Compte rendu du congrès de l'ESC
Le message de cette session est clair : l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée représente une épidémie silencieuse que nous devons reconnaître plus rapidement. Il s'agit d'un diagnostic, mais qui peut avoir de nombreuses causes.
À l'échelle mondiale, 64 millions de personnes vivent avec une insuffisance cardiaque et ce nombre augmente rapidement en raison du vieillissement de la population, de l'amélioration de la survie après une insuffisance mitrale et de l'augmentation des comorbidités. Pourtant, le diagnostic est encore trop souvent posé trop tard : la plupart des patients sont vus pour la première fois aux Urgences, ce que nous voulons absolument éviter. Le plus grand bénéfice réside dans un dépistage simple et accessible en première ligne. À cet égard, les médecins généralistes jouent un rôle clé, aidés par des outils pratiques dont la recherche reste un casse-tête.
Whom to screen and how to use the diagnostic scores
Brenda Moura - Porto, Portugal
Quelle est la cause du sous-diagnostic ? Des symptômes vagues, un accès limité aux examens complémentaires en première ligne et l'évolution fulgurante des connaissances dans le domaine de l'insuffisance cardiaque. Bien que les recommandations européennes appellent à la vigilance en cas de symptômes, de facteurs de risque et d'anomalies à l'ECG dans l'algorithme diagnostique, ce groupe est si large qu'on observe rarement des actions concrètes en pratique.
Les scores actuels tels que le HFA-PEFF et le H2FPEF nécessitent des paramètres échocardiographiques et sont rarement utilisés. Cependant, des outils simples tels que le score HFpEF-ABA récemment publié (basé sur l'âge, l'IMC et la fibrillation auriculaire) donnent des résultats prometteurs, précisément en raison de leur facilité d'utilisation. Une autre solution consisterait à dépister toutes les personnes à risque, mais cela concernerait énormément de patients, à savoir tous ceux souffrant d'hypertension, de diabète, d'obésité, d'insuffisance rénale chronique, etc.
Étude épidémiologique au Portugal
Une clinique mobile (un camion équipé d'unités d'examen) a sillonné le pays dans le cadre d'une campagne de dépistage à grande échelle. L'étude s'est déroulée en trois phases : un dépistage large à l'aide de questionnaires et d'un dosage du peptide natriurétique cérébral (BNP), une phase de confirmation par échocardiographie et un suivi ciblé pour un diagnostic probable d'HFpEF. Sur les 15 000 personnes approchées, 6000 ont fait l'objet d'un dépistage. Le résultat était sans appel : la prévalence d'insuffisance cardiaque s'élevait à 16,5 % au-delà de 50 ans, avec une grande majorité de cas d'HFpEF (15,2 %) (figure 1). Les femmes étaient deux fois plus touchées que les hommes. Chez les sujets de plus de 70 ans, le chiffre atteignait même 30 %. Il est frappant de constater que 90 % des patients n'étaient pas conscients de leur diagnostic. Au cours de la discussion, le président, Frederik Verbrugge, a demandé si la prévalence rapportée pourrait être sous-estimée, étant donné qu'une partie importante des patients souffrant d'HFpEF présentent des valeurs normales de NT-proBNP, ce que Brenda Moura a confirmé. La population concernée continuera à être suivie afin d'évaluer le pronostic et d'affiner éventuellement la stratégie diagnostique à l'avenir.

How to use natriuretic peptides across the heart failure stages
Antonio Bayes Genis - Badalona, Espagne
Les symptômes classiques sont vagues et trompeurs, de sorte que les biomarqueurs objectifs se révèlent essentiels. Les peptides natriurétiques constituent un outil de dépistage précoce chez les patients à risque. Des experts internationaux ont développé des algorithmes pratiques qui utilisent des seuils dépendants de l'âge pour diagnostiquer plus précisément l'insuffisance cardiaque. Aux Urgences, des seuils clairs pour le BNP et le NT-proBNP permettent d'exclure ou de confirmer rapidement une insuffisance cardiaque (300 pg/ml pour l'exclusion et 450/900/1800 pg/ml pour la confirmation corrigée en fonction de l'âge). Des valeurs élevées (> 5000 pg/ml) identifient un groupe à très haut risque nécessitant une surveillance et courant un risque accru de décès.
Le concept de 'stress cardiaque' - augmentation des peptides natriurétiques en présence de facteurs de risque - permet de détecter la maladie à un stade précoce et de la traiter de manière plus ciblée, notamment avec des inhibiteurs du SGLT2. L'orateur indique qu'il est temps d'utiliser ces peptides de manière plus large et plus systématique, y compris en vue d'un dépistage dans la population âgée de plus de 50 ans, à l'instar de ce que nous faisons pour le cholestérol et l'athérosclérose. L'obésité a tendance à abaisser les valeurs des peptides et doit donc toujours être prise en compte dans l'interprétation.
