 203 patients souffrant de FA persistante et d'insuffisance cardiaque symptomatique, porteurs d'un défibrillateur (DDD ou TRC). Environ 62 % des patients présentaient une cardiopathie ischémique sous-jacente. La FE initiale était inférieure à 40 %. Les patients ont été randomisés vers une AC ou un contrôle du rythme par amiodarone. Le critère d'évaluation primaire était la récidive de FA; les critères d'évaluation secondaires étaient la mortalité 'toutes causes' et une hospitalisation cardiovasculaire non programmée. Après un suivi de 24 mois au moins, il est apparu que l'AC était supérieure à l'amiodarone pour le maintien du rythme sinusal (70 % vs 34 %, p < 0,001) et qu'il y avait une diminution significative des critères d'évaluation secondaires, en l'occurrence une hospitalisation cardiovasculaire non programmée (31 % vs 57 %, p < 0,001) et la mortalité (8 % vs 18 %, p = 0,037).

Une troisième étude fut l'étude CAMERA- MRI4, qui concernait 68 patients souffrant de FA persistante et d'insuffisance cardiaque systolique idiopathique, avec une FEVG inférieure à 45 %. On a utilisé l'IRM cardiaque pour déterminer la FEVG et l'étendue de la fibrose. Les patients ont été randomisés vers une AC ou un contrôle de la réponse ventriculaire via des médicaments. L'AC consistait en une isolation des veines pulmonaires et de la paroi postérieure. Le critère d'évaluation primaire était la modification de la FEVG à 6 mois. La charge de FA (AF-burden) post-AC avait nettement diminué. La FE absolue s'est améliorée de 18 %, versus 4,4 % dans le groupe contrôle (p = 0,0001). Au bout de 6 mois, 58 % des patients du groupe AC et 9 % des patients du groupe contrôle avaient obtenu une normalisation de la FEVG (p = 0,0002). L'absence de rehaussement tardif était prédictive d'une amélioration plus marquée de la FEVG absolue. Cette étude a démontré que la FA peut être une cause réversible de dysfonction systolique du VG et qu'une importante diminution de la charge de FA peut nettement améliorer la fonction, essentiellement chez les patients présentant peu de fibrose à l'IRM. Une sous-étude de l'étude CAMERA- MRI5 a par ailleurs démontré que, chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque systolique, l'AC entraîne non seulement une amélioration de la FEVG, mais aussi une diminution de la fibrose après un suivi de 6 mois.

L'étude CASTLE-AF6 fut la première étude à inclure la mortalité dans son critère d'évaluation primaire. Des patients souffrant de FA paroxystique et persistante ont été randomisés entre une AC (isolation des veines pulmonaires avec éventuellement lésions additionnelles, et plusieurs ablations autorisées) et un traitement médicamenteux (contrôle tant du rythme que de la fréquence). Tous les patients étaient en classe NYHA II à IV et avaient une FE inférieure à 35 %. Le groupe AC comptait davantage de patients présentant une cardiomyopathie non ischémique (60 %) que le groupe pharmacologique (48 %). En outre, tous les patients étaient porteurs d'un défibrillateur (mono, double ou triple chambre). La récidive de FA était suivie via le système Biotronik Home Monitoring, une récidive étant définie comme une FA durant au moins 30 secondes. L'âge moyen des patients des deux groupes était de 64 ans, la plupart des patients étaient en classe NYHA II, la FEVG moyenne atteignait 32 %. Le suivi a duré jusqu'à 60 mois après la randomisation.

Le critère d'évaluation primaire était un critère composite constitué de la mortalité 'toutes causes' ou d'une hospitalisation non programmée pour insuffisance cardiaque. Le suivi moyen atteignait environ 37 mois dans les deux groupes. Le critère d'évaluation primaire était significativement plus faible dans le groupe AC que dans le groupe contrôle (28,5 % vs 44,6 %, p = 0,006). On notait également une diminution significative des critères d'évaluation secondaires: décès 'toutes causes' (13,4 % vs 25 %, p = 0,01), hospitalisation pour insuffisance cardiaque (20,7 % vs 35,9 %, p = 0,004) et mortalité cardiovasculaire (11,2 % vs 22,3 %, p = 0,009). Sur la base des données du monitoring à domicile, 63,1 % des patients du groupe AC et 27,7 % des patients du groupe médicamenteux (p < 0,001) étaient en rythme sinusal au bout des 60 mois de suivi. Il y avait aussi une nette amélioration de la FEVG absolue de 8 % dans le groupe AC versus pas d'amélioration (0,2 %) dans le groupe médicamenteux (p = 0,005). Le groupe TRC obtenait également de meilleurs résultats que le groupe DCI-VVI.

