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L'artère coronaire droite aberrante (ARCA) : synthèse
  • Wouter Himschoot , Jeroen Sonck , Carlos Collet , Niya Mileva , Guy Van Camp

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Cas clinique

Une femme de 43 ans s'est présentée en consultation de cardiologie en raison d'épisodes récurrents de douleurs thoraciques depuis quelque temps. Ces douleurs peuvent survenir tant au repos qu'à l'effort et disparaissent spontanément. Les symptômes sont apparus lorsqu'elle a essayé progressivement de pratiquer davantage de sport. Parmi ses antécédents, retenons un burnout, une varicectomie et une résistance à la protéine C activée (APC), sans autres spécifications, et ne nécessitant pas d'anticoagulants. Son profil de risque cardiovasculaire était faible. On notait une problématique de stress familial, et elle était traitée par trazodone. La biologie était normale. L'électrocardiogramme au repos montrait un tracé normal avec un rythme sinusal à 60 battements par minute. L'échocardiographie transthoracique, normale, montrait une cinétique pariétale régionale normale, des paramètres diastoliques et pressions de remplissage ventriculaires gauches normaux, pas de valvulopathies importantes ni de signes d'hypertension pulmonaire. La cycloergométrie, maximale, était cliniquement et électriquement négative. Un peu plus tôt cette année, un CT scan thoracique avec contraste IV réalisé en raison de douleurs au niveau de l'hémithorax droit n'avait pas révélé d'anomalies significatives. Étant donné ces observations rassurantes et un bilan cardiaque tout à fait normal chez une patiente d'âge moyen avec un profil de risque faible, nous n'avons dans un premier temps pas complété cette mise au point. Cependant, en raison de la persistance de plaintes, parfois liées à l'effort, nous avons opté dans un deuxième temps pour une mise au point complémentaire non invasive avec CT scan coronaire et enregistrement Holter. Le CT scan (figures 1, 2, 3) a révélé une origine aberrante de l'artère coronaire droite (RCA) à partir de la valvule coronaire gauche avec trajet inter-aortopulmonaire malin. Il ne semblait pas y avoir d'arguments en faveur d'une sténose coronaire, le score d'Agatston total atteignait 0. L'enregistrement Holter était normal. Nous avons complété le bilan avec une IRM cardiaque, une scintigraphie myocardique au repos et à l'effort, et une échocardiographie à l'effort. L'IRM cardiaque a montré des ventricules normovolémiques avec une fonction systolique globalement préservée sans rehaussement myocardique tardif. La scintigraphie myocardique n'a pu démontrer d'ischémie au niveau du territoire vascularisé par la coronaire droite. Lors de l'échocardiographie à l'effort, la patiente est également restée asymptomatique, et nous n'avons pas observé d'anomalies.

Épidémiologie, physiopathologie et signes cliniques

Il existe plusieurs variantes anatomiques congénitales des artères coronaires. Si certaines sont potentiellement dangereuses, d'autres sont bénignes. Les anomalies potentiellement malignes sont une origine ectopique au départ de l'artère pulmonaire, une origine aberrante au départ du sinus de Valsalva opposé, une coronaire solitaire, une importante fistule ou un bridging1,2.

La prévalence d'une origine anormale de l'artère coronaire au départ du sinus opposé (ACAOS) est faible, et elle atteint environ 1 % dans la population générale1,3. Une artère coronaire droite aberrante (ARCA) présente une incidence plus élevée qu'une coronaire gauche anormale (0,02-0,15 %) et on suppose qu'elle constitue l'anomalie hémodynamiquement significative la plus fréquente. Néanmoins, une artère coronaire gauche qui prend naissance au départ du sinus opposé (droit) est plus péjorative2. L'ACAOS est associée à des accidents cardiaques néfastes, surtout chez des sujets jeunes. Sur la base d'études post mortem, une ACAOS avec un trajet interartériel entre l'aorte et l'artère pulmonaire est associée à un risque accru de mort subite cardiaque (SCD)3. Chez les jeunes athlètes, une origine aberrante de l'artère coronaire est la cause la plus fréquente de SCD, à une exception près, et elle est responsable d'environ 10 % des cas. Toutefois, lorsque les athlètes avancent en âge, ces variantes sont moins souvent la cause d'une SCD. Les personnes ayant une RCA aberrante qui pratiquent une activité physique présenteraient trois à six fois plus de risques de mort subite4.

