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Combinaison fixe en première ligne du traitement de l'hypertension artérielle dans les recommandations ESC/ESH 2018 : où en sommes-nous 3 ans après ?
  • Julien Tridetti 

Lors du dernier congrès de la Société européenne de Cardiologie (ESC), un symposium modéré par Andrzej Januszewicz (Varsovie, Pologne) et Konstantinos Tsioufis (Athènes, Grèce) a fait un état des lieus surprenant du traitement de l'hypertension artérielle (HTA), 3 ans après la publication des recommandations de la Société européenne de Cardiologie et d'Hypertension (ESC/ESH).

Depuis cette publication, Andrzej Januszewicz nous rapporte qu'il existe de plus en plus de preuves scientifiques pour dire que la compliance et l'inertie thérapeutique sont les principales causes du mauvais contrôle de l'HTA en Europe. Pourtant, des solutions existent. Deux experts ont donné leur avis éclairé.

Dual therapy, triple therapy, or single-pill combination: still underused or already part of physicians' mindsets?

Atul Pathak - Monaco

Les recommandations européennes du traitement de l'HTA, publiées en 2018, propose une approche simple « step by step » avec l'emploi d'emblée d'une bithérapie comprenant un inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) associé à un diurétique ou à un antagoniste calcique et le passage rapidement à une trithérapie si celle-ci n'est pas suffisante1. Pour Atul Pathak, la clé de la réussite réside dans la combinaison du traitement en une seule pilule (figure 1). Pour corroborer ses propos, il nous présente trois études, réalisées sur trois continents différents mais avec la même conclusion : il est indispensable de combiner les molécules si l'on veut atteindre la pression artérielle cible recommandée.

L'intérêt de la combinaison ne se limite pas à son efficacité pour réduire la pression artérielle mais elle permet aussi d'améliorer la compliance thérapeutique comme nous le rappelle la méta-analyse de Gianfranco Parati publiée en février 20212.

Malgré cela, si l'on regarde la distribution des prescriptions faites ces trois dernières années par les cardiologues français, on constate que plus de 50 % des patients sont encore traités par une monothérapie (IQVIA Longitudinal Patient Data France). Rien n'a changé depuis 2018 et pire, Atul Pathak nous rapporte une légère augmentation du traitement de l'HTA par monothérapie et une diminution de l'utilisation de la trithérapie. C'est encore plus évident en médecine générale où près de 65 à 70 % des médecins ont prescrit une monothérapie pour traiter l'HTA ces trois dernières années.

Le problème n'est pas seulement quantitatif mais il est aussi qualitatif. Si on regarde quels types de médicaments en monothérapie étaient prescrits pour traiter l'HTA en France en 2020 comparativement à 2017, Pathak constate que la prescription des bêtabloquants et même des anti-hypertenseurs à action centrale est en augmentation alors que, étonnamment, l'utilisation d'inhibiteurs du SRAA est en diminution.

Malheureusement, cette inertie thérapeutique a des conséquences pour le patient. Seulement 1 hypertendu sur 2 prend un traitement (47,5 %) en France et 1 sur 4 (24 %) est contrôlé efficacement (< 140/90 mmHg)3. Cette situation est le fruit de plusieurs années d'aggravation. Pour Atul Pathak, plusieurs raisons expliquent la faible adhérence aux recommandations de l'ESC de 2018. Il insiste sur la peur excessive de la cumulation des effets secondaires que pourtant nous connaissons et maîtrisons et, sur l'incapacité du patient à modifier ses habitudes et son mode de vie. D'où, il nous rappelle qu'il est primordial de communiquer avec motivation comme d'ailleurs le soulignent très bien les recommandations européennes de 2018. Même si certains médecins sont encore sceptiques, cette recommandation est basée sur des preuves scientifiques. L'interview motivationnel améliore l'adhérence thérapeutique mais aussi la proportion de patients avec un contrôle tensionnel optimal4 (figure 1).

Following current guidelines, and beyond, single-pill combinations (SPC) is a way to improve patient care in hypertension

Oxana Rotar - Saint-Pétersbourg, Russie

Dans son éditorial du 26 septembre dernier, Richard Horton, le rédacteur en chef de la prestigieuse revue The Lancet, nous invite à ne plus considérer l'épidémie de Covid-19 comme une pandémie mais plutôt comme une syndémie, c'est-à-dire une rencontre entre la maladie virale provoquée par le SARS-Cov-2 et un ensemble de pathologies chroniques, telles que l'HTA, l'obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou le cancer. En effet, on a constaté un certain niveau d'interaction entre le comportement socioéconomique lié à le Covid-19 et les comorbidités qui exacerbe les effets négatifs de chacune des maladies impliquées. Ceci explique en partie la dégradation de la prise en charge de l'HTA qui a été mise en pause durant la crise. Pourtant comme nous le rappelle Oxana Rotar, contrairement à le Covid-19, nous n'avons pas d'excuses. Des traitements simples et efficaces existent.