Conclusion

La conclusion du Dr Forkmann est que la mortalité et la morbidité sont plus élevées chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et de FA. Chez ces patients, une AC améliore la FEVG, réduit les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, et améliore la survie.

Contre: Pr R. Willems, UZ Leuven

Introduction

Le Pr Willems a affirmé de manière assez provocante que les électrophysiologistes sont trop enthousiastes et qu'ils réagissent trop positivement aux résultats des études portant sur l'AC chez des patients souffrant d'insuffisance cardiaque.

Ceci est dû au fait que, contrairement à la situation précédente, les ablations de FA représentent l'essentiel du travail des électrophysiologistes. D'une part, les ablations non liées à la FA diminuent, d'autre part, le marché des ablations de FA est en soi florissant et lucratif, et très important pour l'industrie. Pour le Pr Willems, il semble donc que le problème clinique de la FA associée à l'insuffisance cardiaque soit aussi 'entretenu' par un marché économique qui oriente ainsi également les résultats des études.

L'utilisation de l'AC en 'prime time' suggère que cela devrait constituer un traitement standard pour la majorité des patients souffrant de FA et d'insuffisance cardiaque. Cela suggère également que les preuves à cet égard sont très convaincantes. Le Pr Willems expose pourquoi nous ne sommes pas en situation d'utilisation en 'prime time', d'après les résultats des études.

Sélection des patients

En pratique, la plupart des patients souffrant d'insuffisance cardiaque sont âgés, ce qui veut dire qu'ils ont plus de 75 ans. Par ailleurs, ces patients âgés ont également d'importantes comorbidités, en moyenne 3 à 5 (cancer, hypertension, diabète, etc.). La plupart des études dont il est question ont toutefois été conduites auprès de patients relativement jeunes, et dès lors moins malades.

En outre, le nombre de patients inclus dans ces études est assez limité. Toutes les études sur la FA, y compris CASTLE-AF, portaient sur 1 106 patients alors que l'étude PARADIGM-HF, par exemple (une étude examinant la combinaison de sacubitril/valsartan), avait inclus 8 399 patients, soit 8 fois plus.

CASTLE-AF

Le Pr Willems a formulé quelques remarques spécifiques à propos de l'étude CASTLE-AF.

Les patients inclus dans cette étude étaient fortement sélectionnés. Sur les 3 013 personnes initiales, seules 398 (= 13 %) ont finalement été incluses et randomisées dans l'étude, au bout d'une période de 8 ans (entre 2008 et 2016). 33 sites ont participé à cette étude, ce qui donne un peu plus d'une inclusion par an et par site.

Les patients des deux bras avaient des diamètres auriculaires assez petits, ils étaient assez jeunes, et peu d'entre eux souffraient de FA persistante de longue durée (long standing persistent AF). Les caractéristiques initiales des patients du groupe contrôle étaient plus sombres que dans le groupe AC (davantage de cardiopathies ischémiques, de diabète, d'utilisation de digitale). Ceci peut également expliquer les résultats favorables des patients inclus dans le groupe AC.

35 des patients inclus (près de 10 %) ont été exclus après la randomisation; il y avait dès lors davantage de patients dans le groupe ablation (n = 22) que dans le groupe contrôle (n = 13). En outre, lors de la suite de l'étude, il y a eu plus de 'lost to follow-up' dans le groupe ablation que dans le groupe 'médicamenteux', ce qui nous amène à nous demander si ce déséquilibre entre les deux groupes a pu influencer les résultats. Quelle eût été la différence de mortalité - significative, mais limitée en valeur absolue - si ce déséquilibre avait été absent?

On ne dispose pas de données au sujet de la fréquence cardiaque des patients, que ce soit au départ ou lors du suivi. De ce fait, on ne peut déterminer si un meilleur contrôle de la fréquence cardiaque peut également avoir influencé les résultats.

L'étude n'a pas été effectuée en aveugle. L'AC ne s'est pas avérée supérieure au traitement médicamenteux dans des sous-groupes pertinents, tels que sujets âgés, insuffisance cardiaque très sévère et diabète.

