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Le TAVI chez les patients à faible risque opératoire: des nouvelles détonantes du congrès de l'American College of Cardiology
  • Joëlle Kefer 

Introduction

Depuis la réalisation de la première implantation de valve aortique par le professeur Alain Cribier à Rouen en avril 2002, la notion de 'risque opératoire' est au coeur du débat.

La technique du TAVI (pour Transcatheter Aortic Valve Implantation) a d'abord démontré son efficacité chez des patients inopérables dans l'étude PARTNER 1B en 2010, démontrant une supériorité en termes de survie par rapport au traitement médical à 1 an (mortalité: 30,7 vs 50,7 %, p < 0,001), résultats confirmés à 2, 3 puis 5 années de suivi1-4.

La définition du risque opératoire a été reprécisée, dans les guidelines américaines de 2014 (figure 1) puis européennes, associant le STS-PROM ainsi que certains critères de fragilité gériatrique ou autres points anatomiques5, 6.

Deux études de non-infériorité ont atteint leur end-point primaire en démontrant une mortalité à 1 an non inférieure (PARTNER 1A: 24,4 vs 26,8 %) voire supérieure (CoreValve US Pivotal Trial: 14,2 vs 19,1 %) après TAVI qu'après chirurgie classique de remplacement valvulaire aortique chez des patients à haut risque opératoire. Ces résultats se confirment pour des follow-up plus longs jusqu'à 5 ans7-12.

Forts de ces excellents résultats, les investigateurs ont poursuivi leur évaluation de la technique chez des patients à risque intermédiaire. Les études PARTNER 2 et SURTAVI ont démontré une non-infériorité du TAVI sur la survenue de décès ou d'accident vasculaire cérébral chez les patients à risque intermédiaire pour la chirurgie13, 14.

De 2010, date de la première étude randomisée publiée, à 2017 qui a vu la publication des résultats des risques intermédiaires, le développement de la technique du TAVI a été exponentielle: différents modèles de valves (balloon or self-expandable) et de cathéters pour la délivrer ont permis de résoudre la majorité des difficultés techniques rencontrées au début de l'expérience. Les complications vasculaires ont drastiquement diminué suite à la réduction du calibre des cathéters introduits dans l'aorte (de 24 French en 2002 à 14 French pour les dernières générations); le design des nouvelles prothèses comportant une 'jupe ou collerette' externe permet de contrôler le problème des fuites paravalvulaires; le développement du CT-scanner centré sur la valve aortique permettant de prévoir la taille, le type et le positionnement de la prothèse évitant ainsi le mismatch, le risque de rupture d'anneau et d'occlusion coronaire. Toutes ces améliorations techniques, associées à la plus grande expérience des équipes interventionnelles, expliquent les excellents résultats obtenus dans les études randomisées comparant le TAVI à la chirurgie conventionnelle de remplacement valvulaire aortique.

Il était donc logique de tester cette thérapie chez des patients à faible risque opératoire. Des précurseurs scandinaves ont déjà osé le faire entre 2009 et 2013 dans l'étude NOTION, incluant un faible nombre de patients mais aux résultats étonnamment positifs: pas de différence sur l'end-point primaire combiné (décès, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde) à 1 et 5 ans15, 16. Ces résultats se devaient d'être confirmés dans des études à plus large échelle: PARTNER 3 et Evolut Low Risk, toutes deux présentées au dernier congrès de l'American College of Cardiology et publiées dans le New England Journal of Medicine17, 18 en mars dernier.

PARTNER 3 trial

Cette étude a randomisé 1 000 patients d'un âge moyen de 73 ans et dont le faible risque opératoire se traduit par une valeur moyenne du STS-PROM de 1,9 %. Les patients souffraient bien entendu d'une sténose valvulaire aortique sévère constituant une indication de remplacement valvulaire aortique. Ils ont été traités par soit une bioprothèse chirurgicale soit par une Sapien 3 implantée par voie transfémorale.

Les caractéristiques des patients sont détaillées dans la figure 2.

L'end-point primaire combiné (décès, accident vasculaire cérébral, réhospitalisation à 1 an) est significativement moins souvent rencontré après TAVI qu'après chirurgie: 8,5 vs 15,1 %, p < 0,001 pour non infériorité et p = 0,001 pour supériorité-figure 3). à 30 jours, l'incidence d'accident vasculaire cérébral, de saignements et de nouvelle fibrillation auriculaire est moindre après TAVI, alors qu'il n'y a pas de différence en taux de pace-maker, de complications vasculaires majeures ou de fuite paravalvulaire ≥ modérée (figure 4). La chirurgie induit moins de bloc de branche gauche et de fuite paravalvulaire légère. L'état fonctionnel des patients (classe NYHA et score KCCQ) est significativement meilleur à 30 jours dans le groupe TAVI alors qu'il se rééquilibre entre les 2 groupes à 1 an, signifiant une récupération plus rapide après TAVI.

