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Un infarctus particulier et rare : l'infarctus de la graisse épi-péricardique
  • Melissa Van den Bulck , Jonathan Cavalleri , Lingna Zhu , Benoît Cardos , Yilmaz Gorur , Deeba Ali 

La nécrose graisseuse épi-péricardique est une cause rare de douleur thoracique. Cette affection se manifeste généralement par des douleurs thoraciques aiguës pour lesquelles des pathologies graves et urgentes telles que l'infarctus du myocarde, la dissection aortique, l'embolie pulmonaire, le pneumothorax doivent être écartées en première intention. Nous rapportons un cas de nécrose de graisse épi-péricardique diagnostiqué chez un adulte jeune sur une tomodensitométrie thoracique.

Résumé

L'infarctus de la graisse épi-péricardique est une maladie rare, bénigne qui se manifeste par des douleurs thoraciques aiguës. Cette entité est probablement largement sous diagnostiquée, mais n'entraîne pas de risque vital. Elle se résout le plus souvent spontanément.

Le diagnostic repose essentiellement sur la tomodensitométrie thoracique et le traitement est conservateur.

Cas clinique

Un homme de 33 ans ayant des antécédents d'hypertension artérielle et d'obésité légère est admis aux urgences pour des douleurs thoraciques gauches oppressives et non respiro-dépendantes évoluant depuis quatre jours.

La douleur irradie au niveau de l'épaule gauche et est accompagnée d'une dyspnée et de nausées.

A son admission, le patient est tachycarde à 120/min, il est hypertendu à 160 mmHg, sans asymétrie de pression artérielle au niveau des deux membres supérieurs. La température corporelle est de 37,5°C. Le reste de l'examen clinique est sans particularité.

La biologie sanguine révèle un syndrome inflammatoire modéré avec une CRP à 32 mg/l, des D-dimères majorés à 900 μg/l (normes : < 500 μg/l) et les enzymes cardiaques dont la troponine I ultrasensible sont dans les normes.

La radiographie thoracique et l'électrocardiogramme sont sans particularité. Devant un score de Wells pour l'embolie pulmonaire de risque intermédiaire, un angioscanner thoracique est réalisé.

Cet examen ne montre pas d'argument pour une embolie pulmonaire ou une dissection aortique. En revanche il démontre une infiltration focale de la graisse épi-péricardique avec un épaississement du péricarde sans épanchement péricardique associé et un épanchement pleural gauche de faible volume.

Cette image radiologique démontre un infarctus de la graisse épi-péricardique conduisant au diagnostic (figure 1 et 2).

Une échocardiographie est également réalisée et met en évidence une hyperéchogénicité de la graisse péricardique (figure 3).

Après une surveillance de deux jours durant laquelle l'évolution fut favorable, le patient a pu regagner son domicile avec un traitement par anti-inflammatoire et un suivi programmé à 2 mois avec un scanner thoracique de contrôle.

Discussion

Nous avons rapporté le cas d'un adulte jeune ayant présenté une douleur thoracique aiguë survenue dans le décours immédiat d'une nécrose de la graisse épi-péricardique. Il s'agit d'une affection rare et bénigne. Décrite pour la première fois en 1957 par Jackson et al. à l'heure actuelle, moins d'une cinquantaine de cas sont recensés dans la littérature.1, 2

Elle se manifeste généralement par une douleur thoracique, une dyspnée et une tachycardie.

Les patients peuvent également présenter une douleur pleurétique suite à la présence d'un petit épanchement pleural ipsilatéral à la nécrose graisseuse épi-péricardique. En effet, la couche épi-péricardique qui se trouve à l'extérieur du péricarde pariétal, relie le péricarde à la paroi thoracique antérieure. Cette couche épi-péricardique tire son origine embryologique du mésenchyme thoracique primitif et son apport sanguin provient de branches péricardiophréniques de l'artère mammaire interne.3

Cette affection peut être confondue avec une maladie grave, telle que l'infarctus aigu du myocarde, la dissection aortique, la péricardite ou l'embolie pulmonaire.2, 3

La symptomatologie douloureuse dure souvent quelques jours mais peut éventuellement durer plusieurs mois. Elle affecte également les deux sexes et la tranche d'âge moyenne est de 50 ans.

