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L'athérectomie rotationnelle en pratique courante : faisabilité et risques péri-procéduraux
  • Adrien Jossart , Florent Fortunati , Olivier Descamps , Antoine de Meester, Claudiu Ungureanu 

Introduction

Les lésions coronaires calcifiées sont associées à un taux plus faible de succès des procédures d'angioplastie et à un taux plus important d'échecs et de complications.1 C'est pourquoi, au cours des dernières années, plusieurs techniques ont vu le jour : le « cutting balloon », la lithotripsie intracoronaire, l'athérectomie rotationnelle… Cette dernière technique a initialement été introduite en 1988 mais, au vu d'un haut taux de complications d'abord sans stents puis avec les « anciens » stents BMS, elle fût peu utilisée.2 En 2016, un registre multicentrique (ROTATE) a montré que l'utilisation des stents DES était associée à une réduction significative du risque d'évènements cardiovasculaires intrahospitaliers et à moyen terme (après 2 ans de suivi) (hazard ratio = 0.41).3

Cependant, dans ce registre, le suivi clinique des patients à moyen terme reste grevé d'une mortalité non négligeable (5 % à 1 an ; 9,5 % à 2 ans) et d'un important taux d'évènements cardiovasculaires majeurs (MACE) (16 % à 1 an et 24,9 % à 2 ans).3

Nous avons décidé de réaliser un registre de tous les patients ayant bénéficié de la technique d'athérectomie rotationnelle au sein des Centres Hospitaliers de Jolimont au cours de la période s'étalant de juin 2015 à décembre 2019, afin de voir le devenir des patients à moyen terme (6 mois).

Méthode

Pour la récolte des données, nous avons utilisé la base de données « Infohos » et collecté les données à l'aide du logiciel informatique « Xperthis CARE ». Tous les patients ont été inclus dans l'étude. Il n'y avait pas de critères d'exclusion.

Résultats

Résultats et discussion

La population

Les patients inclus dans ce registre ont une multitude de facteurs de risque cardiovasculaires : hypertension artérielle (85 %), obésité (34 %), diabète (39 %), dyslipidémie traitée par statine (90 %), tabagisme actif (17 %) et insuffisance rénale chronique (19 %).

Dans le registre multicentrique ROTATE³ comprenant 985 patients, on retrouve des caractéristiques cliniques similaires : hypertension artérielle (80,9 %), diabète (34,5 %), dyslipidémie (64 %), tabagisme actif (23,9 %) et insuffisance rénale chronique (25,4 %).

16 % des patients de notre registre ont des antécédents d'artérite des membres inférieurs traitée chirurgicalement (contre 19,3 % dans le registre ROTATE).

La plupart des patients inclus dans notre registre ont été déjà revascularisés par angioplastie coronaire (44 %) dans le passé (contre 39 % dans le registre ROTATE) et 29 % ont bénéficié dans le passé de pontages aorto-coronariens (contre 19,3 % dans le registre ROTATE). Notre population présente également des lésions complexes :

  • Lésions de bifurcation (38 %) : aspect étudié récemment dans une étude monocentrique qui a montré que les lésions de bifurcation traitées par athérectomie rotationnelle présentaient le même taux de complications et d'évènements cardiovasculaires majeurs à court terme (30 jours) que pour les autres types de lésions.5
  • Lésions touchant le tronc commun : le vaisseau cible était le tronc commun chez 5 % des patients. Un registre monocentrique de 55 patients ayant bénéficié de la technique d'athérectomie rotationnelle pour traiter une lésion du tronc commun a montré un taux de succès de 100 %.6

Les bénéfices et inconvénients de la technique

Nous avons observé un taux faible de complications dans notre registre :

  • Le phénomène de no-reflow est survenu chez un patient (1 %), qui a bénéficié avec succès d'un traitement pharmacologique (adénosine) et d'un ballon de contre-pulsion aortique. Dans différentes études où les patients ont bénéficié de la technique d'athérectomie rotationnelle avec pose d'un (ou plusieurs) stent(s) DES, ce phénomène est survenu chez 2,6 % des patients.7
  • Il n'y a pas eu de cas de perforation, ni de dissection, ni de fraise bloquée, ni d'autre complication grave pendant la procédure liée à la technique d'athérectomie rotationnelle. Dans différentes études, le taux de perforation varie de 0,0 à 2,0 %, le taux de dissection varie de 1,7 à 7,0 %7 et le taux de fraise bloquée varie de 0,5 à 2,0 %.8

Nous avons également observé un taux extrêmement faible d'évènements cardiovasculaires à moyen terme dans notre registre : 2 % à 6 mois (un décès lié à un choc cardiogénique et un infarctus péri-procédural). Dans le registre multicentrique ROTATE3, ce taux est de 16 % à 1 an et 24,9 % à 2 ans.

Les accès vasculaires par voie radiale et par tabatière anatomique, l'utilisation de fraises de petite taille avec des temps extrêmement courts de fraisage, la préparation médicamenteuse avant et pendant l'examen pour maintenir une tension artérielle correcte et l'utilisation exclusive de prothèses pharmacologiques pourraient expliquer ce taux faible de complications et d'évènements cardiovasculaires majeurs à 6 mois.