EVOLUT Low Risk trial

L'étude a randomisé 1 468 patients d'un âge moyen de 74 ans et d'un STS-PROM moyen de 1,9 % traités par bioprothèse chirurgicale soit par TAVI, réalisé par l'implantation d'une Corevalve (3,6 %), d'une Evolut R (74,1 %) ou Evolut Pro (22,3 %) par voie transfémorale (99 %), sous-clavière (0,6 %) ou directe aortique (0,4 %). Les caractéristiques des patients sont reprises dans la figure 5. L'end-point primaire combiné (décès, accident vasculaire cérébral) n'est pas inférieur dans le groupe TAVI par rapport au groupe chirurgical: 5,3 vs 6,7 %, probabilité de noninfériorité > 0,999-(figure 6). A 30 jours, les patients du groupe TAVI ont moins d'accident vasculaire cérébral, de saignements, de fibrillation auriculaire, d'insuffisance rénale aigue mais présentent plus souvent une régurgitation paravalvulaire ≥ modérée et ont plus souvent besoin de l'implantation d'un pace-maker qu'après chirurgie classique (figure 7).

Discussion et perspectives

Ces deux études mettent en avant l'extraordinaire efficacité d'une technique mini-invasive permettant de traiter la sténose valvulaire aortique dégénérative, même chez des patients relativement jeunes (âge moyen < 75 ans) et sans risque opératoire particulier (STS-PROM moyen < 2 %). Si les résultats sur la mortalité non inférieurs à 1 an doivent bien sûr être confirmés à plus long terme, on est aussi impressionnés de voir que le taux d'accident vasculaire cérébral est significativement plus faible dans le groupe TAVI alors que l'utilisation de 'cerebral protection device' était nulle dans l'étude Partner 3 et marginale dans l'étude Evolut Low Risk (1,2 % des cas). Ce point était un argument majeur pour freiner l'utilisation du TAVI dans des situations à faible risque: il vient d'être indéniablement mis de côté.

Les complications rythmiques induites par le TAVI était une autre limitation importante de son introduction chez les patients à faible risque: PARTNER 3 nous rassure sur ce point avec un taux très faible de nouveau pace-maker, équivalent à la cohorte chirurgicale (6,5 vs 4 % à 30 jours et 7,3 vs 5,4 % à 1 an, p = NS). Par contre, ce taux est presque 3 fois plus élevé (17,4 vs 6,1 %, p < 0,05) dans l'étude Evolut Low Risk en défaveur du TAVI.

La fuite paravalvulaire est plus fréquemment rencontrée après TAVI qu'après chirurgie (uniquement légère dans l'étude PARTNER 3, mais aussi ≥ modérée dans l'étude Evolut Low Risk (3,5 vs 0,5 % à 30 jours et 4,3 vs 1,5 % à 1 an, p < 0,05).

Enfin, les deux études s'accordent pour démontrer une récupération fonctionnelle plus rapide après TAVI avec moins de saignements, d'insuffisance rénale et de fibrillation auriculaire.

Il ressort de la lecture de ces deux études que le TAVI pourrait être le traitement de choix chez des patients jeunes à faible risque opératoire et que la décision du heart-team devrait dès lors prendre en compte tous les aspects décisionnels, en ce y compris, la préférence du patient, dès lors qu'il y a équivalence entre les traitements proposés.

En Belgique, où cette technique du TAVI a toujours fait l'objet d'un remboursement extrêmement restrictif, il va falloir se préparer à un changement annoncé des guidelines, qui vont sans nulle doute, intégrer les résultats de ces deux études et dès lors la recommander sans tenir compte du risque opératoire du patient, mais de la préférence de celui-ci et de critères anatomiques, favorables ou non au TAVI, qui deviendrait dès lors le traitement de premier choix de la sténose aortique sévère.

Limiter le nombre de TAVI annuel à 500 dans notre pays n'est plus tenable quand on sait que des données démographiques montrent que notre taux d'implants est largement inférieur à la moyenne européenne (52 vs 113 par million d'habitant en Belgique vs Europe) et que nombre de candidats TAVI annuel dans notre pays est estimé à 2 431, en se basant sur les guidelines actuels qui s'adressent uniquement aux patients à risque élevé et intermédiaire19, 20. Cependant, l'aspect financier est un frein réel à la liberté du choix thérapeutique, les compagnies fournissant les nouveaux systèmes percutanés à prix d'or.

Il est donc indispensable que les discussions entre les firmes de matériel, les autorités de santé et les sociétés scientifiques se poursuivent pour harmoniser les points de vue et permettre un accès aux soins modernes pour tous.

Références

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