Grâce à l'utilisation croissante de techniques non invasives, en premier lieu l'angio-CT coronaire (CCTA), ces anomalies sont plus souvent repérées.

Le trajet proximal de l'ARCA peut varier : préaortique, interartériel (entre l'aorte et l'artère pulmonaire), rétrocardiaque, rétroaortique, intraseptal et précardiaque (prépulmonaire)1,5.

La variante hémodynamiquement importante passe entre l'aorte et l'artère pulmonaire, soit en intramural (dans la paroi aortique), soit distinctement par rapport à la paroi aortique (comme deux artères différentes). On admet que seule la variante impliquant un trajet interartériel peut provoquer des symptômes ou s'avérer potentiellement dangereuse1,5.

Le tableau clinique varie, allant de l'absence de symptômes à un infarctus myocardique aigu ou une mort subite, en passant par un angor typique2. Les rapports d'autopsie indiquent que la plupart des patients sont jeunes (< 35 ans) et qu'ils décèdent pendant ou peu après l'effort. Il n'est pas rare que l'on découvre une fibrose myocardique, ce qui indique que l'ischémie myocardique peut jouer un rôle. Une origine haute, une sténose ostiale, un angle de départ aigu, un trajet intramural, un ostium en fente ou une CIA et une hypoplasie de la coronaire proximale ont déjà été mis en relation avec l'ischémie et sont considérés comme des facteurs de risque2.

Le mécanisme physiopathologique exact de la SCD reste toutefois inconnu. Plusieurs hypothèses ont été formulées : un orifice en fente provoqué par un angle de départ aigu avec une diminution du flux sanguin coronaire pendant l'effort, une compression du segment interartériel provoquée par une compression systolique entre l'aorte et l'artère pulmonaire, une arythmie ventriculaire consécutive à une diminution de la perfusion tissulaire, une ischémie aiguë ou répétitive à la base d'une fibrose myocardique ou induisant une reperfusion, une intussusception intramurale de la coronaire proximale anormale au niveau de la paroi de la racine aortique5, 6, 7. Il s'agit probablement souvent d'une combinaison de ces différents mécanismes.

En dessous de 30 ans, il y a un risque élevé de SCD4. Il semble que ce risque diminue avec l'âge. Chez les patients d'âge moyen ou avancé, une anomalie coronaire congénitale est souvent découverte fortuitement. L'hypothèse formulée ici est que la paroi aortique se rigidifie à mesure que l'âge avance, ce qui réduirait la compression. L'exercice physique constituerait également un facteur de risque de mort subite chez les personnes présentant une ARCA1.

Évaluation et diagnostic

On sait que les épreuves d'effort sont souvent inadéquates pour détecter une ischémie. Dès lors, une épreuve d'effort négative n'exclut pas une anomalie coronaire potentiellement dangereuse. Chez les patients jeunes ou les patients échogènes, une échocardiographie transthoracique pourrait être utile pour déterminer l'origine coronaire proximale8. Il a été démontré que l'angio-CT coronaire (CCTA) était supérieur aux autres modalités d'imagerie pour la détection d'une ACAOS2, 3, 5.

Si l'angiographie par IRM (MRA) s'avère aussi performante, le typage du trajet coronaire distal peut néanmoins s'avérer plus difficile. Une MRA présente un avantage important sur le plan du diagnostic du tissu cicatriciel et de la viabilité du myocarde au niveau du trajet de l'artère touchée, ce qui peut avoir une valeur pronostique importante1, 2.

Une coronarographie conventionnelle (CA) est un examen invasif qui ne permet pas toujours de déterminer le trajet anatomique proximal exact de l'anomalie coronaire1.