L'étude a également démontré qu'il n'y avait pas de guérison ni d'élimination de la FA, mais seulement une réduction de sa charge et de la symptomatologie. 60 % des sujets étaient indemnes de FA, il y a eu 25 % d'ablations répétées et 7,8 % de complications. Ce dernier chiffre est plus élevé que dans les autres études.

étude CABANA

L'étude CABANA7 a été présentée lors de la réunion de la HRS en mai 2018, mais elle n'est pas encore publiée. Il s'agit d'une étude multicentrique, randomisée, qui compare l'AC avec un traitement pharmacologique optimal. Tant les patients souffrant de FA paroxystique que de FA persistante (prolongée) entraient en ligne de compte. Les patients ont été analysés selon le principe 'intention-to-treat', ce qui veut dire que les patients restaient dans leur groupe de randomisation initial, même s'il y avait l'une ou l'autre raison de changer de groupe thérapeutique. Au bout d'un suivi de 5 ans, il n'y avait pas de différence significative sur le plan du critère d'évaluation primaire combiné de mortalité totale, d'AVC graves, d'hémorragies majeures et de décès d'origine cardiaque. Il n'y avait pas non plus de différence au niveau des composantes individuelles du critère d'évaluation primaire. En revanche, on notait une nette amélioration de la symptomatologie dans le groupe AC, comme cela avait également été démontré clairement dans les études précédentes. Une analyse de sousgroupes des patients souffrant d'insuffisance cardiaque n'a pas non plus révélé de différence significative sur le plan du critère d'évaluation primaire entre les deux groupes. L'analyse post-hoc on-treatment a cependant montré qu'il y avait une diminution de 33 % du critère d'évaluation primaire et de 40 % de la mortalité chez les patients ayant effectivement subi une ablation, comparativement au traitement médicamenteux.

Conclusion

Pour le Pr Willems, l'utilisation en 'prime time' suggère que l'AC peut être pratiquée en cas d'insuffisance cardiaque, chez la majorité des patients souffrant de FA et d'insuffisance cardiaque. Il est toutefois vraisemblable que ce ne soit judicieux que chez des patients bien sélectionnés (patients jeunes, indemnes de cardiopathies structurelles avec suspicion de cardiomyopathie médiée par la FA et mauvais contrôle de la fréquence). Chez ces patients, l'ablation par cathéter peut améliorer la fraction d'éjection ventriculaire gauche et la qualité de vie, voire diminuer la mortalité.

Références

  1. Khan, S.U., Rahman, H., Talluri, S., Kaluski, E. The clinical benefits and mortality reduction associated with catheter ablation in subjects with atrial fibrillation: a systematic review and meta-analysis. JACC Clin Electrophysiology, 2018, 4, 626-635.
  2. Hunter, R., Berriman, T., Diab, I., Kamdar, R., Richmond, L., Baker, V., et al. A randomised controlled trial of catheter ablation versus medical treatment of atrial fibrillation in heart failure (the CAMTAF trial). Circ Arrhythm Electrophysiol, 2014, 7, 31-38.
  3. Di Biase, L., Mohanty, P., Mohanty, S., Santangeli, P., Trivedi, C., Lakkireddy, D., et al. Ablation versus amiodarone for treatment of persistent atrial fibrillation in patiënts with congestive heart failure and an implanted device. Results from the AATAC multicenter randomized trial. Circulation, 2016, 133, 1637-1644.
  4. Prabhu S., Taylor A., Costello B., Kaye D., McLellan A., Voskoboinik A., et al. Catheter ablation versus medical rate control in atrial fibrillation and systolic dysfunction. The CAMERA-MRI study. JACC, 2017, 16, 1949-1961.
  5. Prabhu S., Costello B., Taylor A., Gutman S., Voskoboinik A., McLellan A., et al. Regression of diffuse ventricular fibrosis following restoration of sinus rhythm with catheter ablation in patients with atrial fibrillation and systolic dysfunction: a substudy of the CAMERA MRI trial. JACC Clin Electrophysiol, 2018, 4, 999-1007.
  6. Marrouche, N., Brachmann, J., Andresen, D., Siebels, J., Boersma, L., Jordaens, L., et al. Catheter ablation for atrial fibrillation with heart failure. N Engl J Med, 2018, 378, 417-427.
  7. Packer, D., Mark, D., Robb, R., Monahan, K., Bahnson, T., Moretz, K., et al. Catheter ablation versus anti-arrhythmic drug therapy for atrial fibrillation trial. HRS Boston 2018.

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