Elle nous présente les résultats de deux méta-analyses, publiées en 2021 et évaluant l'intérêt d'un traitement combiné en une seule pilule pour traiter l'HTA comparativement à un équivalent en plusieurs pilules. Dans la première, incluant 44 études pour l'analyse, Parati et al. a clairement démontré que le traitement combiné améliorait à la fois l'observance et la persistance thérapeutique tout en permettant un meilleur contrôle de la pression artérielle2. Dans la seconde, Thomopoulos et al. ont démontré que le traitement combiné avait aussi un bénéfice protecteur notamment car il permettait de réduire l'incidence de la maladie coronarienne, de l'insuffisance cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux5.

Elle insiste sur les maladies cardiovasculaires chez la femme qui, bien qu'elles représentent 35 % des causes de décès, sont sous-diagnostiquées, sous-traitées et sous-représentées dans les études scientifiques. Les femmes sont moins souvent traitées par un inhibiteur du SRAA que les hommes. Par ailleurs, les médecins masculins ont tendance à prescrire moins de molécules et des dosages plus faibles aux femmes. Ces préjugés sexistes pourraient contribuer à la mauvaise adhérence aux recommandations de l'ESC.

Enfin, elle nous rappelle que la trithérapie n'est pas le traitement de l'HTA résistante mais est seulement l'étape 2 du traitement de l'HTA (figure 1). Elle est très efficace et évite de nous ayons à choisir. Malheureusement, celle-ci est associée à des craintes qui sont, le plus souvent, fausses et excessives. L'utilisation de trois molécules dans une même pilule pour traiter l'HTA, ne multiple pas l'incidence des effets secondaires par trois. Certaines molécules tendent à diminuer les effets secondaires d'autres molécules. Par exemple, les diurétiques réduisent l'oedème des membres inférieurs pouvant être causé par les antagonistes calciques qui eux-mêmes réduisent le risque de toux causé par les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC)6.

Par ailleurs, il faut se méfier des raccourcis scientifiquement non-fondés. Même si au début de la pandémie Covid-19, une première hypothèse associant la prise d'un IEC ou de sartan à des formes graves de Covid-19 a été évoquée. Au contraire, une seconde hypothèse, plus récente et scientifiquement fondée, met en avant l'effet bénéfique des inhibiteurs du SRAA. En effet, elle nous rappelle les résultats récents d'un registre français de près de 2 millions de patients hypertendus publiés en 2021 dans le Journal of Hypertension de l'American Heart Association (AHA). Semenzato et al. y démontraient que les IECs et sartans étaient associés à un plus faible risque d'hospitalisation, d'intubation et décès pour Covid-19 par rapport aux antagonistes calciques7. À noter que le risque était encore plus faible en cas de prise d'IECs comparativement aux sartans.

Malheureusement, Oxana Rotar conclut par ce constat : les médecins sont, eux-mêmes, mal soignés. Nous reconnaissons le problème, mais nous sommes incapables d'agir et les excuses sont nombreuses. Il est nécessaire d'améliorer la perception du bénéfice du traitement par le médecin. Une attitude hésitante qui peut parfois être perçue par le patient, qui finit par attribuer peu d'importance à la pathologie dont il est atteint.

Références

  1. Willams, B., Mancia, G., Spiering, W. et al. 2018 ESC/ESH Guidelines for the Management of Arterial Hypertension. Eur Heart J, 2018, 39 (33), 3021-3104.
  2. Parati, G., Kjeldsen, S., Coca, A. et al. Adherence to Single-Pill Versus Free- Equivalent Combination Therapy in Hypertension: A Systematic Review and Meta-Analysis. Hypertension; 2021, 77 (2), 692-705.
  3. Rubin, S., Boulestreau, R., Couffinhal, T. et al. Impaired hypertension control in France: What the nephrologist needs to know. Nephrol Ther, 2020, 16 (6), 347-352.
  4. Schoenthaler, A., Rosenthal, D.M., Butler, M. et al. Medication adherence improvement similar for shared decision-making preference or longer patient-provider relationship. J Am Board Fam Med, 2018, 31 (5), 752-760.
  5. Thomopoulos, C., Bazoukis, G., Grassi, G. et al. Monotherapy vs combination treatments of different complexity: a meta-analysis of blood pressure lowering randomized outcome trials. J Hypertens, 2021, 39 (5), 46-855.
  6. Fogari, R., Zoppi, A., Tettamanti, F. et al. Effects of nifedipine and indomethacin on cough induced by angiotensin- converting enzyme inhibitors: A double-blind, randomized, cross-over study. Current Therapeutic Research, 1999, 19 (5), 670-673.
  7. Semenzato, L., Botton, J., Drouin, J. et al. Antihypertensive Drugs and COVID-19 Risk: A Cohort Study of 2 Million Hypertensive Patients. Hypertension, 2021, 77 (3), 692-705.

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