A. Accès vasculaire

Une majorité des patients ont eu un accès vasculaire radial « proximal » (81 %). Une méta-analyse de 2018 incluant 9 153 patients ayant bénéficié d'un traitement par athérectomie rotationnelle a montré une similarité en termes d'efficacité entre les accès vasculaire radial "proximal" et fémoral mais une diminution du risque de saignement (odds ratio = 0,45, intervalle de confiance à 95 % = 0,31 - 0,67, p < 0,001), et de l'exposition aux radiations (mean difference = −16,1 Gy.cm2, intervalle de confiance à 95 % = - 25,4 − 6,7 Gy.cm2 ; p = 0,0007) quand l'accès radial "proximal" était utilisée.9

Quelques patients (3 %) ont eu un accès vasculaire radial « distal », c'est-à-dire via la tabatière anatomique. Plusieurs articles ont été réalisés, soulignant les avantages de cet accès vasculaire : confort pour l'opérateur, confort pour le patient (qui ne doit pas tourner son poignet pour exposer la face palmaire de sa main), faible taux de thrombose artérielle, hémostase efficace, faible risque d'hématome, faible niveau de douleur perçu par les patients, risque réduit de syndrome des loges et préservation de l'artère radiale.10 Une étude clinique récente incluant 20 patients11 a montré que l'accès vasculaire par tabatière anatomique en utilisant un cathéter guide sans gaine (sheathless) de 7 French est une approche valable pour les angioplasties complexes, avec un taux de succès de succès de 95 % et un taux de complications extrêmement faible.

B. Choix du matériel (figures 1 et 2)

a. Fraise de petite taille

Dans notre registre, la taille maximale de la fraise est de 1,25 mm dans 11 % des cas ; 1,50 mm dans 70 % des cas ; 1,75 mm dans 18 % des cas et 2,00 mm dans 1 % des cas. Les études STRATAS2 et CARAT12 ont montré que les fraises plus petites (avec un ratio fraise/artère < 0,7) étaient équivalentes aux fraises plus grosses en termes d'efficacité, avec un taux moindre de complications procédurales, un relargage moindre de CK (créatine kinase) en péri-procédural et un risque hémorragique moindre.

b. DES

Dans le registre multicentrique ROTATE3, les évènements cardiovasculaires majeurs (MACE) à 2 ans de suivi sont de 39,2 % pour les patients ayant bénéficié d'une angioplastie par athérectomie rotationnelle suivie de la pose de stents BMS contre 21,2 % chez les patients où des stents DES de 1ère génération ont été posés et 24,7 % chez les patients où des stents DES de 2ème génération ont été posés. La différence entre les stents BMS et les stents DES de 1ère génération est statistiquement significative (p = 0,004) mais la différence entre les 2 types de stents DES (1ère et 2ème génération) n'est pas statistiquement significative (p = 0,32). Les patients de notre registre ont tous bénéficié de la pose d'un ou plusieurs stents DES.

c. Durée extrêmement brève du fraisage (15 secondes par passage)

Chaque procédure d'athérectomie rotationnelle réalisée dans notre registre a été réalisée de manière à ce que le fraisage soit le plus bref possible.

d. Procédures « ad hoc » vs procédures « électives »

La coronarographie diagnostique a été suivie d'une angioplastie « ad hoc » chez seulement 21 % de notre registre. Cela signifie donc que la plupart des procédures d'athérectomie rotationnelle (79 %) ont été programmées, et donc préalablement préparées.

Les alternatives à l'athérectomie rotationnelle

A. Lithotripsie intravasculaire

Pour le traitement des lésions coronaires calcifiées, une autre technique (initialement destinée au traitement des calculs rénaux) a vu le jour : la lithotripsie intravasculaire. Dans cette technique, le cathéter d'angioplastie est doté d'émetteur d'ondes ultrasonores pour traiter les calcifications vasculaires. La sécurité de la lithotripsie intravasculaire a été démontrée dans plusieurs études prospectives Disrupt CAD I13, CAD II14 et CAD III15 avec un taux extrêmement faible de complications péri-procédurales. La technique semble être efficace surtout pour les lésions ostiales avec des calcifications concentriques qui sont franchissables par le ballon de lithotripsie.

B. « Cutting balloon »

Il s'agit d'une technique qui date d'une vingtaine d'années où le ballon d'angioplastie est muni de lames qui se déploient lors de l'inflation du ballonnet.

Il a été démontré que l'utilisation du « cutting balloon » permet d'élargir davantage la lumière de l'artère par rapport à un ballon d'angioplastie conventionnel, sans augmenter le risque de complications et la morbi-mortalité cardiovasculaire.16

La resténose intra-stent est une des indications du « cutting balloon ». Cependant, il n'y a pas dans cette indication de différence en termes d'évènements cardiovasculaires majeurs à 6 mois par rapport à l'utilisation d'un ballon d'angioplastie conventionnelle. Il y a certes des avantages techniques : utilisation de moins de ballons, moins de glissement du ballon d'angioplastie, moins de nécessité d'un stenting additionnel.17

Résumé

La technique d'athérectomie rotationnelle présente un haut taux de succès, un faible taux de complications péri-procédurales et un faible taux d'évènements cardiovasculaires majeurs à moyen terme (6 mois). Cette technique est faisable et efficace dans la pratique courante pour les patients avec des lésions coronaires indilatables ou infranchissables.

Références

  1. Theuerle J., Yudi M.B., Farouque O., Andrianopoulos N., Scott P., Ajani A.E. et al. Utility of the ACC/AHA lesion classification as a predictor of procedural, 30-day and 12-month outcomes in the contemporary percutaneous coronary intervention era, Cathet Cardiovasc Diagn, 2018, 92 (3), E227-E234.
  2. Whitlow P.L., Bass T.A., Kipperman R.M., Sharaf B.L., Ho K.K., Cutlip D.E. et al. Results of the study to determine rotablator and transluminal angioplasty strategy (STRATAS). Am J Cardiol, 2001, 87 (6), 699-705.
  3. Kawamoto H., Latib A., Ruparelia N., Ielasi A., D'Ascenzo F., Pennacchi M. et al. In-hospital and midterm clinical outcomes of rotational atherectomy followed by stent implantation: the ROTATE multicentre registry. EuroIntervention, 2016, 12 (12), 1448-1456.
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