Au cours du siècle dernier, la cardiologie a connu une évolution impressionnante : d'une branche de la médecine interne, elle est devenue une des disciplines médicales les plus avancées sur le plan technologique. Cette croissance s'est accompagnée d'une augmentation des sous-spécialisations, ce qui a conduit à des progrès importants en matière de diagnostic et de traitement, mais aussi à une fragmentation des soins. De nos jours, les cardiologues sont confrontés au défi de réintégrer ces connaissances, car la plupart des patients souffrent désormais de plusieurs affections cardiovasculaires et métaboliques concomitantes. L'émergence de la médecine cardiométabolique offre ici une opportunité de relier les spécialités et d'adapter les soins en fonction des besoins futurs. De nouvelles thérapies pharmacologiques et génétiques renforcent cette transition vers une approche plus intégrée et centrée sur le patient.
Introduction
La cardiologie a connu une transformation impressionante au cours du siècle dernier. Alors que cette discipline faisait initialement partie de la médecine interne, les innovations pharmacologiques et technologiques ont conduit à un élargissement sans précédnt des connaissances, du diagnostic et des possibilités thérapeutiques. Cela permet aujourd'hui de prévenir et de traiter beaucoup plus efficacement les maladies cardiovasculaires.
Le traitement de l'infarctus myocardique aigu en est un bon exemple : la mortalité est passée de plus de 50 % dans les années 1950 à moins de 5 % chez les patients stables. Cette performance remarquable souligne les progrès de la cardiologie moderne.
Dans le même temps, ce succès pose de nouveaux défis. En raison de l'allongement de l'espérance de vie, nous voyons de plus en plus souvent des patients souffrant de plusieurs affections complexes qui se chevauchent. En outre, l'émergence du syndrome cardiométabolique représente une pandémie mondiale qui nécessite une prise en charge renouvelée et intégrée des soins.
Pour relever ces défis, il est essentiel de recentraliser l'expertise et les possibilités technologiques acquises dans les différentes sous-spécialités. Ce n'est que par la collaboration et l'intégration des connaissances que la cardiologie pourra continuer à se développer et à rester équipée pour le patient de demain.
Le développement des spécialités
Grâce aux nouvelles techniques diagnostiques, aux médicaments innovants et aux procédures interventionnelles, la qualité des soins médicaux n'a cessé de s'améliorer. Diverses spécialités ont vu le jour à partir de la médecine interne, comme la cardiologie, la pneumologie, la néphrologie et l'endocrinologie. En cardiologie, les progrès constants ont mené à d'autres sous-spécialités telles que la cardiologie interventionnelle, l'électrophysiologie, l'imagerie, la cardiologie aiguë, l'insuffisance cardiaque et la cardiologie congénitale. Cette différenciation s'est principalement opérée de manière verticale, selon des axes diagnostiques et interventionnels, et moins de manière horizontale, sous forme de sous-spécialités axées sur les soins, l'insuffisance cardiaque et la cardiologie aiguë constituant des exceptions.
Le défi de la fragmentation
La sous-spécialisation croissante en cardiologie a permis des progrès indéniables, mais elle implique également un risque de fragmentation des soins. Grâce notamment à une survie plus longue due à des soins cardiovasculaires plus efficaces, de nombreux patients souffrent actuellement de plusieurs maladies cardiovasculaires concomitantes, par exemple une combinaison de coronaropathie ischémique, d'insuffisance cardiaque, de fibrillation auriculaire et d'insuffisance mitrale. Ces affections s'accompagnent souvent de comorbidités telles que le diabète, l'obésité, l'hypertension ou les troubles de la fonction rénale.