Qu'en est-il actuellement en cas d'HFpEF ? Pendant des années, les peptides natriurétiques ont surtout été utilisés pour exclure l'insuffisance cardiaque, ce qui a aussi été intégré dans les recommandations. Aujourd'hui, on pense qu'ils sont également utiles pour détecter activement l'insuffisance cardiaque. À cet égard, le consensus de la HFA a introduit l'acronyme 'FIND HF' (Fatigue, Increased water accumulation, Natriuretic peptide and Dyspnoea) comme guide pour la détection précoce. Cet algorithme pratique a ensuite été parcouru, tel qu'il est décrit dans le document de consensus de 2023. Il est toutefois important de souligner que des données récentes, à grande échelle et validées de manière invasive montrent que les seuils de NT-proBNP en ambulatoire présentent une marge d'erreur considérable, principalement en raison d'interactions avec l'obésité et la fibrillation auriculaire.1
ESC consensus criteria on HFpEF diagnosis revisited
Carsten Tschoepe - Berlin, Allemagne
Lors de cet exposé, l'utilisation de la fraction d'éjection comme critère diagnostique et classificatoire de l'insuffisance cardiaque a fait l'objet d'une réflexion critique. Bien que la fraction d'éjection soit un paramètre central depuis les années 1960, on a fait remarquer qu'elle ne reflète que le pourcentage par rapport au volume télédiastolique et qu'elle ne dit pas grand-chose sur le débit cardiaque réel ou la sévérité clinique de l'affection. Ainsi, tant l'hypertrophie physiologique chez les athlètes que l'hypertrophie pathologique chez les patients souffrant d'HFpEF ou d'amylose peuvent s'accompagner d'une fraction d'éjection apparemment normale (~ 60 %), alors que le débit systolique et le débit cardiaque sont clairement réduits. Ces paramètres sont précisément cruciaux pour la perfusion des organes et reflètent mieux la limitation fonctionnelle.
En cas d'HFpEF, les recommandations actuelles de l'ESC exigent la présence de symptômes et de signes typiques d'insuffisance cardiaque associés à une fraction d'éjection préservée (> 50 %), une élévation des peptides natriurétiques et des signes de cardiopathie structurelle ou de dysfonction diastolique. Pour ce faire, il existe deux systèmes de score : le modèle américain H₂FPEF, qui est facile à utiliser et repose en grande partie sur des paramètres cliniques et échographiques, et le système européen, plus complexe, qui combine plusieurs composantes structurelles et fonctionnelles ainsi que des biomarqueurs. Les deux comportent leurs avantages et leurs limites. Par exemple, le modèle américain ne tient pas compte des valeurs de BNP, de sorte que la spécificité peut diminuer, tandis que le système européen est moins accessible en pratique quotidienne en raison de sa complexité. Pour les patients présentant un score intermédiaire, on a rappelé l'importance des tests fonctionnels complémentaires, tels que les tests de stress diastolique ou les mesures hémodynamiques invasives. Ces méthodes peuvent aider à confirmer le diagnostic en cas de doute, même si elles dépendent fortement de la qualité des images et de l'expertise.
L'orateur a conclu en soulignant qu'une fraction d'éjection préservée ne garantit nullement une hémodynamique normale. Une proportion importante de patients présente un débit cardiaque réduit malgré une fraction d'éjection normale, ce qui conduit à un pronostic à peu près aussi mauvais que celui des patients présentant une fraction d'éjection réduite. Une approche structurée utilisant des scores, des biomarqueurs et des examens diagnostiques complémentaires peut aider à identifier ce groupe à temps et à le traiter de manière adéquate.
How to hunt down specific aetiologies
Rudolf De Boer - Rotterdam, Pays-Bas
Au cours de cette session, l'orateur a souligné que l'HFpEF n'est pas une maladie isolée, mais un diagnostic global pouvant avoir de nombreuses causes sousjacentes. Là où, en cas d'HFrEF, on utilise classiquement un itinéraire diagnostique approfondi pour déterminer son étiologie, l'HFpEF est souvent négligée - à tort.
Une fois le diagnostic posé, l'algorithme HFA-PEFF encourage à rechercher de manière ciblée la cause, de manière comparable à la stratégie utilisée en cas d'HFrEF. Les étiologies courantes ou les pathologies concomitantes sont l'hypertension, l'obésité, la fibrillation auriculaire, le diabète ou le prédiabète, les maladies rénales chroniques et les maladies coronariennes, qui peuvent tant provoquer une HFpEF qu'une HFrEF, par exemple après un infarctus myocardique (figure 2). L'HFpEF sans obésité ou avec un contrôle glycémique total devient rare. En outre, il faut être attentif aux pathologies 'imitatrices' telles qu'une cardiomyopathie hypertrophique et l'amylose cardiaque, en particulier chez les patients âgés. Les nouvelles techniques d'imagerie permettent de mieux en mieux de les détecter à un stade précoce.

L'orateur a recommandé une approche systématique et pragmatique :
- mesurez soigneusement la pression artérielle, de préférence avec un monitoring de 24 heures ;
- évaluez l'obésité non seulement à l'aide de l'IMC, mais aussi du tour de taille ou de la masse graisseuse relative ;
- dépistez activement les troubles du rythme, les anomalies métaboliques et les maladies rénales ;
- utilisez l'échocardiographie comme base mais, en cas de red flags, passez rapidement à une imagerie avancée telle que l'IRM cardiaque.
Grâce à des examens étiologiques ciblés, les stratégies thérapeutiques peuvent être mieux adaptées et la population hétérogène souffrant d'HFpEF peut être abordée de manière plus spécifique. La recherche de la cause n'est pas un luxe, mais fait partie intégrante du diagnostic de l'HFpEF.
Référence
- Reddy, Y.N.V., Tada, A., Obokata, M., Carter, R.E., Kaye, D.M., Handoko, M.L. et al. Evidence-Based Application of Natriuretic Peptides in the Evaluation of Chronic Heart Failure With Preserved Ejection Fraction in the Ambulatory Outpatient Setting. Circulation, 2025, 151 (14), 976-989.
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