Traitement

Nous ne disposons pas de grandes études de cohorte au sujet de patients non traités, souffrant d'une ACAOS. L'évaluation du risque de mort subite est difficile, en raison du manque de données2. Il n'existe pas d'études prospectives pour déterminer la meilleure option de traitement chirurgical. L'indication de traiter doit être individualisée, et elle dépend de l'âge, de la symptomatologie, de la variante anatomique et des résultats des tests d'ischémie1, 2.

Les recommandations de 2008 de l'American Heart Association pour le traitement des adultes souffrant d'une malformation cardiaque congénitale préconisent une revascularisation chirurgicale lorsqu'il est question d'une ischémie prouvée, en cas de RCA avec trajet inter-aorto-pulmonaire (niveau de preuve I, B)9.

La stratification du risque devrait également inclure l'âge (< 35 ans) et le niveau d'exercice physique (p. ex. sport de compétition)2. Une recommandation plus récente pour le traitement de l'ACAOS figure dans les récentes recommandations européennes2. (Tableau 1)

Pronostic

Les données publiées dans la littérature sont très contradictoires en ce qui concerne le pronostic des patients souffrant d'ACAOS, ce qui étaye la nécessité d'études complémentaires. Une récente étude de Grani et al. a évalué le pronostic de patients d'âge moyen, souffrant d'une ACAOS nouvellement diagnostiquée au moyen d'un CCTA, comparativement à une cohorte appariée. Chez les personnes d'âge moyen souffrant d'une ACAOS, il apparaît que l'évolution à moyen terme n'est pas statistiquement différente de celle d'un groupe témoin sans anomalies coronaires, et ce indépendamment de la présence d'un trajet interartériel3.

Conclusion

On a beaucoup prêté attention aux patients souffrant d'une ACAOS, et surtout à ceux qui présentent une ARCA avec trajet interartériel, en raison de l'association avec une mort subite. Dans notre cas, il s'agit d'une variante maligne d'une RCA aberrante avec trajet interartériel, une origine assez haute au niveau de la jonction sino-tubulaire avec un angle de départ assez aigu et un aspect slit-like, il est vrai sans rétrécissement significatif, sans trajet intramural, sans formation de cicatrices au niveau du ventricule gauche, sans ischémie inductible démontrable, et ce chez une patiente d'âge moyen.

Le CCTA est la modalité d'imagerie préférée pour la détection de l'ACAOS et, grâce à son utilisation croissante, notamment dans le cadre de la mise au point d'une coronaropathie ischémique chez des patients d'âge moyen ayant un profil de risque cardiovasculaire plutôt faible à modéré et/ou une probabilité pré-test faible, nous pouvons nous attendre à une augmentation du nombre de nouveaux diagnostics - par ailleurs fortuits - d'ACAOS.

Quelques études suggèrent que le pronostic des patients d'âge moyen, comme dans notre cas, présentant une origine anormale de l'artère coronaire (droite) est relativement bon. En outre, en raison du manque de données sur les résultats à moyen et long termes, il n'existe pas de recommandations univoques pour la prise en charge thérapeutique de cette population.

Bien que quelques données probantes indiquent qu'une ACAOS pourrait être moins pertinente chez les patients âgés que chez les patients plus jeunes, nous ne savons pas encore pourquoi. Il est admis que le risque induit par l'ACAOS est directement lié à la signification hémodynamique de certaines caractéristiques anatomiques telles qu'un trajet interartériel, un ostium en fente, un angle de départ aigu, un trajet intramural ou une sténose proximale du vaisseau anormal. Pour cette raison, les patients présentant ces caractéristiques peuvent courir un risque accru de SCD ou d'infarcissement. L'ACAOS est sans doute l'une des causes sous-jacentes les plus fréquentes de mort subite liée ou non au sport chez les sujets jeunes, mais on ne sait toujours pas clairement si une ACAOS nouvellement diagnostiquée chez des adultes d'âge moyen est associée à une évolution cardiaque défavorable.

Compte tenu des observations ci-dessus, nous gardons actuellement une attitude attentiste et déconseillons toute pratique sportive de compétition, et envisageons des tests d'ischémie non invasifs en cas de symptômes d'angor et un monitoring Holter en cas de palpitations.

Références

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