Le défi cardiométabolique
Dans le monde entier, le surpoids et l'obésité augmentent à un rythme alarmant et ont aujourd'hui pris des proportions pandémiques. Ces troubles s'accompagnent de perturbations marquées du métabolisme des graisses et du glucose, ainsi que de comorbidités telles que le syndrome des apnées obstructives du sommeil, l'insuffisance rénale et la stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique (MASH). En outre, l'obésité influence la régulation endocrinienne, avec des modifications des hormones sexuelles, une fertilité réduite et des adaptations épigénétiques chez les descendants. Le dérèglement métabolique associé à l'obésité entraîne des processus inflammatoires systémiques qui favorisent le développement de l'athérosclérose, de l'insuffisance cardiaque - initialement surtout sous sa forme à fraction d'éjection préservée (HFpEF), puis à fraction d'éjection réduite (HFrEF) - et la mortalité prématurée. C'est principalement la graisse viscérale, en particulier la graisse abdominale, périvasculaire et péricardique, qui constitue une source importante de cytokines pro-inflammatoires. Cela contribue à la déstabilisation des plaques athéroscléreuses, à la dysfonction microvasculaire, à la fibrose interstitielle et à la diminution de la fonction de relaxation et de contraction du myocarde.
En raison de ces changements, on peut s'attendre à ce que l'épidémie mondiale d'obésité se traduise cliniquement par une incidence croissante de complications cardiovasculaires, notamment l'insuffisance cardiaque, la fibrillation auriculaire, les coronaropathies ischémiques et la mortalité cardiaque prématurée.
Nouvelles perspectives thérapeutiques
Le traitement des maladies cardiométaboliques est actuellement en pleine révolution. De nouveaux médicaments, tels que les inhibiteurs du cotransporteur sodiumglucose de type 2 (SGLT2), améliorent non seulement le métabolisme du glucose, mais protègent également le coeur et les reins, tant en cas d'HFrEF que d'HFpEF. Les agonistes du récepteur du peptide-1 similaire au glucagon (GLP-1), dont le sémaglutide, entraînent une réduction du poids corporel et de l'inflammation systémique et réduisent le risque d'événements cardiovasculaires majeurs d'environ 20 %. Des agents plus récents, comme le tirzépatide, combinent l'action du GLP-1 et du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP), assurant ainsi une diminution du poids et une protection cardiovasculaire encore plus importantes.
En outre, une nouvelle génération de thérapies génétiques fait son apparition. Les oligonucléotides antisens (ASO), les ARN double brin de silençage (siRNA) et le système CRISPR-Cas9 permettent d'inhiber durablement des protéines hépatiques spécifiques. Ainsi, l'inclisiran limite la production de PCSK9 et, partant, le taux de cholestérol pendant six mois après une seule injection, tandis que les nouveaux siRNA peuvent réduire la lipoprotéine (a) de plus de 90 %. Le système CRISPR-Cas9 est également étudié en tant que traitement curatif potentiel de l'amylose TTR et de l'hypercholestérolémie familiale, signant ainsi la transition du traitement vers la guérison.
Un avenir intégré
La prise en charge d'un groupe de patients cardiaques de plus en plus complexe et d'une population croissante souffrant de complications cardiovasculaires liées à l'obésité et aux affections métaboliques exige une approche large et intégrée. Cela nécessite l'intervention d'un cardiologue général, capable de comprendre les liens entre différents tableaux cliniques, d'adapter le traitement en conséquence et de collaborer de manière interdisciplinaire avec d'autres disciplines internistiques. Cette collaboration s'avère particulièrement essentielle dans la mise en oeuvre de nouvelles thérapies innovantes pour la prise en charge du syndrome cardiométabolique.
Les jeunes cardiologues en formation orientent souvent leur spécialisation vers des domaines interventionnels et aspirent à occuper un poste dans un centre de cardiologie tertiaire ou interventionnel. Cependant, compte tenu de la prévalence croissante des patients souffrant de problèmes cardiaques complexes et multiples et d'un syndrome cardiométabolique, il est très important de revaloriser le rôle du cardiologue général dans les hôpitaux généraux. C'est surtout dans un pays comme la Belgique, où la population vieillit rapidement, qu'il est crucial de garantir la qualité et la rentabilité des soins de santé en renforçant les soins cardiaques - tant hospitaliers qu'ambulatoires - dans les hôpitaux généraux.
Références
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