La physiopathologie exacte reste à l'heure actuelle toujours inconnue. Néanmoins certaines hypothèses ont été proposées telles qu'une torsion du pédicule vasculaire du tissu adipeux, des altérations structurelles, une hémorragie du tissu adipeux.4

L'obésité a été considérée comme un facteur de risque de la nécrose graisseuse épi-péricardique. Mais à ce jour, les études n'ont pas pu démontrer de corrélation entre ces deux entités.

Cette maladie est souvent sous diagnostiquée par le manque de spécificité des symptômes.

Les électrocardiogrammes, les tests de laboratoire (dont les enzymes cardiaques) ne révèlent souvent aucune anomalie. La radiographie thoracique montre parfois la présence d'une opacité paracardiaque. A l'échographie cardiaque, des nodules hyperéchogènes entourés d'un halo hypoéchogène sont parfois visualisés dans la graisse épi-péricardique. La tomodensitométrie thoracique est le test gold standard pour affirmer le diagnostic. Cet examen montre généralement une lésion épi-péricardique encapsulée, arrondie, contenant de la graisse, associée ou non à un épaississement péricardique adjacent et parfois la présence d'un épanchement pleural ipsilatéral.3

Dans le cas présenté, le diagnostic a été posé sur base des résultats d'imagerie très suggestifs.

Cette maladie, souvent méconnue, est à évoquer devant la triade radio-clinique classique suggestive d'un infarctus de la graisse épi-péricardique qui inclut une douleur thoracique, une lésion encapsulée dans la graisse épi-péricardique et un épaississement du péricarde, et ce, après avoir exclu la présence d'une pathologie grave telle qu'un syndrome coronarien aigu, une péricardite ou une embolie pulmonaire comme évoqués précédemment.5

Le diagnostic différentiel radiologique comprend le lipome, le liposarcome et les kystes bronchogéniques.5, 6

Le traitement de cette maladie est symptomatique et se base sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

L'évolution de la maladie est habituellement marquée par une résolution des symptômes en quelques semaines. Un scanner de contrôle est recommandé à deux mois pour s'assurer de la bonne résolution des lésions et également pour exclure une pathologie tumorale sousjacente.

Conclusion

L'infarctus de la graisse épi-péricardique est une affection rare et souvent sous diagnostiquée. Le scanner thoracique est l'examen de choix pour poser le diagnostic. Cette maladie peut être évoquée après avoir exclu des causes plus graves telles que l'embolie pulmonaire ou l'infarctus aigu du myocarde. La reconnaissance de cette maladie par les urgentistes est importante afin d'éviter des explorations invasives. Le traitement est conservateur et basé essentiellement sur la prise d'anti-inflammatoires.

Références

  1. Ben Gaied, M., Krähenbühl, J., Rey, F., Genné, D. [Acute Pericarditis]. Revue Médicale Suisse, 2015, 11 (489), 1835-1838.
  2. Hepburn-Brownn, M., Darvall, J., Hammerschlag, G. Acute pulmonary embolism: a concise review of diagnosis and management. Intern Med J, 2019, 49 (1), 15-27.
  3. de S Giassi, K., Costa, A.N., Bachion, G.H., Apanavicius, A., Filho, J.R.P., Kairalla, R.A. et al. Epipericardial fat necrosis: an underdiagnosed condition. Br J Radiol, 2014, 87 (1038), 20140118.
  4. Haq, S., Wilson, M.P., Manca, D. Epipericardial fat necrosis: an uncommon self-limiting cause of pleuritic chest pain. CMAJ, 2019, 191 (50), E1378-E1381.
  5. Friedman, Y., Gayer, G., Margolin, M.L., Kneller, A., Mouallem, M. Epipericardial Fat Necrosis. Isr Med Assoc J, 2018, 20 (5), 327- 328.
  6. Gayer, G. Mediastinal (Epipericardial) Fat Necrosis: An Overlooked and Little Known Cause of Acute Chest Pain Mimicking Acute Coronary Syndrome. Semin Ultrasound CT MR, 2017, 38 (6), 629-633.

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